« L’enjeu, c’est d’acculturer la population à ce risque »
Une sensibilisation aux consignes de sécurité lors de séismes a été organisée lundi matin à Bandrélé, au douzième jour d’une série de tremblements de terre à Mayotte, en présence du directeur de cabinet du préfet. L’État se prépare à une éventuelle magnitude supérieure à celles observées mais se veut rassurant, alors qu’une partie de la population dort toujours à la belle étoile.
« À 6 [de magnitude], on aurait effectivement plus de dégâts », reconnaît Étienne Guillet, directeur de cabinet du préfet lors d’une discussion à bâtons rompus avec des habitants. Il a participé lundi matin à Bandrélé à la demi-journée de sensibilisation auprès de la population sur les consignes de sécurité à adopter en cas de catastrophe naturelle et notamment de tremblement de terre. Elle était pilotée par la Croix-Rouge au douzième jour de l’essaim de séismes qui frappe Mayotte et alors que la nuit de lundi à mardi a été marquée par trois séismes rapprochés (entre 3h47 et 4h05 dont le plus fort de 5,5 de magnitude), ressentis par une grande partie de la population.
Un dispositif d’urgence
« On se prépare » à un éventuel tremblement de terre de magnitude supérieure à celles enregistrées, évoque Étienne Guillet. Tentes et médicaments sont prêts à être envoyés depuis Paris et La Réunion, en cas de catastrophe. Des personnels de secours seraient également mobilisés. « Pour le moment, on n’appuie pas sur le bouton. On n’a pas de raison de le faire », rassure le directeur de cabinet du préfet.
« On est dans un phénomène d’essaim de séismes avec des magnitudes limitées à 5,8 (…) Je ne dis pas que c’est la plus haute qu’on aura [mais] ce n’est pas prévu qu’on aille au-dessus. Ça ne fait que 30 ans qu’on étudie le système [sismique] à Mayotte (…) On est dans des microphénomènes à l’échelle géologique », indique le sous-préfet. « Il y a eu plus de 700 secousses en 10 jours, avec une majorité en dessous de 3 [de magnitude], non ressentie par la population ». Le phénomène est « lié a priori au rift est africain » et à « un glissement de plaques. Il n’y a pas de subduction donc pas de risque de tsunami (…) C’est potentiellement une plaque qui se scinderait », détaille-t-il.
Des propos qui ne rassurent pas tous les habitants de Bandrélé, parfois radicaux dans leurs mesures de protection. « Avec ma mère et les voisines, on dort carrément dehors depuis une semaine », livre Sara, 25 ans, malgré les propos rassurants des autorités. « Ça me perturbe. On n’a pas l’habitude. » À la suite du séisme conséquent de mardi dernier (5,8 de magnitude), de nombreux habitants avaient déjà dormi à la belle étoile.
« Tous les jours, il y a un gros coup de flippe », déplore Isabelle Carcy, une autre habitante de Bandrélé. « Toutes les nuits, on est réveillés. Ce qui est inquiétant, c’est la fréquence des séismes », poursuit-elle, sifflet à la main, offert lors de l’initiation. « L’enjeu, c’est d’acculturer la population à ce risque », fait savoir Étienne Guillet. Le vice-rectorat a organisé des interventions dans tous les établissements scolaires pour rappeler les bons gestes en cas de séisme (voir notre brève, NDLR). L’intervention menée par la Croix-Rouge est appelée à s’étendre à d’autres communes.
Un « catakit » présenté
Lundi matin, 18 membres de l’organisme ont été mobilisés à Bandrélé. Une plaquette a été préparée de concert avec la préfecture, détaillant les gestes à adopter avant, pendant et à l’issue d’un tremblement de terre. Elle a été adaptée au phénomène singulier de l’essaim de séismes, pouvant durer quelques jours ou davantage. Le « catakit », un kit à prévoir en vue d’une catastrophe, a aussi été détaillé à la population par la Croix-Rouge (couverture de survie, trousse de secours, lampe, etc.).
« Il y a des équipes de formateurs avec du matériel en mairie qui apprennent certains gestes essentiels : lors d’un arrêt cardiaque, pour faire des dégagements d’urgence, etc. », livre Houlam Haladi, chef d’intervention secourisme et responsable territorial du soutien psychologique à la Croix-Rouge. En parallèle, deux autres équipes ont sillonné les rues de Bandrélé pour aller directement à la rencontre des habitants, en compagnie d’Étienne Guillet.
« On a la peur dans le ventre qui s’est installée », livre dans ce contexte Murielle Lignon, professeur au collège de Dembéni. Ce dernier, qui a un problème de malfaçon initiale et dont les structures avaient été consolidées, a fait l’objet de plusieurs diagnostics depuis le début de l’essaim de séismes. « Pour l’instant, les fissures n’ont pas bougé », précise Étienne Guillet. Au sein du même établissement, « les enfants sont terrifiés. Des élèves se mettent sous les tables au moment des tremblements », affirme un personnel du collège.
Quelques fissures ont été observées sur des bâtiments depuis le début de l’épisode sismique. L’un d’eux, aux Hauts-Vallons, a fait l’objet d’une expertise, déclare le directeur de cabinet du préfet. Il invite la population à faire remonter tout dégât en mairie et les propriétaires à faire un diagnostic des bâtiments fissurés. Deux entreprises le proposent à Mayotte. À Sada, une famille a été hébergée par la mairie, après que la gendarmerie a constaté des fissures dans l’habitation. « Il y a des maisons qui sont entre guillemets mal construites » malgré les normes sismiques en vigueur, affirme Étienne Guillet. Aucun dégât majeur n’a toutefois été constaté.
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