La vigilance toujours de mise

La tempête tropicale Kenneth, de passage à 200 kilomètres au nord de l’île mercredi, a poursuivi sa route vers l’Ouest et devrait atterrir sur les côtes est-africaines en fin de semaine, après être passé sur l’archipel des Comores. À Mayotte, d’importants moyens ont été déployés pour sécuriser les habitants et les infrastructures.

 

De simple tempête, Kenneth s’est mué en cyclone tropical mercredi midi tandis qu’il passait à environ 200 kilomètres des côtes nord de Mayotte. Le phénomène météorologique continue à cette heure son déplacement en direction de l’Ouest, à 18 km/h environ, a indiqué la préfecture en milieu d’après-midi mercredi. Une journée au cours de laquelle le cyclone a généré des vents forts sur Mayotte, atteignant les 70 km/h, voire les 100 à 110 km/h en crête et sous orages. Aussi, les vigilances « orages », « forts vents » et « forte houle » étaient-elles maintenues, ainsi que les consignes de sécurité afférentes (voir encadré). La prudence reste en effet de mise puisque des phénomènes orageux peuvent ressurgir dans la foulée du cyclone, bien que s’amenuisant ce jeudi, tandis qu’une houle de 2,5 mètres devrait perdurer à l’intérieur du lagon.

Dès lors, les autorités ont décidé de maintenir fermés les établissements scolaires ce 25 avril et d’interdire les transports scolaires et de marchandises dangereuses et de plus de 7,5 tonnes. Le trafic des barges et de l’aéroport reste également suspendu. Le phénomène atmosphérique se dirige à présent vers la Grande Comore. À Moroni, dans l’attente de son passage, les commerçants avaient fermé boutique dès mercredi matin, comme en attestent les photographies d’un journaliste présent sur place, relayées sur les réseaux sociaux.

Hier midi, la préfecture faisait état de quelques dégâts, heureusement sans gravité, dans l’île. On dénombrait ainsi treize arbres tombés, dont un sur une case en tôle dans un quartier de Petite-Terre, mais sans faire de victimes. Deux arbres restaient à évacuer dans le secteur de Coconi. Un éboulement sans conséquence à Ouangani et trois chutes de poteaux électriques ont également été recensés. Ce dernier événement n’a pas non plus affecté la population, les circuits ayant été déviés. Après une brève coupure de courant à la station de pompage de Kwalé, l’alimentation a été rapidement rétablie.

Des effectifs renforcés  

« Ce qui a été annoncé [lundi, avec le déclenchement d’une pré-alerte, ndlr] nous a amenés à renforcer nos effectifs« , a rapporté mercredi l’adjoint du directeur du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours), le colonel Frédéric Robert. De 66 personnels en activité normale, l’effectif est ainsi passé, en cette période de risque cyclonique, à 133 pompiers pour 47 véhicules. Parmi ces personnels, 19 pompiers venus de La Réunion ont également été prépositionnés. En plus de cette mobilisation exceptionnelle, dans le centre de Kahani (l’une des six casernes du territoire), une ambulance supplémentaire a été mise à disposition, de même qu’un véhicule dit de « déforestage » pour dégager les voies en cas de chute d’arbres. Outre les risques de crues torrentielles, de coulées de boue, voire de glissements de terrain, ou les redoutables envols d’objets tels que les toits de tôles « très destructeurs« , les pompiers se sont également préparés à l’éventualité de coupures du réseau de communication, véritable problème pour le traitement de l’alerte. « Pour l’instant, les gens peuvent continuer à nous appeler au 18. » Toutefois, si les réseaux étaient endommagés, seuls deux groupes électrogènes permettraient d’assurer les communications téléphoniques (en Petite-Terre et dans le grand Mamoudzou). C’est pourquoi les six centres de secours ont été préparés à fonctionner en autonomie. Un dispositif récent pour ce jeune SDIS et qui a été mis à l’épreuve lors du mouvement social de 2018. Dans ce cas, chaque centre prend ses décisions de manière autonome et quadrille son secteur par des patrouilles de véhicules, afin de repérer toute situation anormale que la population n’aurait pas pu signaler faute de réseau téléphonique. Une organisation similaire a été mise en place dans les différents centres de soins de l’île, selon une source médicale. Du côté de la gendarmerie, le chef d’escadron François Bisquert indiquait mercredi que les effectifs avaient également été renforcés, et que tous les repos prévus ce jour avaient été annulés, faisant passer les effectifs à disposition de la moitié aux deux-tiers du total.  

