Larguez les sismomètres !

Six sismomètres ont été déployés cette semaine au large de Mayotte, à grande profondeur. Cette opération est une des multiples missions scientifiques qui s’échelonneront sur les prochains mois afin de « mieux comprendre le phénomène » d’essaim de séismes qui frappe l’île depuis le 10 mai dernier, explique la préfecture. Détails.

Une première étape vient d’être franchie cette semaine, qui devrait permettre de « mieux comprendre le phénomène » de l’essaim de séismes ainsi « qu’avoir des résultats plus poussés« , a promis le directeur de cabinet de la préfecture lors d’une conférence de presse mercredi. Ainsi, deux ingénieurs et un sismologue de l’Institut physique du globe de Paris (IPGP) ont passé leur journée de samedi dernier en mer afin de larguer six sismomètres au large de Mayotte. Les appareils, déployés « tout autour » de la zone de l’essaim, sont situés entre 1.600 et 3.600 mètres de profondeur, explique le sismologue Wayne Crawford. Ils n’ont pas vocation à transmettre des données en temps réel mais seront « repêchés » dans six mois et livreront à ce moment-là leurs résultats.

Cette mission constitue l’une des pierres angulaires d’un projet plus vaste ayant pour finalité la triangulation des ondes sismiques. Pour ce faire, trois opérations sont nécessaires : le développement du réseau de sismomètres en mer, mais aussi sur les terres de Mayotte ainsi que l’installation d’appareils aux Glorieuses *. Du 4 au 8 mars, donc, une équipe de l’École et observatoire des sciences de la Terre (CNRS / Université de Strasbourg) interviendra à Mayotte pour conforter le système de sismomètres à terre de l’île et, entre mars et mai, des rotations de missions scientifiques permettront l’installation sur les îles Glorieuses d’une nouvelle station géophysique.

L’enjeu de cette triangulation est de collecter  des données plus précises afin de mieux localiser l’essaim, les « failles en jeu« , voire la chambre magmatique, détaille encore Wayne Crawford – mais éventuellement aussi d’expliquer d’autres phénomènes telles que les remontées de gaz récemment rapportées par les pêcheurs, complète Étienne Guillet, le directeur de cabinet de la préfecture. Sur zone samedi, les scientifiques ont, en tout cas, témoigné qu’ils n’avaient rien vu de tel ce jour-là, que la « zone était très calme« . Une campagne océanographique à bord du navire Marion Dufresne et en partenariat avec l’Ifremer afin « d’observer les fonds marins, de détecter et de quantifier d’éventuels dégazages liés à un volcan sous-marin » est en cours de discussion, a d’ailleurs annoncé le CNRS vendredi dernier par voie de communiqué.

« Quand tout sera installé« , ce système de triangulation automatisé permettra d’obtenir en temps réel des données sur la magnitude et la localisation des secousses, à l’image de ce que l’on trouve actuellement sur les sites internationaux, souligne Frédéric Tronel, le directeur du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) à Mayotte. Le réseau qui est en train d’être installé aux alentours de Mayotte sera cependant plus précis.

Les trois missions d’instrumentalisation, d’un montant de 420.000 euros, coordonnées par le CNRS, sont intégralement financées par l’État. L’ensemble de ces projets impliquent 11 laboratoires et 44 chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens qui planchent âprement sur le phénomène en cours à Mayotte.

L’île se déplace toujours

Les dernières données collectées montrent que l’île aux parfums, qui bouge de manière importante depuis juin dernier, poursuit son déplacement vers l’Est et son affaissement. « Après 10 mois d’évènements« , le territoire s’est ainsi déplacé vers l’Est de 12 à 14 cm et s’est affaissé de 10 cm, a indiqué Frédéric Tronel, le directeur du BRGM à Mayotte. Le mouvement tectonique régional « naturel » implique un déplacement de l’île d’environ 2 cm par an, ce qui n’explique pas en totalité les 12 à 14 cm observés ces 10 derniers mois. Et si le déplacement de l’île peut se concevoir, l’affaissement est, en revanche, un phénomène inédit. Cependant, « on peut supposer qu’à l’arrêt de l’essaim de séismes, on ait un phénomène inverse » de l’affaissement et que l’île retrouve donc son niveau initial sur ce point, a précisé Frédéric Tronel.

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