Dans la période de Noël, où vitrines et salons se parent de leurs plus beaux atours, ceux qui sont en manque d’inspiration en matière d’harmonie des couleurs et des textures, de diversité des formes et des reflets, feraient bien d’aller faire un tour sous l’eau.
C’est Noël tous les jours, dans le lagon. Quand les Parisiens se ruinent pour acheter un sapin transgénique grisâtre, les Mahorais curieux de la mer peuvent admirer toute l’année le magnifique ver « arbre de noël », Spirobranchus giganteus : cet étrange animal vit bien dissimulé dans un tube creusé dans le corail, d’où émergent deux grands organes filtreurs spiralés et très vivement colorés, en forme de sapin, et qu’il peut rétracter en une fraction de seconde s’il se sent menacé. Ces organes mesurent rarement plus de 5 centimètres de long, mais il arrive de trouver plusieurs dizaines d’individus sur la même colonie de corail, tous de couleurs différentes, formant une belle forêt miniature… Les vers « sabelles » fonctionnent un peu de la même manière, mais sont plus gros, ont un tube visible et leur panache n’est pas spiralé mais en éventail.
Poursuivons sur les décorations de Noël : la mer est pleine de guirlandes, parfois colorées voire lumineuses. On trouve par exemple facilement des holothuries synaptides dans les lagons. Ce sont de longs concombres de mer assez fins qui vivent dans les herbiers, dont le corps est parfois parcouru par cinq lignes jaune vif du plus bel effet. On peut aussi citer les salpes, fréquentes dans le lagon en pleine eau, qui sont des chaînes d’êtres transparents (qui appartiennent au groupe des tuniciers, assez proche génétiquement des vertébrés), et qui peuvent dans certains cas dépasser un mètre de long. On les confond facilement avec d’autres animaux planctoniques transparents, les cténophores, sortes de méduses sphériques ornées de peignes très fins qui irisent la lumière en arc-en-ciel, et prolongées par deux longs tentacules – non urticants – constituant d’excellents analogues à des boules de noël. A ce titre, on pourra les associer avec l’algue-perle (Valonia ventricosa), une algue sphérique unicellulaire de plusieurs centimètres de diamètre aux reflets brillamment nacrés. Plus dangereux, le bel oursin-fleur (Toxopneustes pileolus), que l’on croise parfois sur les platiers, n’a lui non plus rien à envier aux plus belles fantaisies des décorateurs de fin d’année.
Sapins, boules et guirlandes : il ne manque plus que l’étoile. Et il est vrai que les étoiles de mer sont étonnamment rares à Mayotte, plus même qu’en métropole ou à la Réunion – les scientifiques n’ont pas encore d’explication à ce phénomène. On trouvera quand même sur les platiers la grande étoile Linckia laevigata, une étoile lisse à cinq longs bras tubulaires et au disque central très réduit, et qui est généralement d’un bleu profond mais aussi parfois rose à Mayotte (là aussi, mystère…). En cherchant bien sur les tombants, il peut arriver de croiser la plus petite mais non moins belle Fromia indica, rouge brique et ornée d’un élégant motif réticulé noir. Avec un peu plus de chance, on peut aussi croiser l’énorme étoile-coussin (Culcita schmideliana), grosse étoile pentagonale presque sans bras, qui peut parfois être quasiment sphérique, et souvent très colorée, agrémentée de petits piquants coniques. Mais l’étoile la plus piquante, qu’il vaut mieux ne pas inviter à noël, est l’acanthaster (Acanthaster planci), la grosse étoile épineuse et venimeuse dévoreuse de corail : Mayotte a connu quelques épisodes douloureux d’invasions de cette espèce, mais quand les individus sont isolés elle n’est pas spécialement destructrice, et reste un très bel animal, souvent rouge et violet.
Les plus coquets pourront ajouter à cette liste sous-marine des symboles de Noël le concert des poissons-anges, mais en ce qui concerne la faune des lagons de Mayotte, il sera difficile de trouver des analogues d’âne, bœuf ou brebis… On pourra se consoler avec la bûche : les gros concombres de mer qui sillonnent inlassablement les platiers feront bien l’affaire – d’ailleurs certaines espèces sont consommées en Asie, quoique pas encore glacées au chocolat.
Plusieurs de ces espèces spectaculaires, notamment les étoiles, sont ramassées et séchées par les touristes ou par des revendeurs pour servir de décorations : une véritable industrie du braconnage sévit aux Philippines, en Indonésie et dans certains autres pays. Mais tous ces animaux perdent le plus souvent leurs couleurs dans le processus, et les étoiles colorées que l’on trouve parfois dans les magasins sont en réalité peintes. Alors le plus beau cadeau qu’on puisse faire autant à ses proches qu’à la mer, est sans doute d’aller plonger directement à la rencontre de ces merveilles, dans leur élément naturel !
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