Pas de réapprovisionnement immédiat  

Dès lundi, la plate-forme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI) de la Croix-Rouge, pilotée depuis La Réunion, a été activée.« Selon les prévisions météo, nous sommes plus inquiets pour les Comores que pour Mayotte », expliquait mercredi matin Michel Henry, directeur territorial de la Croix-Rouge pour l’île aux parfums. Toutefois, la dizaine de cadres et la cinquantaine de bénévoles de l’antenne locale de l’ONG étaient sur le qui-vive et se tenaient prêtes à réagir en fonction de l’évolution des conditions météorologiques. « Nous n’avons reçu aucune demande d’intervention spécifique de la part de la préfecture ou des communes. Nous attendons les instructions des autorités locales« , confiait en outre le président de la Croix-Rouge à Mayotte, Yassine Boinali, tout en assurant connaître la procédure à suivre sur le bout des doigts en cas de besoin.

Si les sept entrepôts mutualisés de la PIROI (un aux Comores, un à Mayotte, un aux Seychelles, deux à Madagascar, un à La Réunion et un à Maurice) comptabilisaient près de 500 tonnes de matériels pour faire face à une éventuelle catastrophe naturelle sur la zone, le hangar de Mayotte est en flux tendu depuis l’envoi le mois dernier de 40 tonnes d’aide humanitaire en direction du Mozambique après le passage du cyclone Idai (voir Flash Infos du 26 mars 2019). « Le réapprovisionnement du stock n’arrivera pas avant la fin de semaine« , selon Yassine Boinali. Dans le détail des 20 tonnes restantes, on dénombre 52 tentes dites « famille » – pouvant accueillir jusqu’à cinq personnes – quelque 974 bâches, 400 jerricanes, 160 draps, 320 lits picots, 6 générateurs, 2 kits d’éclairage et 2 unités de traitement de l’eau (nécessaires en cas de défaillance du réseau de distribution de l’eau potable). « Tant qu’il existera une menace potentielle pour Mayotte, notre matériel ne sera pas mobilisé ailleurs« , ont assuré les responsables de la PIROI.

Les plans communaux de sauvegarde appliqués   

Depuis mardi soir, les municipalités sont également sur le pied de guerre. À Mamoudzou, 60 personnes, parmi lesquels directeurs et chefs de service, sont mobilisées.

Le poste de commandement est situé à l’école de la place du Marché, tandis que les gros moyens, tels que les deux tractopelles, la minipelle, le bob4 et la nacelle, se situaient sur le site du Baobab, et les agents pour l’élagage et la propreté urbaine à la mairie. « Trente-cinq écoles ainsi que les maisons des jeunes et de la culture(MJC) sont ouvertes et prêtes à accueillir jusqu’à 10.000 habitants. Nous avons eu une réunion de crise hier [mardi] avec tous les effectifs concernés et la police municipale a prévenu la population de Kawéni à Vahibé« , a détaillé Mohamed Ahamada, dit « Tostao », directeur de la logistique et des moyens à la commune.  La veille au soir, une centaine d’administrés se sont réfugiés à l’école de Kawéni.

