À peine plus d’un an après le début de l’épisode d’essaim de séisme à Mayotte, une importante part du mystère vient d’être levée : les milliers de secousses ressenties seraient liée à l’apparition d’un volcan sous-marin à l’est de l’île.
Du zébu enterré vivant aux forages pétroliers au large des Comores, depuis un an, toutes sortes d’hypothèses plus ou moins crédibles circulent pour tenter d’expliquer les milliers de secousses sismiques ressenties par la population. Les diverses missions scientifiques menées depuis le mois de juin 2018, dont la dernière campagne océanographique MAYOBS réalisée à bord du navire Marion Dufresne, qui vient de rentrer à quai mercredi, ont finalement livré un début d’explication nettement plus tangible, dévoilé à la presse jeudi après-midi en présence du préfet Dominique Sorain. Il s’agit d’ailleurs d’un « éclaircissement majeur » qui « permet de mieux comprendre les séismes constatés sur l’île depuis un an« , selon les termes de la préfecture.
Et pour cause, un volcan sous-marin, situé à 50 kilomètres à l’est de l’île et à 3.500 mètres de profondeur, est en train de naître.
« Une cartographie de 2014 démontre clairement par rapport à la cartographie actuelle récente effectuée par la mission, la naissance d’un volcan« , a confirmé jeudi Nathalie Feuillet, physicienne à l’Institut de physique du Globe, chef de la mission MAYOBS, ajoutant que « dès le mois novembre, l’hypothèse de mouvements de plaques tectoniques fut écarté« . La taille actuelle du nouveau volcan est évaluée à 800 mètres de hauteur avec une base de 4 à 5 kilomètres de diamètre. Le panache de fluides volcaniques – nuage de gaz volcaniques chauds et de téphras, majoritairement des cendres et de la roche – de 2 kilomètres de hauteur n’atteint pas la surface de l’eau. « En outre, les émanations de gaz constatées sur le littoral de Petite-Terre par la population sont, selon la mission, un signe habituel rencontré dans ce type d’activité volcanique et feront l’objet d’études spécifiques« , relaie de son côté la préfecture. Dès le mois de janvier, en effet, des témoignages d’habitants et de pêcheurs faisaient état d’étranges bulles de gaz au large de Petite-Terre pour les premiers et d’importantes quantités de poissons morts flottant à la surface de l’eau à l’est de Mayotte pour les seconds.
Évaluer les risques sismiques, volcaniques et de tsunami
Cette découverte géologique exceptionnelle est le résultat de la mission menée conjointement par la Comité national de la recherche scientifique (CNRS), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut physique du Globe (IPGP), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’Université de La Réunion, l’Institut de physique du Globe de Strasbourg (IGPS), l’Ecole normale supérieure (ENS), le Centre national d’études spatiales (CNES) et le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM). Cette mission est venue « ajouter des observations terrestres » à la campagne océanographique du Marion Dufresnes, précise la préfecture. L’objectif de la mission MAYOBS, qui s’achèvera samedi, consistait à récupérer les six sismomètres de fond de mer déployés en mer à l’est de l’île en février dernier. Leurs données vont continuer à être analysées pour préciser la zone active des séismes. Ces instruments ainsi que huit autres micro-sismomètres ont à nouveau été remis à l’eau au plus près de la zone des séismes pour les localiser très finement et comprendre leur origine. Il est également prévu d’acquérir des données de géophysique (bathymétrie, réflectivité sismique très haute résolution) pour imager les fonds océaniques dans la zone où se produisent les séismes.
L’exploitation de toutes les données acquises ces derniers mois « nécessitera des travaux approfondis pour évaluer les risques induits pour Mayotte en matière de risque sismique, risque volcanique et de tsunami« , ajoute la préfecture. Le programme d’étude devrait ainsi être actualisé et renforcé à mesure des nouveaux éléments découverts. Enfin, alors que chaque volcan dispose déjà d’un observatoire dans les outre-mer, Mayotte devrait également avoir le sien, indique Nathalie Feuillet. D’autant plus utile qu’un « volcan qui est en mer est beaucoup plus difficile à surveiller« .
Un plan d’action en cinq axes
En relation avec les élus et les autres acteurs impliqués, le gouvernement a défini un plan d’action qui repose sur cinq axes, à savoir :
» – Compléter dans les meilleurs délais les dispositifs de surveillance et instruments de mesure (tels que les sismographes et les balises GPS) pour suivre en continu le phénomène,
– Compléter, par des missions adaptées, la connaissance scientifique ;
– Procéder immédiatement à une actualisation de la connaissance des risques que présente ce phénomène et les impacts potentiels pour le territoire mahorais, dont les résultats pourront être présentés d’ici trois mois ;
– Renforcer sans attendre le dispositif de planification et de préparation à la gestion de crise. A cet effet, une mission d’appui à la planification de la sécurité civile est dépêchée pour apporter un appui au préfet (actualisation des dispositifs de gestion de crise tels que les plans ORSEC). Elle sera sur place dès ce vendredi 17 mai ;
– Informer régulièrement la population, en lien avec les élus locaux ».
Les nouveaux éléments de connaissance acquis seront partagés au niveau international dans la zone de l’Océan Indien, assure la préfecture de Mayotte.
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