Docteur en géophysique, Jean Roger a notamment travaillé sur l’étude des risques de tsunamis à Mayotte. Il apporte son expertise sur le phénomène sismique qui touche actuellement l’île.
Flash Infos : L’expression « essaim de séismes » est largement répétée pour expliquer les nombreux tremblements de terre qui sévissent actuellement à Mayotte. Que veut réellement dire cette expression ?
Jean Roger : Un essaim de séismes, c’est simplement une succession de séismes survenant au même endroit. Il est impossible d’en déterminer la durée à l’avance.
F.I. : Concrètement, dans notre cas, que se passe-t-il ?
J.R. : Il existe, entre l’Afrique et Madagascar, ce qu’on appelle la ride de Davie. C’est un endroit où la matière qui constitue la plaque océanique est créée. Pour résumer grossièrement, la création de cette matière amène Madagascar et le continent africain à s’éloigner l’un de l’autre, ce qui entraîne un étirement de la plaque océanique. C’est cet étirement de la plaque qui est à l’origine des séismes ressentis actuellement. C’est comme si vous preniez de la pâte à modeler et que vous tiriez dessus : certains endroits vont se déchirer.
F.I. : Est-il possible de savoir combien de temps ce phénomène va durer ?
J.R. : Non, la sismicité ne peut pas être prédite. On connaît les différentes failles, les différentes plaques océaniques mais il est impossible d’anticiper les secousses sismiques. Pourtant, beaucoup de scientifiques tentent de déterminer des signes précurseurs, en étudiant par exemple l’alignement des planètes, mais rien n’a été établi.
F.I. : Pourquoi les secousses ne sont pas ressenties de la même façon par tout le monde ?
J.R. : Il y a certaines zones où les ondes résonnent davantage, notamment les zones marécageuses. Donc, selon si l’on habite sur une ancienne mangrove asséchée, au pied d’une montagne ou en hauteur, le séisme sera ressenti différemment. On appelle cela les effets de site.
F.I : Quels sont les risques concrets d’assister à Mayotte à un séisme suffisamment puissant pour faire d’importants dégâts ?
J.R : « Mayotte se situe en zone sismique modérée, il n’y a pas de grosse faille à proximité et historiquement ce n’est pas une région où les séismes sont fréquents. Il faut aussi noter que les dégâts causés par un séisme ne sont pas liés qu’à sa magnitude. Ce qu’on appelle les phénomènes induits par un séisme, comme les glissements de terrain ou les tsunamis, peuvent provoquer davantage de dégâts. »
F.I : Doit-on redouter un tsunami à Mayotte ?
J.R : « Non, il ne peut pas y avoir de tsunami généré localement. De plus, dans le monde, il n’a jamais été noté de tsunami provoqué par un séisme de magnitude inférieure à 6. »
F.I : Pensez-vous que la population mahoraise a suffisamment été informée des comportements à adopter lors d’un séisme ?
J.R : « Non, je déplore le peu de réactivité de la préfecture et des institutions étatiques pour communiquer auprès des habitants et leur expliquer les consignes de sécurité. Les gens se sont imaginés plein de choses ; on les a laissés paniquer et sortir de chez eux lors des différents tremblements de terre, alors que la consigne est de rester chez soi ! »
F.I : Même dans le cas de personnes vivant dans des habitations fragiles, inadaptées à un séisme ?
J.R : « Les maisons ne s’écroulent que rarement en vertical, mais tombent plutôt comme un château de cartes. Il y a plus de chances que quelque chose nous tombe dessus si l’on sort que si l’on reste à l’intérieur. »
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