De 19h à minuit à Koungou, le collège a accueilli 250 personnes. Mounirou Ahmed, directeur général adjoint en charge du développement économique et humain à la mairie, annonçait « un nombre limité de dégâts, mis à part quelques tôles envolées et l’évacuation des zones sensibles« . Au niveau des effectifs, 55 personnes (police municipale, services techniques et sociaux confondus) sont toujours en alerte ce jeudi matin.

Dans le sud, Kani-Kéli a subi plusieurs déconvenues mercredi. « Les dégâts dans les villages côtiers sont importants« , regrettait Fatima Saindou, adjointe au maire en charge de la sécurité. L’élue a recensé des inondations à M’Bouini, des caniveaux et des rivières en crue, et l’un des murs de l’école de Kani-Bé près de s’effondrer… « Les arbres tombent comme des feuilles mortes entre Kani-Kéli et Choungui. Quand il y a des rafales, ça secoue violemment« , a-t-elle confié.

Un peu plus au nord, à Chirongui, la réunion de crise a été déclenchée dès 10h, mardi, « pour définir les missions de chaque service« , selon Cédric Maleysson, responsable du pôle sécurité et de la police municipale. « L’équipe du pôle social et du CCAS s’est chargée d’identifier les personnes vulnérables et de prendre contact avec elles pour expliquer la situation. Nous leur avons distribué 1 à 2 litres d’eau minérale. Le pôle sécurité a surveillé les routes et les points stratégiques de la ville et s’est chargé de l’information des habitants. Le pôle administratif s’est occupé de l’accueil du public en mairie et au téléphone tandis que les services techniques sont restés sur le terrain pour vérifier toutes les zones à risque, comme les ponts et les caniveaux, et nettoyer au maximum de leur capacité. »  

Entre 40 et 50 agents ont été mobilisés pendant de longues heures sur les deux derniers jours. Quatre citernes d’eau ont également été réparties à des points stratégiques. Si aucun dégât majeur n’est à signaler, trois arbres sont tout de même tombés et un pylône électrique en bois, penché à plus de 80 degrés, a nécessité une intervention à distance d’EDM.

 

De nombreux appels téléphoniques

À Bandrélé, aucun dégât à déplorer, mais tous les équipements publics, tels que MJC et écoles, ont été ouverts pour faire office de refuge. Les écoles de Nyambadao et de Hamouro ont notamment accueilli quelques administrés, habitant sur le front de mer, le mardi soir. « En plus des quatre policiers municipaux, chacun des six villages est sous la responsabilité de deux agents des services techniques. Et le directeur effectue des va-et-vient pour gérer la coordination« , a annoncé le maire Ali Moussa Moussa Ben.

À M’Tsamboro, les élus se sont rendus sur le terrain ce mercredi. « Des arbres sont tombés sur le réseau routier et quelques poteaux électriques ont pris feu », relatait mercredi le DGS Assadillah Abdourahamani. Le poste de commandement a élu domicile à la mairie annexe de M’tsahara. Les trois écoles et le collège, situés sur les hauteurs, ont été désignés comme les équipements pouvant accueillir la population. « Nous avons réquisitionné quatre minibus pour mettre les habitants à l’abri en cas de nécessité mais aussi pour les besoins des services techniques. »

Sous la houlette de l’adjoint à la maire en charge du social, Ahamada Madi, Sada s’en est bien sortie. « Les chefs de service et les élus se sont réunis hier [mardi] à 15h pour mettre en œuvre le plan communal de sauvegarde« , dévoilait-il, avant de confier être en lien étroit avec la gendarmerie. Le premier bilan faisait état de nombreux appels téléphoniques par concernant des arbres et des fils électriques. Cinq véhicules techniques, avec chacun trois agents à son bord munis de machettes et de trousses de secours, ont patrouillé dans les villages pour assurer les petites interventions. « Mais les mesures nécessaires seront prises après la tempête pour une question de sécurité ! » Le collège, le lycée, une école primaire ainsi qu’une maison des jeunes et de la culture étaient disponibles en cas de besoin.

 

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