L’insertion par l’activité économique à Mayotte prend une toute autre tournure cette année. Le budget a été multiplié par 2,5 et le nombre de structures pouvant en bénéficier a augmenté de 35%. L’objectif est d’utiliser cet argent à bon escient. Et pour cela, l’État pourra compter sur des projets innovants et engagés.
9,6 millions d’euros ! C’est le montant du budget annuel 2021 alloué aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Contre 3,7 millions d’euros un an plus tôt. « C’est une augmentation substantielle et sans précédent. Les fonds ont été multipliés par 2,5, soit une hausse de 250% », se réjouit le préfet de Mayotte. Il faudra désormais con-sommer cette somme puisque l’effort financier du gouvernement sur l’insertion par l’activité économique est inédite. Pour y arriver, 19 structures ont répondu à l’appel. Soit cinq de plus par rapport l’année dernière. Elles pourront bénéficier de cet somme pour aider les personnes sans emploi ni formation à s’insérer dans la société.
La subvention de l’État sera uniquement dédiée à l’aide aux postes. Autrement dit, elle permettra de rémunérer les femmes et hommes en insertion qui pratiqueront une activité professionnelle dans l’une de ces 19 structures. Et pour que l’aspect financier ne soit pas un frein au développement de ces SIAE, la préfecture a mis les bouchées les doubles. « À la différence de la métropole, nous avons obtenu du gouvernement un régime particulier. Les structures qui ont demandé les fonds seront payées tout de suite. Nous allons gagner entre cinq et six mois par rapport à l’Hexagone », annonce Jean-François Colombet. Toutes les structures ne seront pas dotées de la même manière, le budget sera attribué en fonction des projets et du nombre de personnes qui seront prises en charge par chaque structure.
RTME (Régie du territoire maesha espoir)
Basée à Acoua, la Régie du territoire maesha espoir depuis 2010. Présidée par Djabari Madi, l’association caractérise l’engagement des femmes au foyer qui ne cherchent qu’à arrondir leurs fins de mois. Pour cela, elles préparent des plats et les vendent, principalement dans les établissements scolaires. « Quotidiennement, nous distribuons 180 plats dans les écoles. Mais nous ne pouvons répondre à plus de demandes parce que nous devons développer notre coin cuisine pour satisfaire le territoire », précise le responsable de la structure. En plus des plats, la RTME a deux autres activités principales. L’une d’elles est la transformation des produits agricoles. Si au début, les femmes se contentaient de faire simplement des jus, aujourd’hui « elles sont capables de produire plus de 500 kilos de farine de manioc par jour », expose fièrement Djabari Madi. Et l’association met un point d’honneur à ne travailler qu’avec les agriculteurs de l’île pour avoir une visibilité sur la traçabilité des produits utilisés. Autre corde à son arc ? La médiation environnementale. Elle sensibilise la population et embellit les quartiers en commençant par les nettoyages. Le public visé par la RTME est principalement composé de femmes d’un certain âge, mais elle veut désormais mettre l’accent sur les jeunes. L’objectif : Les insérer dans le vie professionnelle à travers ces différentes activités. « Nous faisons aux alentours de 30 à 40% de sortie positive, ce sont des personnes qui ont trouvé un travail ailleurs », indique Djabari Madi. Mais cela freine l’activité économique de l’association, car elle doit sans cesse former de nouvelles personnes. Le prix à payer.
Le garage solidaire de Koungou
C’est une activité innovante qui n’existe nulle part à Mayotte. Le centre communal d’action sociale de Koungou souhaite mettre fin aux garages informels et en parallèle faire disparaître toutes les carcasses de voitures qui jonchent les rues de la commune. Pour cela, il a crée le garage solidaire. « Nous voulons proposer un atelier chantier d’insertion pour insérer les personnes en situation régulière afin qu’elles aient un garage formel, dans le respect des normes, parce que très souvent, elles sont découragées par les démarches administratives », dévoile Aly Mohamed, à la tête du projet. L’autre but : inciter les jeunes à s’intéresser aux différents métiers qui existent dans un garage. « Pour commencer, nous allons accompagner 12 personnes en insertion à intégrer les garages partenaires. Ces jeunes seront formés et pourront par la suite accéder à des postes à l’extérieur », détaille Aly Mohamed. Le projet porté par le CCAS de Koungou devrait se réaliser en 2022.
Wenka Culture
À ses débuts, l’association Wenka culture située à Kaweni avait une activité principale : faire nettoyer les rues par les jeunes de Kaweni pour éviter l’oisiveté. Aujourd’hui, la structure s’étend sur quatre activités principales. « Nous avons un atelier chantier d’insertion sur la propreté urbaine, un sur les métiers de développement durable, un autre sur l’espace vert et un autre sur la poterie », précise Omar Said, directeur de Wenka culture. L’association regroupe 40 salariés, 25 jeunes sur le terrain et 15 permanents qui accompagnent les stagiaires vers une inclusion économique et sociale. Mais le directeur se trouve confronté à la lenteur administrative, qui freine l’activité de l’association. « Il y a beaucoup de couacs administratifs, une lenteur sur les traitements des dossiers qui ralentissent le paiement et ça met à mal nos structures », dénonce Omar Said. À cela s’ajoute les charges qu’elles doivent payer alors qu’ailleurs en France, ce n’est pas forcément le cas. « Les structures comme les nôtres payent les mêmes charges sociales qu’une entre-prise classique alors que nous sommes censés faire du social. Nos confrères qui ont les mêmes structures à La Réunion sont exonérés de charges, et les postes d’encadrement sont cofinancés », souligne le directeur de Wenka Culture. Cette aide de l’État n’est donc pas négligeable, mais elle reste encore insuffisante au vue des besoins des structures.
Nayma
Sur le marché des structures d’insertion par l’activité économique depuis 2020, l’association Nayma nourrit déjà de grandes ambitions. Sa mission principale consiste à valoriser le cycle de l’eau. « Nous allons commencer par nettoyer les rivières et les mangroves. Puis nous allons planter de la végétation pour restaurer ces endroits. Dans un second temps, nous irons jusque dans le lagon », explique Roukia Lahadji, présidente de l’association. Pour préserver cette denrée rare, l’ancienne marie de Chirongui s’entourera de 200 jeunes seulement pour cette année 2021. Un chiffre qui devrait rapidement augmenter. Ils seront encadrés par 44 professionnels, allant de l’infirmier et l’assistante sociale en passant par l’encadrant technique. « Il y aura au moins 50% de jeunes, 30% de femmes, 10% de personnes en situation de handicap. Nous voulons les sauver de l’insécurité et les aider à s’insérer dans la vie professionnelle », selon Roukia Lahadji. Et tout débutera par l’obtention du permis de conduire : chaque jeune sera accompagné dans cette démarche afin de faciliter la mobilité.