Mais que se passe-t-il exactement au sein de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) ? Depuis quelques semaines, des élus de l’opposition au sein de cet outil consulaire laissent fuiter des informations faisant état de mauvaise gestion, de pratiques contraires aux règlements et bien d’autres choses encore. La survie de la CMA ne dépendrait plus que d’une décision du préfet de Mayotte, Thierry Suquet.
La cocotte bout depuis un moment, et de confidences d’alcôves en affirmations plus ou moins prouvées, la situation atteignant son paroxysme a fini par délier les langues. Surtout depuis la tenue de la dernière assemblée générale, jeudi 29 septembre, dans les locaux de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou. À l’ordre du jour figurait l’examen d’un audit sur l’état des finances de la maison qui enregistrerait un déficit abyssal. Une source bien informée ayant requis l’anonymat explique que le fonctionnement optimal de la CMA nécessite un budget annuel de 1.3 million d’euros, le tout devant provenir de dotations de l’État (et non du Département) depuis la départementalisation de Mayotte. En d’autres termes, les trois chambres consulaires du territoire sont statutairement contrôlées par le ministère de l’Économie et des Finances. La même source confie que l’équipe dirigeante actuelle* semble ignorer cela et compterait sur une souhaitable mise sous perfusion financière par le conseil départemental pour gommer de supposés « libertés avec l’argent du contribuable ».
À la base de cette très grave accusation, des différences fondamentales dans le fonctionnement de cette institution, d’une équipe à une autre, dans une méconnaissance totale de certains rouages administratifs. Pour pallier son insuffisance de deniers, les équipes précédentes avaient recours à des aides de la collectivité mahoraise pour financer certaines manifestations ciblées de portée locale ou régionale telles que les foires et autres forums. L’organisation de telles opérations donnaient lieu préalablement à la signature de conventions de financement entre la CMA et l’entité publique sollicitée pour les financer. C’est ainsi que la majorité actuelle aux commandes de l’institution serait en attente du versement par le conseil départemental d’une aide de 96.000 euros au titre du dernier forum des métiers organisé par la présidence sortante.
Mais ce n’est pas tout, une autre accusation grave est portée à l’actif des dirigeants actuels de la CMA : une enveloppe de 400.000 euros allouée par l’Europe pour l’organisation d’une manifestation de couture de mode aurait disparue des radars comptables. Les multiples questions de l’opposition sur la trajectoire prise par cet argent demeureraient toujours sans réponses. Sauf que dans ces circonstances, les services de Bruxelles demanderaient le remboursement de la somme versée. Dans la même veine, des locaux auraient également été loués à grands frais chez un particulier dans le quartier des Hauts-vallons pour y installer le Centre de Formation de Apprentis (CFA) alors même que celui-ci n’a pas encore d’existence réelle.
Des anomalies en cascade et des arrêtés préfectoraux non respectés
Par ailleurs, malgré un déficit record devenu secret de polichinelle, certains membres de la majorité voyageraient allégrement aux frais de la princesse entre Paris et Mayotte sans nécessité véritable, alors que d’autres élus sont contraints de payer de leurs poches leurs déplacements pour certaines manifestations organisées en métropole. Et cerise sur le gâteau, une autre source bien informée ayant elle aussi requise l’anonymat affirme une autre énormité, les dirigeants de la CMA auraient « soudoyé » une élue de l’opposition, jeudi dernier, Halima Andjilani, pour atteindre le quorum nécessaire à la tenue de la dernière AG, avec la promesse d’une participation à la foire nationale des métiers qui se déroule actuellement à Paris. « Avec quel argent comptent-ils satisfaire une telle promesse ? Certainement pas celui de la Chambre des métiers ! Et s’il s’avère qu’ils l’ont dupé pour obtenir sa voix, je ne donne pas cher de leur peau, des informations croustillantes seront étalées sur la place publique très prochainement », lance la même source.
Autant dire que ça sent vraiment le roussi dans une Chambre des métiers de Mayotte qui vient de voir son directeur général des services, Jean-Denis Larroze, faire valoir ses droits à la retraite. Rien de plus normal de nommer quelqu’un à sa place, mais les statuts de cette institution ayant été modifiés après la départementalisation de Mayotte, c’est à l’assemblée des chambres des métiers et de l’artisanat de France qu’il revient de patronner ce recrutement, ce qui n’a pas été fait. Une autre voix, non anonyme cette fois, se fait entendre à grand fracas, celle d’Abdillah Batrolo, un autre élu de l’opposition actuelle au sein de la CMA. Dans les colonnes d’un de nos confrères de la place, il dénonce l’usage abusif du véhicule de fonction de présidente (une Peugeot), Radhia Oumari, qui serait conduite depuis plusieurs mois par une personne étrangère à l’institution au motif officiellement annoncé d’une réparation technique, sans bon de commande, alors même que celle-ci aurait été entièrement révisée au terme de la mandature de son prédécesseur. La police d’assurance du véhicule serait, en plus, arrivée à son terme le 13 septembre dernier. Toujours est-il que la présidente n’aurait jamais jugé bon de réclamer la voiture en question, préférant un autre véhicule de substitution.
Plusieurs élus de la CMA s’étonnent du manque de réactivité de la part de l’autorité de tutelle face à la cascade d’anomalies ainsi mise à jour, et ce à partir même de l’élection de l’actuelle majorité présidée par Radhia Oumari. La survie de la CMA serait, dit-on, suspendue à une décision de la préfecture de Mayotte.
*Plusieurs élus de la majorité sollicités n’ont pas souhaité s’exprimer.
Le ministère des Finances veut la tête du trésorier
Un courrier émanant d’une mission du Contrôle général économique et financier du ministère des Finances aurait recommandé au préfet de Mayotte d’engager une procédure de suspension du trésorier de la CMA pour faute grave dans l’exercice de ses fonctions, en application des dispositions de l’article 19-IV du code de l’artisanat. Le motif de cette demande : accumulation d’irrégularités, mensonges à la mission et mauvaise volonté manifestée pour admettre les erreurs commises.