Les oursins, ces mystérieuses boules de piquants si redoutées de nos voûtes plantaires, sont souvent pour les baigneurs des animaux aussi familiers que méconnus.
Les oursins font partie de ces invertébrés déconcertants par leur aspect si éloigné des mammifères : leur corps arrondi ne comprend pas de tête, pas d’yeux, pas de membres ni de cerveau central – ils n’ont même pas, pour la plupart, d’« avant » ni d’« arrière », et se présentent comme des sphères régulières, densément couvertes de piquants. Pourtant, ce sont bien des animaux complexes, capables de voir, de se déplacer, de chercher leur nourriture ou d’échapper à un prédateur. Mieux, les oursins sont en fait beaucoup plus proches génétiquement des humains que ne le sont des animaux plus familiers comme les crabes ou les poulpes…
Les oursins appartiennent à l’embranchement des échinodermes (ce qui signifie « peau épineuse »), qui regroupe également les étoiles de mer, les concombres de mer (« holothuries »), et deux groupes moins connus : les ophiures et les crinoïdes. Tous sont exclusivement marins (on n’en connaît aucune espèce terrestre ou d’eau douce), et ont en commun un squelette calcaire plus ou moins dense et surtout une organisation du corps qui suit une symétrie centrale d’ordre 5, en forme d’étoile, même si elle n’est pas toujours évidente chez les oursins vivants ou les holothuries. Cela fait donc une différence morphologique majeure avec les groupes « bilatériens » (symétrie axiale d’ordre 2, avec des organes pairs) comme nous autres les vertébrés, mais aussi les mollusques et les crustacés. D’autres groupes à symétrie radiaire existent cependant, comme les cnidaires (méduses, coraux, anémones…), qui ont quant à eux plutôt des symétries d’ordre 4, 6 ou 8. Tout est donc dupliqué cinq fois à l’intérieur des oursins (à part le tube digestif, central) : cinq nerfs radiaux, cinq organes reproducteurs, cinq double-rangées de ventouses collantes pour s’accrocher au substrat, etc. En dépit de cette divergence évolutive, les échinodermes n’en sont pas moins le groupe frère des vertébrés, avec leur endosquelette calcaire, leur tube digestif complexe et leur développement embryonnaire identique au nôtre.
Malgré les piquants qui les protègent des prédateurs (et des baigneurs imprudents), les oursins sont des animaux lents et aucunement agressifs. Leur piqûre est bien sûr douloureuse, mais rarement grave : le seul oursin vraiment dangereux à Mayotte est le très bel oursin fleur (Toxopneustes pileolus), dont ce ne sont pas des piquants qu’il faut se méfier mais des organes venimeux en corolle qui le recouvrent – cependant il est assez rare, facile à repérer et vit généralement à l’abri pendant la journée, ce qui fait que les accidents sont rarissimes. Les oursins se nourrissent en broutant des algues et des animaux fixes au moyen de leur bouche très complexe, située au centre de la face inférieure (l’anus étant au sommet), et équipée de dents particulièrement solides : certains sont même capables de creuser la roche pour se ménager une cavité sur mesure. Ils constituent ainsi les principaux brouteurs d’algues dans la plupart des mers, et les fluctuations de leur population entraînent des modifications importantes de l’écosystème : une épidémie meurtrière des oursins aux Caraïbes en 1983 a ainsi entraîné l’envahissement de nombreux lagons par des algues, au détriment du corail.
Il existe actuellement trois groupes principaux d’oursins, très différents morphologiquement et tous trois présents à Mayotte. Les premiers sont les oursins « réguliers » : ce sont les oursins classiques, parmi lesquels on trouve essentiellement sur l’île les oursins perforants (Echinometra mathaei et Echinostrephus aciculatus), l’oursin-crayon (Heterocentrotus mamillatus), ou encore l’oursin collecteur Tripneustes gratilla. Certains sont munis de piquants extrêmement longs et effilés, et – légèrement – venimeux : ce sont les « oursins-diadèmes » (genres Diadema et Echinothrix), dont on compte quatre espèces dans les lagons, le plus courant étant de loin le gros oursin noir Echinothrix calamaris, très abondant sur les platiers sous les colonies de corail, et qui sort de nuit par dizaines pour se nourrir : il peut dépasser largement 20cm de diamètre, et se reconnaît au fait qu’il a des piquants alternativement gros et longs ou plus courts et très fins (ce sont ceux-ci qui sont venimeux).
On oppose aux oursins réguliers les oursins « irréguliers » : ceux-ci ne sont plus sphériques et possèdent pour le coup un avant et un arrière, avec une bouche antérieure et un anus postérieur. Leurs piquants, souvent très courts, sont fins comme des poils, et leur servent à faire circuler le sable autour d’eux. Il en existe plusieurs formes principales, notamment en biscuit ou en cœur (les spatangoïdes, comme Metalia spatagus) ou en disque plat (les clypéastéroïdes, comme Echinodiscus bisperforatus). Ils vivent enfouis dans le sédiment, où ils se nourrissent des déchets nutritifs, et qu’ils contribuent à recycler. Par conséquent, on ne les rencontre souvent que morts, sous la forme de squelettes blanchis (appelés « test »), fragiles comme du papier.
Le dernier groupe est celui des cidaroïdes, le plus primitif : ce sont des oursins massifs, avec des piquants en forme de bâtons solides à bout plat, sur lesquels poussent des algues, des éponges ou des animaux fixes – on compte à Mayotte l’oursin impérial (Phyllacanthus imperialis) et l’oursin mine (Eudicaris metularia), tous deux nocturnes.
Avec au moins vingt espèces différentes d’oursins dans le lagon, de toutes les tailles, formes et couleurs, essayez de ne vous piquer que de curiosité !
En haut: l’oursin –fleur (Toxopneustes pileolus) et l’oursin –diadème (Diadema savignyi)
En bas: l’oursin-mine (Eucidaris metularia) et un oursin irrégulier (Metalia spatagus).
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