Tradition : la circoncision, ça se fête ! 1/3

Tous ou presque sont passés par cette étape dans leur vie : la circoncision. Les jeunes Mahorais se voient dès leur jeune âge retirer le prépuce pour motif religieux mais pas seulement. Traditionnellement, cette pratique ancestrale est synonyme de bon augure pour la future vie de l’enfant. Cérémonies coutumières et félicitations sont de rigueur.

 Le rendez-vous se tient toujours après la prière de l’aube, sobh, afin d’en tirer toutes les bénédictions. Il est un peu moins de 7 heures du matin, Karim* jeune Mahorais de cinq ans s’apprête à être circoncis chez lui, au sein de son village natal et dans sa maison aux côtés de son père, d’oncles et sa famille proche. Ils sont une vingtaine, tous en kandzu, symbole d’un évènement religieux. Tel est le scénario plausible pour un jour de circoncision à Mayotte explique Saïd*, Mahorais quinquagénaire habitant à M’tsapéré. Le père de famille est un adepte des traditions de son île d’ailleurs il explique d’emblée que la circoncision est une étape importante dans la vie du jeune Mahorais. « Plus tôt on l’a fait à l’enfant, moins il aura mal », explique celui qui a fait le même choix pour son fils. En effet, l’enfant mahorais est circoncis à trois, cinq ou sept ans. Des âges impairs choisis subtilement de par leur forte connotation. « Par rapport à la religion musulmane, nous à Mayotte on se base sur un chiffre impair, car Allah est unique, il représente donc le chiffre un ». Saïd garde tout de même quelques réserves quant à la circoncision des enfants plus jeunes car « l’acte est douloureux ». Et d’ajouter : « La circoncision est liée à la religion et à notre hygiène intime. C’est ce que nous avons reçu de nos anciens c’est pour ça que nous maintenons sa pratique ».

 Rituels et prières de protection

« La veille de la circoncision, les cérémonies traditionnelles commencent d’abord avec le heredza », indique Saïd. Un rite culturel pourvu de chants religieux réservé aux femmes qui se rapproche du « sauna » pour son bain de vapeur, mais qui est accompagné à Mayotte de plantes médicinales bouillies en amont. Un rite de purification aussi, durant lequel l’enfant est massé afin « d’éviter toute forme d’infection » après la circoncision. Ce même jour, l’enfant a également le crâne rasé, la plante des pieds et des mains couvertes de henné pour marquer cette étape cruciale dans sa vie de jeune homme. Le jour J, les mamans s’affairent en cuisine, les papas quant à eux s’apprêtent à célébrer solennellement la cérémonie de l’acte de la circoncision.

« Les cérémonies de la circoncision à Mayotte dépendent aussi des familles et de leur village », poursuit Saïd expliquant que ces dernières procèdent chacune à leur manière. En effet, plusieurs étapes sont à noter. La première, le chidjebou, une oraison tirée des textes du Coran sollicitant la protection divine avant l’acte. Chez Saïd, le matin même de la circoncision, les hommes de la famille récitent le chidjebou. Puis, vient le moment de la circoncision pratiquée par un infirmier ou « vraiment de manière traditionnelle avec un [circonciseur] du village, comme à l’époque de nos parents ». Une cérémonie relativement courte, durant laquelle l’enfant reste entouré des hommes de sa famille. Une fois l’acte fini, s’en suit un autre chidjebou.

Le choix du jour est également lié à la religion. Le vendredi, « jour du Seigneur pour les musulmans », souligne le père de famille. D’autres favorisent le jour de la naissance du Prophète Muhammad, le maoulida, « un jour béni » ajoute-t-il. Aujourd’hui, la circoncision se déroule de plus en plus durant les vacances scolaires afin d’éviter l’absence aux cours. De son côté, Saïd se réjouit de l’avancée de la science qui permet aujourd’hui, selon les pratiques, de circoncire l’enfant sans engendrer de période d’alitement longue. « Certaines familles, très traditionnelles ne veulent pas faire appel aux infirmiers. Les traditions c’est bien, moi aussi j’aime mes traditions, mais quand on a les moyens d’éviter la souffrance à l’enfant pourquoi ne pas le faire. Je pense qu’il faut évoluer avec le temps ».

 « Rendre visite au Boina Haroussi »

Une fois l’acte fini, une autre cérémonie suit, celle-ci « a plus tendance à fêter l’événement ». En effet, l’enfant circoncis suscite la visite de sa famille et du voisinage, tel un héros. Tout un chacun souhaite voir le « boina haroussi » (jeune marié) pour le féliciter et célébrer sa bravoure. Un tournant a eu lieu. « Traditionnellement, on considère que c’est son premier mariage », indique Saïd. Durant toute sa période de convalescence, l’enfant, reçoit cadeaux et offrandes en tout genre : gâteaux, jeux, enveloppes d’argent… Il est au centre de toutes les attentions. « Il ne sort pas. Il reste dans la chambre. On le laisse jouer dans la cour mais il est très surveillé pour éviter qu’il ne se blesse ou qu’il attrape des infections ». Trois semaines voire un mois après la circoncision, s’en suit un dernier chidjebou. À ce moment-là, « l’enfant est guéri, tout va très bien ». Place au mateheri, cérémonie qui marque le cap de l’enfance à la vie de jeune adulte, bien qu’il ne soit pas encore un jeune adulte, précise toutefois Saïd. « Certaines familles vont jusqu’à tuer un zébu ». Un sacrifice qui se perpétue encore aujourd’hui. La viande du zébu est partagée entre « notables du quartier » choisis subtilement par le père de l’enfant qui leur offre approximativement à chacun deux kilos. Le reste est cuisiné et consommé le jour même avec tout le voisinage. Si la circoncision s’avère être un rituel de joie et d’accomplissement pour les familles de l’enfant, ce dernier pour sa part s’étonne souvent de la « diminution » de la taille de son sexe quelques semaines plus tard se gausse Saïd.

 

 

 

 

 

 

 

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