La grogne des commerçants du marché couvert

La scène est quotidienne. Du matin au soir, sur le parking ou les trottoirs : les abords du marché couvert de Mamoudzou n’attirent plus seulement les clients, mais aussi les vendeurs à la sauvette. Cartons, draps ou sacs disposés à terre et c’est parti : l’espace public est occupé par des dizaines de commerçants illégaux. De quoi susciter le ras-le-bol des commerçants du marché, qui alertent non seulement sur la concurrence déloyale qu’ils subissent, mais également sur les dangers pour les consommateurs d’acheter des marchandises souvent douteuses, voire dangereuses et illicites.

Ce n’est pas la première fois que les commerçants se plaignent des nuisances de telles ventes à la sauvette, sans toutefois qu’une solution pérenne ait été trouvée au problème. Ainsi, dans une lettre signée par plus de 70 commerçants du marché, et adressée au préfet de Mayotte, à la municipalité de Mamoudzou, et à d’autres organismes locaux et ministères, le collectif des vendeurs patentés du marché dénonce la situation : “Les vendeurs clandestins se multiplient, les marchandises avariées et dangereuses circulent normalement, des produits illicites pullulent dans tous les coins”, en regrettant que “Les autorités, à tous les niveaux, ont maintes fois été alertées, mais laisse faire et semblent attendre tranquillement la mort prochaine de notre métier (…).

Les actions légales, entretiens avec les différentes autorités, manifestations de rue, semblent ne pas émouvoir les pouvoirs publics qui se contentent de mini-interventions des autorités et de la police municipale qui ont fini par amuser ces vendeurs clandestins et provocateurs.” Jean B arege, membre du collectif l’explique : “Ils n’ont rien à payer et peuvent pratiquer des tarifs plus bas que nous, qui avons des loyers, l’électricité, et des taxes à payer. Nous n’arrivons même plus parfois à payer nos box, affirme-t-il. Nos meilleurs mois sont généralement ceux du ramadan et le mois de décembre. Cette année, nous n’avons rien vendu sur ce mois-là.” Dans ce même courrier, le collectif prévient les autorités d’actions à venir si rien n’est fait pour enrayer efficacement le phénomène.

Pour rappel, des manifestations et actions en ce sens ont déjà eu lieu ces dernières années. Quelle forme pourraient-elles prendre cette fois-ci ? “Celle d’une manifestation, reprend Jean Barege. Nous attendrons la fin de l’état d’urgence, préciset- il, mais si rien n’est fait en notre faveur, le marché sera fermé en guise de protestation.”

Réfléchir à de nouvelles solutions

Du côté de la Police municipale, la question est également préoccupante, comme l’explique le responsable des services de sécurité Ynoussa Anfane M’Dogo : “La vente à la sauvette ne date pas d’aujourd’hui, le marché est comme un El Dorado, c’est là où tout le monde passe. Mais il est vrai que le phénomène a atteint depuis quelques semaines un niveau jamais vu”. Alors, comment faire ? “Le problème est que nous ne pouvons pas mettre en place une police statique rien que pour le marché”, reprend-il. Sur une année, le temps consacré à la surveillance des vendeurs à la sauvette par le poste relais du marché se chiffre à 65 %.

De quoi empiéter déjà largement sur les autres missions (conflits divers, vols, surveillance, etc.) de la police municipale. Pour autant, la police municipale verra prochainement ses plages horaires de tournée augmenter jusqu’à 19h30 le soir, ainsi que le samedi. Pour le responsable, d’autres solutions peuvent être envisagées, exigeant une meilleure collaboration entre les différents acteurs, dont le gestionnaire du marché. “En installant une clôture avec des points d’entrées limités autour du marché, le phénomène serait facilement contrôlable. Déjà parce que visuellement, cela freine les tentations de s’installer, ensuite parce que si c’est le cas, la Police municipale pourrait rapidement arrêter les vendeurs et se saisir des marchandises. C’est, de mon point du vue, une solution à ne pas négliger.” Demeure toutefois un second problème : “Nous avons constaté que parmi ces vendeurs, certains possédaient un registre de commerce délivré à l’époque par la CCI, sans pour autant avoir de place dans le marché. Il faudrait envisager d’autres lieux où les faire converger, car s’ils exercent sur le domaine public, ils ne sont pas des vendeurs illégaux.” Reste donc à voir ce qui pourra être mis en place pour régler, durablement cette fois, la problématique des ventes à la sauvette.

En attendant, le responsable de la police municipale tâche de rassurer : “Nous continuerons à intervenir tant que cela sera nécessaire pour enrayer le phénomène au maximum. Nous en subissons aussi les conséquences puisque ces vendeurs à la sauvette n’ont plus peur de nous, et vont parfois jusqu’à nous insulter et nous menacer.”

G.V

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