Alors que l’île aux parfums accueillait jusqu’à vingt bateaux par an, le trafic s’est brutalement arrêté en 2010, faute d’infrastructures pour les accueillir. Un ponton adapté a depuis été construit, mais la crise sanitaire a, à nouveau, bouleversé cette activité. L’année 2022 signe son retour avec, dès le mois de novembre, l’arrivée d’un navire de 600 passagers à Mamoudzou.
Le 27 novembre, le bateau de croisières Artania de la compagnie allemande Phoenix Reisen, accostera à Mamoudzou avec 600 passagers à son bord. Il sera suivi, le 28 décembre, par un second, accueillant autant de croisiéristes. Ces arrivées signent la reprise de l’activité de croisières sur le territoire. « Depuis 2018, plus aucun paquebot ne s’était arrêté à Mayotte », précise Michel Madi, directeur de l’Agence d’attractivité et de développement touristique de Mayotte (AaDTM). Il faut même remonter à 2010 pour retrouver des traces significatives de cette activité sur l’île.
A cette époque, quinze à vingt navires par an y faisaient escale pendant une journée. Jusqu’à 1.200 passagers pouvaient ainsi découvrir le territoire, en circuits organisés ou par leurs propres moyens. « En 2010, l’activité s’est arrêtée pour des raisons logistiques », signale le directeur de l’AaDTM. L’opérateur Costa Croisières avait prévu une escale, mais l’absence de ponton adapté pour accueillir ces estivants avait empêché son arrivée. « Toutes les compagnies ont alors déprogrammé Mayotte de leurs circuits », poursuit-il.
Six bateaux par an entre 2014 et 2018
Ce n’est qu’en 2013 que le conseil départemental de Mayotte a entrepris des travaux pour construire un ponton capable d’accueillir ces bateaux à Mamoudzou, au niveau du restaurant La Croisette. A partir de 2014, des navires des compagnies Phoenix Reisen, Hapag-Lloyd et Silversea ont à nouveau accosté sur le territoire avec 500 à 600 passagers. « Jusqu’en 2018, nous avons accueilli environ six bateaux par an. »
Pour cette nouvelle saison, qui s’étendra jusqu’en mai prochain, un troisième navire de 1.200 passagers devrait accoster le 11 février. Quatre confirmations pour des arrivées entre janvier et avril sont également en attente. « L’activité repart doucement, mais l’objectif est de monter en puissance », indique Michel Madi.
120 à 150 € dépensés par croisiériste
Si le directeur de l’AaDTM est aussi motivé, c’est que les retombées économiques seraient intéressantes pour le territoire. « Les bateaux de croisières accueillent une clientèle en majorité retraitée, anglo-saxonne ou germanophone, avec un gros pouvoir d’achat », détaille-t-il. En moyenne, ils dépensaient 120 à 150 € par personne avant la crise sanitaire dans les transports, la restauration ou en faisant appel à des guides, notamment pour la traduction. Pour Mayotte, ces flux de touristes participent également à l’image et à l’attractivité du territoire. « Cette clientèle peut envisager de revenir en vacances ou en parler à son entourage. »
Autre intérêt pour l’île, qui possède une offre d’hébergement restreinte, les croisiéristes n’ont pas besoin de dormir sur place. La plupart du temps, le bateau arrive à 7h et repart vers 18h et les passagers dorment à bord.
Que peut-on craindre sur l’aspect environnemental ?
Les paquebots de croisière sont de plus en plus décriés, notamment à cause de leur impact sur l’environnement. « Les émissions de ces bateaux influent sur la qualité de l’air. Ils utilisent du fioul lourd et doivent faire tourner les moteurs en continue lorsqu’ils sont à quai pour recharger les batteries et avoir de l’électricité. Sauf que ce carburant rejette du souffre », explique Nils Paragot, ingénieur d’études à Hawa Mayotte. A Marseille, notamment, ces navires à quai ont de grosses conséquences sur la pollution de l’air. Sans compter les dégâts qu’ils peuvent provoquer sur les fonds marins et les coraux. A Mayotte, aucune étude n’a pour le moment été réalisée sur les conséquences de ce trafic sur l’atmosphère ou la dégradation des écosystèmes marins. Pour Nils Paragot, la reprise de cette activité peut être préoccupante dans une ville comme Mamoudzou, déjà polluée par le trafic routier et les barges. « Pour l’instant, la fréquentation n’est pas problématique », estime toutefois Houlam Chamssidine, président de l’association Nature Mayotte Environnement. « Les conséquences nous paraissent donc mineures à côté de l’érosion ou de la déforestation. » Un constat partagé par Michel Charpentier, président de l’association Les Naturalistes. « Tout est question de fréquence et de quantité de bateaux mais Mayotte n’a pas vocation à devenir un lieu de tourisme de masse. Et l’arrivée des croisiéristes peut aider les structures locales. »