Alors que les terrasses peuvent à nouveau accueillir la clientèle depuis ce mardi, les entreprises mahoraises s’inquiètent de l’adaptation et de la prolongation des mesures de soutien. Certains n’en ont d’ailleurs toujours pas vu la couleur…
Activité partielle, fonds de solidarité de l’État, aides du conseil départemental… Pour beaucoup d’entreprises de Mayotte, les différents dispositifs de soutien proposés pendant le confinement ont permis, a minima, de sauver les meubles et des emplois. Aujourd’hui, alors que les bars et les restaurants sont enfin autorisés à rouvrir leurs portes en terrasse, la question de la continuité des aides, indispensables pour assurer la relance de l’économie, se pose. Et les attentes sont nombreuses, alors que beaucoup d’entreprises n’ont pas vu toutes leurs demandes aboutir ces deux derniers mois. “C’est simple, j’ai annoncé l’ouverture pour demain (mercredi), et à partir de là, d’après les calculs que nous avons faits avec mon comptable, tout s’arrête”, signe Patrick Muller, le gérant de la société Latitude Jet, pour qui les 1.500 euros du fonds de solidarité de l’Etat ont permis de garder la tête hors de l’eau.
L’aide de l’État disponible jusqu’à la fin de l’année ?
C’est un plus compliqué que ça, répond en substance la CCI. “Cela dépendra en réalité du secteur d’activité : pour les secteurs de la restauration ou du tourisme, qui ont été particulièrement touchés par la crise, l’aide de 1.500 euros de l’État pourra continuer jusqu’à la fin de l’année”, rappelle Kaissani Madi, responsable numérique et entreprises en difficulté à la CCI. En effet, comme annoncé lors de la présentation de la stratégie du déconfinement à la mi-mai par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, le dispositif du fonds de solidarité doit être maintenu au-delà du 31 mai pour les entreprises de l’hôtellerie-restauration, et maintenant aussi du tourisme. Mais il faudra encore répondre à certains critères : outre le nombre de salariés, le bénéfice, ou le chiffre d’affaires de l’entreprise, il faut avoir fait l’objet d’une fermeture administrative ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % par rapport au chiffre d’affaires de référence. “Si en avril 2019, vous aviez un chiffre d’affaires de 500 euros par exemple, et qu’en avril 2020, vous avez fait un chiffre d’affaires de zéro euro, alors vous aurez 500 euros d’aides de l’État”, résume Kaissani Madi. Ce qui pourrait donc expliquer le calcul fait par le patron de Latitude Jet pour les mois de reprise.
Remboursement des protections sous conditions
Mais ce n’est pas là la seule aide dont l’entrepreneur pourra bénéficier. En effet, pour de nombreuses sociétés, la réouverture est synonyme de surcoûts destinés à respecter les normes sanitaires : achats de matériel, gants, gels hydroalcooliques, désinfectant ou vitrines de plexiglas… “J’ai investi dans des bouteilles de désinfectant, du spray, des bouteilles poussoir, de quoi faire des traits au sol aussi, le tout pour environ 400 ou 500 euros”, table Patrick Muller, qui conserve soigneusement ses factures “au cas où”. Et il fait bien, car depuis le 18 mai, l’Assurance maladie met à disposition des entreprises une subvention “prévention Covid” pour rembourser jusqu’à 50 % des dépenses de matériel de protection. Mais là encore, certaines conditions sont requises : la mesure concerne les entreprises de moins de 50 salariés et les travailleurs indépendants sans salariés ; l’investissement global en matériel doit être d’au moins 1.000 euros hors taxe et ne doit pas dépasser 5.000 euros ; les gants et lingettes ne sont pas remboursés ; les masques, gels hydroalcooliques et visière ne sont financés que si la société a aussi investi dans des mesures barrières et de distanciation de plus grande envergure, comme des poses de vitre, de plexiglas ou de cloisons de séparation (la liste est disponible dans les conditions générales d’attribution). Cette subvention concerne les achats effectués entre le 14 mars et le 31 juillet 2020, et les demandes peuvent être envoyées jusqu’au 31 décembre. Mais vu les conditions, pas sûr que les entreprises mahoraises se précipitent aux portes de la CSSM…
Du côté des entreprises de travaux publics, la question de la prise en charge des surcoûts liés aux obligations sanitaires est d’autant plus importante, étant donné la proximité sur les chantiers. “Entre l’achat de masque, de gel, le respect d’un certain nombre de personnes par transport qui nous oblige à utiliser des véhicules supplémentaires, nous avons évalué à 5 à 10 % la plus-value par chantier à Mayotte”, souligne Julian Champiat, le président de la Fédération mahoraise du bâtiment et des travaux publics. Des discussions sont en cours au niveau national, et des mesures devraient être annoncées le 10 juin. Fin mai, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait suggéré qu’une partie des surcoûts soit prise en charge par les maîtres d’ouvrage publics. En attendant, du côté des adhérents de la FMBTP, l’on attend surtout le règlement des factures publiques, plus efficace pour consolider la trésorerie que le prêt garanti par l’État… “La réflexion est en cours et le conseil départemental appuie l’idée de céder les créances des entreprises auprès des collectivités locales aux organismes fiscaux et sociaux”, assure Ben Issa Ousséni 7e vice-président, chargé des finances, du développement économique et touristique au conseil départemental.
