Des citoyens survoltés ont essayé d’intercepter des camions transportant du riz à destination des régions reculées de l’île d’Anjouan. Les forces de l’ordre ont dû intervenir en urgence pour dégager la route dans certaines villes, à l’instar de Mirontsy, où on a fait usage de gaz lacrymogène. Après ces deux jours d’émeutes, le bilan s’élève à quatre blessés et à six arrestations.
L’accalmie est revenue à Anjouan depuis vendredi après deux jours de tension. Très touchée par la crise alimentaire par rapport aux autres îles, Anjouan a réceptionné une première cargaison de riz, mercredi dernier. Près de 780 tonnes arrivées de la Tanzanie, via le bateau Faliki Ndjema, ont été déchargées au port de Mutsamudu sous haute surveillance des forces de l’ordre. Malgré la forte mobilisation des éléments de l’armée pour superviser l’opération de rationnement du riz, des échauffourées n’ont pas pu être évitées. Dans certaines villes à l’instar de Mirontsy, la situation a dégénéré.
Selon nos informations, on déplore quatre blessés après deux journées d’affrontements, dont un enfant de quatre ans. Sa famille a confirmé que celui-ci avait été asphyxié par le gaz lacrymogène. Un autre jeune, âgé lui de 15 ans, s’est blessé la bouche et les membres inférieurs. Ce n’est que jeudi, que l’on a enregistré les deux autres blessés. D’après le récit raconté par un témoin qui se trouvait à Mirontsy, tout a commencé en milieu de semaine dernière lorsqu’un groupe de jeunes a tenté de bloquer le passage d’un convoi de riz.
Des affrontements entre manifestants et partisans
Alors que les camions chargés traversaient la ville pour ravitailler les régions les plus reculées, certains habitants de Mirontsy visiblement ulcérés par cette pénurie se sont mis à réclamer du riz avant d’attaquer l’un des véhicules. « Ils ont érigé des barricades sur la route et ont déchiré la bâche qui cachait la marchandise. Mais cela n’a pas duré car les militaires qui escortaient le convoi sont intervenus et la majorité des camions avaient déjà réussi à passer », avons-nous appris. Si les forces de l’ordre ne sont pas parties après cet épisode, c’est parce que la situation s’est très vite muée en affrontements entre d’un côté ces manifestants et de l’autre, les partisans du directeur général de l’office national d’importation et de commercialisation du riz (Onicor), Abdou Miroidi, lui aussi originaire de Mirontsy.
Les heurts se sont poursuivis de façon sporadique durant toute la journée du mercredi. Le soir, les émeutiers ont par exemple allumé des pneus. D’ailleurs, sur des vidéos relayées largement sur les réseaux, on y voit des axes routiers barrés et des hommes en treillis disséminés un peu partout dans la ville en train de dégager la circulation usant des grenades et des gaz lacrymogènes. Il a fallu que le gouvernement joue les médiateurs pour que le calme revienne à Mirontsy surtout.
Du riz en provenance d’Inde et du Japon
Au total, neuf jeunes ont été arrêtés. Ils ont tous comparu samedi mais seulement, trois d’entre eux sont relâchés. Contacté pour connaître les infractions retenues, le procureur de Mutsamudu n’a donné suite ni aux appels ni aux messages. Exacerbés par la crise du riz qui frappe le pays, certains habitants de la ville chef-lieu d’Anjouan ont eux aussi suivi le mouvement. Pour tenter de calmer les tensions, l’Onicor a assuré dans un communiqué publié sur sa page Facebook le 7 septembre que d’autres quantités supplémentaires de riz arriveraient. « À Ngazidja, une cargaison de riz ordinaire en provenance d’Inde via Dar es salam est attendue au plus tard le 15 septembre. S’en suivra le riz du don japonais. Bientôt, ces zones de turbulences que nous venons de traverser ne seront qu’un mauvais souvenir », a promis l’entreprise publique pointée du doigt ces derniers temps pour son incapacité à faire des prévisions, elle qui a le monopole de l’importation de la céréale la plus consommée aux Comores.
Notons qu’en dehors de Mirontsy, la distribution du riz a été calamiteuse. Pour obtenir l’or blanc [surnom attribué au riz], les habitants sont obligés de former des files d’attente pendant des heures pour espérer repartir avec quelques grains. Certains y sont restés jusqu’à 23h. Si dans la capitale, le sac se partageait entre deux personnes, ailleurs, la même quantité était attribuée à six voire sept personnes dans certaines localités comme Mremani. Des scènes jamais observées au cours de ces dernières décennies qui rappellent à quel point la crise a atteint des sommets.