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Une distribution d’eau dans la capitale comorienne, Moroni, en 2023. photo Oustadh Padré de la Gazette des Comores

Dans un communiqué publié par le secrétariat général du gouvernement, l’État annonce le déblocage d’une enveloppe de près de 119.000 euros pour le ravitaillement temporaire d’eau dans les quartiers de la capitale comorienne. Une solution jugée insuffisante par la population qui dénonce l’incapacité des autorités à fournir les services de base.

Ce sont des images qui résument tout. Samedi, dans la matinée, des camions-citernes avaient été déployés dans certains quartiers de la capitale comorienne, Moroni, pour distribuer quelques litres d’eau à la population. Financée par l’État comorien, cette opération n’a pas tardé à faire réagir. Artiste engagé, le rappeur Cheik MC fut le premier à lancer un coup de gueule, depuis sa page Facebook, qui compte plus de 14.600 followers. « Non, nous ne sommes pas dans une zone de guerre ni victimes d’une catastrophe naturelle. Nous sommes juste dans une capitale où en 2024, des incompétents qui nous chantent une émergence en 2030, sont incapables de fournir de l’eau à la population. L’art de la communication pourrait faire croire qu’un accident s’est produit il y a quelques jours et a perturbé la régularité de la fourniture en eau dans nos foyers, mais les habitants de certains quartiers attendent la goutte depuis une coupure, depuis plusieurs années voir des décennies comme à Hadoudja », a taclé le rappeur, natif de la capitale Moroni, dont le dernier son « Basss » qui signifie « stop » ou « assez », dans lequel il dénonce les coupures d’eau cumule déjà 5.2 millions de vues sur la plateforme YouTube. L’interprète de Mwambiye, qui n’a jamais oublié le quotidien difficile de ses compatriotes dans ses chansons, n’a visiblement pas pu se retenir voyant que la crise de l’eau dans la capitale ne fait qu’empirer. A l’origine de cette colère partagée par de nombreux Comoriens, le déblocage de 59 millions de francs comoriens (119.000 euros) par l’État pour la distribution de quelques gouttes d’eau dans les quartiers de Moroni. La cause ? La société comorienne d’exploitation et de distribution d’eau (Sonede) a sorti un communiqué, le 4 août, pour informer les habitants qu’elle entreprend des travaux de remplacement d’une pompe dans l’une des principales stations dénommée Onu4. « Ces interventions pourraient entraîner des perturbations dans la distribution de l’eau ainsi que dans la livraison d’eau par camion-citerne. Nous nous excusons de ces désagréments », a écrit le service de communication de la Sonede.

Jamais de stabilité

Pour tenter de calmer la frustration de la population de la capitale de l’Union, le secrétariat général du gouvernement, dirigé par le fils d’Azali Assoumani, a dévoilé, le 16 août, un programme de distribution. « À la demande de la Sonede, le gouvernement a décidé d’agir en décaissant les 59 millions de francs qui serviront à louer entre autres, des camions pour la distribution de l’eau dans les différents quartiers de la capitale et pour s’assurer que les familles aient accès à l’eau pendant la période des travaux », détaille le communiqué qui révèle la mise en place d’un comité de suivi. Pour le 15 août, près de quatorze mosquées étaient sur la liste. Confiée à la mairie de Moroni, l’opération a également ciblé des citernes communautaires. Les travaux sont censés durer trois mois. Pour une partie de la population, ces réhabilitations citées comme la source de ces perturbations ne sont qu’un prétexte dans la mesure où la Sonede n’a jamais été capable d’alimenter Moroni. « Il n’y a jamais eu de stabilité dans l’approvisionnement en eau. Avant les travaux, on pouvait passer jusqu’à une semaine sans qu’une goutte d’eau ne coule dans les bornes fontaines et maintenant c’est encore pire. Nous comptabilisons deux mois sans eau. La seule option qui reste est l’achat », a témoigné Ismaël, résidant de Mbuzini, un quartier situé au centre de Moroni, près de la zone des banques. Samira, mère de deux enfants, vit également à Iroungoudjani, au centre-ville. « Personnellement, ça fait trois semaines que j’achète de l’eau. Dimanche soir, on en a eu un peu. Il y a une semaine, un voisin à moi n’avait réussi à remplir seulement une bouteille, je dis bien une bouteille et non un bidon. Je précise que c’est une double peine pour nous parce que nous peinons énormément à se faire ravitailler par les revendeurs car la quantité que nous sollicitions est insignifiante à leurs yeux », a confié la mère de famille.

120 euros par semaine

Autrefois plus ou moins épargné, le quartier de Madjadjou, au sud de Moroni, a vu son rythme d’alimentation se dégrader ces derniers temps en particulier. « Depuis que ces pénuries se sont accentuées, certains foyers ne sont pas en mesure de préparer à manger faute d’eau. Les livreurs ne passent plus. Tout le monde se rue vers les habitants domiciles qui ont des citernes. Mais en raison de la demande, chaque famille a seulement droit à deux bidons de vingt litres chacun », clarifie Mohamed qui a révélé que pour les besoins naturels, des gens sont obligés d’acheter de l’eau minérale. La situation est encore pire dans les zones oubliées depuis fort longtemps comme Mangani, où la docteur Soumaihat Ahmed Soilihi a installé son cabinet médical. Le 8 août, dans la soirée, cette gynécologue obstétricienne très connue dans le pays avait dû lancer un appel à l’aide sur Facebook. Elle ne demandait qu’un tuyau pour la livraison de quelques litres d’eau. « Nous comptons déjà six mois sans eau. Pour survivre, je n’ai pas d’autre choix que d’acheter à Vuvuni, où se situe la principale station de pompage. Personnellement, je commande un camion par semaine. C’est pour l’usage domestique et le cabinet aussi. S’il n’a pas plu, j’utilise en moyenne un camion par semaine. Ça me revient à 120 euros », révèle la médecin qui exerce à l’hôpital El-Maarouf. La gynécologue, comme les autres citoyens, se demande comment l’État va gérer le prochain centre hospitalier de sept étages en construction avec ces interminables pénuries d’eau. « Avec l’eau de la Sonede, impossible de tenir », tranche la professionnelle de santé. Samedi, lors d’une visite dans le chantier en réhabilitation, le directeur de la Sonede, Soundi Goulam, avait été interpellé par les journalistes sur la question, ce dernier a assuré que le nouvel hôpital sera épargné par de ces problèmes d’eau car la Banque mondiale va financer son adduction en eau et son électrification.