Le conseil départemental est toujours à l’écoute
Autre possibilité : les aides du Département. Le fonds de soutien adapté à la situation particulière de Mayotte, a recueilli 2.067 demandes, pour l’aide de 1.000 euros. Quant au fonds de solidarité complémentaire, qui vient en plus des 1.500 euros de l’État, il n’a pour l’instant enregistré que 11 demandes. “Sur les 13 millions d’euros initialement prévus pour faire face à la crise, il reste donc des fonds”, confirme Ben Issa Ousséni. “Nous sommes en train d’étudier les pistes pour prolonger le dispositif : une option serait de renouveler les plafonds, pour passer par exemple de 1.000 à 3.000 euros ; une autre serait de clôturer les demandes aujourd’hui, pour relancer le dispositif un peu plus tard, et permettre à tous de postuler à nouveau.” Mais pour l’instant, rien n’est fixé, dans l’attente d’une séance au conseil départemental. Quant au fonds de solidarité complémentaire, la simplification de la procédure au niveau national, basée désormais sur une simple attestation sur l’honneur, et une connexion simplifiée avec France Connect, devrait permettre de générer davantage de demandes.
De quoi peut-être rassurer certains entrepreneurs, dont beaucoup n’ont pas encore réussi à obtenir les aides. D’après une enquête de la BGE réalisée auprès de quelque 120 personnes, 50 % ont fait des demandes, et seules 10 % ont abouti. “Et plus de 86 % seraient en difficulté financière, une situation qui pénalise beaucoup les créateurs d’entreprise”, tient à rappeler Samira Chaouch, conseillère à la BGE, qui invite les entrepreneurs à se tourner vers d’autres dispositifs d’accompagnement, indépendants de la crise sanitaire actuelle. “Nous avons clôturé un appel à projets du conseil départemental vendredi dernier, et malheureusement, vu la situation, certains ont eu dû mal à remplir les dossiers pendant le confinement”, développe la conseillère. “Une extension de l’appel à projets, ou encore le lancement d’une nouvelle campagne permettrait de redonner du souffle à beaucoup d’entreprises”, propose-t-elle.
Activité partielle et zone orange
Dernière inconnue de ce déconfinement et pas des moindres : l’activité partielle. 13.549 salariés et 1.428 entreprises sont concernés à ce jour par le dispositif à Mayotte. Or, officiellement, depuis le 1er juin, l’Unédic et l’État ne prennent plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié, le reste étant à charge pour l’employeur. La situation est inchangée pour le salarié, qui continue de bénéficier de 84 % de son salaire net. La préfecture n’a pas encore communiqué sur l’adaptation de
cette mesure à Mayotte, étant donné que le 101ème département connaît toujours des mesures restrictives. “L’hôtellerie-restauration continuera à bénéficier de l’activité partielle en totalité, car nous sommes en orange”, explique Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hôtel. Son restaurant restera d’ailleurs fermé aujourd’hui, car il ne dispose pas de terrasse. “Il ne manquerait plus qu’on nous empêche d’ouvrir complètement et qu’en plus on nous retire cette aide !”, souffle-t-il.
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