Si l’autorité du canal (SCA) a annoncé la reprise du trafic lundi en milieu d’après-midi, l’immobilisation de quelque 400 navires des deux côtés de cet axe stratégique pendant près d’une semaine pourrait rallonger les délais de livraison à Mayotte, alors que la période de jeûne doit débuter à la mi-avril.
Il a bougé ! Ce lundi matin, un communiqué de l’Autorité du canal de Suez (SCA) annonçait la bonne nouvelle : l’”Ever Given”, gigantesque porte-containeur bloqué depuis près d’une semaine en travers de ce couloir artificiel égyptien, “a été rétabli à 80% dans la bonne direction”. En milieu d’après-midi, le trafic a pu reprendre. Mais la bataille n’est pas gagnée pour autant et les observateurs du monde entier ont encore le nez scotché sur les sites de suivi du trafic maritime en temps réel. “J’étais sur MarineTraffic ce [lundi] matin, et on voit bien les embouteillages, donc oui, je pense qu’il y aura une dizaine ou une quinzaine de jours de retard”, évalue Marc-Antoine Moles, le président du syndicat des transitaires de Mayotte.
Un coup d’œil sur MarineTraffic ou VesselFinder suffit en effet à comprendre l’ampleur de la tâche qui attend encore les autorités égyptiennes. Car le bâtiment, d’une longueur de 400 mètres, a barré la route à quelque 400 navires, coincés des deux côtés de ce passage stratégique qui voit défiler environ 10% du commerce maritime mondial, entre la mer Rouge et la mer Méditerranée. Le président de l’Autorité du canal Osama Rabie a précisé que le canal fonctionnera 24 heures sur 24. Il faudra trois jours et demi environ pour désembouteiller ce goulot de 193,3 km de long.
La France métropolitaine fournit 54% des achats mahorais
Or, le canal de Suez est aussi stratégique pour Mayotte, qui dépend à 54% de la France, tandis que les marchandises en provenance de l’Union européenne, hors métropole, représentent 12,7% du total des importations (chiffres de 2017). “Mayotte sera touchée, c’est sûr !”, confirme Nass Mlanao, le directeur d’exploitation de Sodifram. “On parle de 10% du trafic mondial qui passe par le canal de Suez, mais pour la région océan Indien/canal du Mozambique, je pense que c’est plus de la moitié”, décrit ce responsable de grande distribution.
Mis à part les importations en provenance de l’Asie, la grande majorité des produits que l’on retrouve à Mayotte transitent par ce bras de mer au nord. Seuls les produits dits ultra frais, comme le fromage ou les yaourts, prennent la voie des airs, ce qui représente 5% des produits vendus par l’enseigne. “Prenez les bananes vertes, très demandées pendant le ramadan : la production locale ne suffit pas, et l’un des premiers producteurs c’est la Côte d’Ivoire, en Afrique de l’ouest. Eh bien, les bananes, elles vont d’abord au Havre avant de redescendre par le canal de Suez”, déroule Nass Mlanao.
Une tuile de plus pour les importateurs
Diable ! Va-t-on se retrouver avec des bananes pourries pour le ramadan ? “C’est un risque”, confie le directeur d’exploitation, alors que la période de jeûne doit débuter cette année le 12 avril prochain. Pour autant, cette crise au canal de Suez n’est qu’un obstacle de plus pour les importateurs de l’île aux parfums, habitués à gérer des logistiques complexes. “Vous savez, à Mayotte on a toujours du retard, alors là, il n’y a pas mort d’homme non plus”, nuance avec philosophie le transitaire Marc-Antoine Moles. En effet, s’il faut sur le papier quatre semaines pour voguer entre Le Havre et Longoni, dans la pratique, ce délai s’étale souvent jusqu’à trois mois. En cause : les transbordements, du nom de cette logistique qui consiste à décharger les conteneurs dans un premier port, pour les acheminer vers le lagon dans de plus petits bateaux, des “feeders”. Ce qui peut d’ailleurs expliquer l’arrivée de produits plus très frais sur les étagères… Alors gare aux dates de péremption dans les semaines à venir (encore plus que d’habitude) !