En raison d’une pénurie de riz, de nombreuses familles sont obligées de se nourrir uniquement de pain. Au lieu de trouver une solution dans les meilleurs délais, le gouvernement multiplie les meetings et appelle la population à supporter cette crise qui commence à devenir intenable, surtout à Anjouan où elle sévit depuis trois mois.
Il ne se passe pas une semaine sans que des vidéos de gens qui se bousculent pour du riz ne fassent le tour de la toile. La dernière en date montre des citoyens prenant d’assaut un pickup de l’office national d’importation et de commercialisation de riz (Onicor). Voilà à quoi ressemble le quotidien des Comoriens depuis des mois. Des scènes de désolation engendrés par cette pénurie sans précédent qui frappe les Comores. En plus de la flambée généralisée qui a suivi la hausse des prix des carburants, la population doit maintenant se battre pour trouver un sac de riz ordinaire ou de luxe…
Si Anjouan a été la première à être confrontée à cette crise, la situation s’est dégradée ces derniers temps, créant un vent de panique dans les deux autres îles. À tel point que dénicher ce produit de première nécessité relève du parcours de combattant comme en témoigne cet habitant de Moya, une localité d’Anjouan. « Il n’y a rien dans les magasins et les boutiques. Tout est épuisé. Souvent, les commerçants qui disposent de quelques stocks de cartons de riz de luxe les vendent comme des dealers la nuit. Tout cela pour éviter la pagaille », raconte Hassane Nourdine.
Le manioc et la banane comme produits de substitution
Ce dernier a réussi à obtenir un carton de Mahamoud [marque d’un riz de luxe] par l’intermédiaire de sa belle-sœur, à raison de 2.000 francs comoriens le kilo (soit quatre euros au lieu de deux). « Les gens n’ont pas d’autre choix que d’en acheter dans la mesure où nous en consommons énormément à Anjouan. On se résigne aussi car tout est cher ici en ce moment », confie Hassane Nourdine qui révèle que l’oncle de son épouse a dû parcourir près de 60 kilomètres dans l’espoir de trouver un peu de riz… En vain ! Il est finalement rentré avec un sac de farine qui servira à faire des galettes la nuit.
Quid des autres qui n’ont pas les moyens de se payer ce riz de luxe, dont le prix ne cesse de grimper ? La plupart de ceux-là ont dû s’adapter en se tournant vers des produits locaux, comme le manioc ou la banane. « Le soir, on mange du pain. Plus grave encore, on se bagarre chaque matin devant les revendeurs qui nous vendent une baguette par personne », relate Oussam Saïd, résident de l’île d’Anjouan.
Certains préfèrent se nourrir de pâtes alimentaires, à l’instar des macaronis. « Mes enfants sont habitués à trouver du riz dans leurs assiettes donc ils refusent de manger autre chose. Souvent, j’entends les pleurs des autres mômes dont les parents ne sont pas capables de consoler », témoigne pour sa part Abou, un jeune de Nyumakelé, la région la plus peuplée d’Anjouan. « Même la campagne de récolte de girofle est menacée. On risque de tout abandonner car les gens se plaignent de la faim. Personne n’ira grimper dans un arbre en étant affamé », prévient-il.
La guerre en Ukraine pointée du doigt
Partout, la situation est la même. Agriculteur originaire de Chouani, localité située au sud de la Grande Comore, Mohamed Alhadhur partage son expérience. « Je tiens une épicerie, mais rien n’avance puisque je prends le peu d’argent qui rentre pour nourrir ma famille. Actuellement, je dois tous les jours dépenser six euros rien que pour les deux kilos de riz. Comment un citoyen lambda comme moi va-t-il vivre avec cette crise ? Et que dire de ceux qui ont des familles nombreuses ? », s’interroge-t-il. En Grande Comore, certains citoyens se disent prêts à payer le triple du prix pour un sac de riz ordinaire, qui ne dépassait pas 10.000 francs comoriens.
Pendant ce temps, une délégation composée de membres du gouvernement, à la tête de laquelle se trouvent le président de l’Assemblée nationale ainsi que d’autres ministres, sillonne l’île d’Anjouan et enchaîne les meetings pour dit-on sensibiliser la population. L’occasion pour ces dignitaires d’expliquer à la population qui « ne maîtrise pas l’évolution de la conjoncture mondiale » que si pénurie il y a, c’est tout simplement à cause de la guerre ukrainienne et du Covid-19. Il faut donc rester patients jusqu’au jour où un bateau accostera… Une source de l’Onicor a confié que cette disette aurait pu être évitée si les fournisseurs internationaux avaient respecté leurs engagements. Selon Al-watwan, une cargaison transportant moins de 1.000 tonnes de riz devrait arriver ce jeudi, mais qu’en raison de la forte demande, elle ne mettra pas fin à ce problème.