L’incroyable histoire de l’îlot Mbouzi

Ce lundi, Vincent Boullet, botaniste et chercheur à l’université de Bretagne occidentale, animera dans le cadre d’un café Naturaliste une synthèse de ses travaux au restaurant La Croisette, à 18h, où il expliquera comment la mise en réserve de l’îlot Mbouzi a permis d’y protéger et d’y favoriser le développement de la végétation naturelle.

 

Michel Charpentier (à g.), le président de l’association Les Naturalistes de Mayotte, et Vincent Boullet, botaniste et chercheur ayant fait de nombreuses missions sur Mayotte depuis 2003, ont raconté leurs anecdotes sur l’îlot de Mbouzi au cours d’un point presse.

Très bon connaisseur de la flore et de la végétation de Mayotte pour y avoir fait de nombreuses missions depuis 2003, Vincent Boullet connaît plus particulièrement l’îlot Mbouzi : un monde insulaire vaste de 80 hectares, situé en plein cœur du lagon et dont le point culminant atteint 153 mètres. Un îlot qu’il s’amuse à définir comme « une petite Grande-Terre en miniature« .                                                                                           

Pour le chercheur, plusieurs facteurs expliquent l’originalité de cette île, devenue réserve naturelle en 2010. Tout d’abord son relief, qui génère  « une étonnante biodiversité et des effets de crêtes« , mais aussi ses vents d’alizés du sud-est qui dessèchent la végétation, « essentiellement des plantes à feuilles caduques« . Mais ce n’est pas tout. L’endroit se caractérise par une diversité de substrats géologiques. Trois grands types de roches s’y dégagent : les phonolites, les basaltes et les scories.

 

Première photo aérienne en 1949

Le premier destin humain s’y dessine en 1936, avec l’arrivée d’une communauté de lépreux. « Quarante malades se sont installés sur la baie des makis. Leur nombre a même atteint 150 entre 1940 et 1950« , raconte Vincent Boullet. Vivant en autarcie, le groupe cultive du manioc, du riz et du maïs, les plantes des bananiers et des orangers, pèche, élève un troupeau de chèvres et cultive du tabac pour le revendre et acheter des vivres, probablement au cours des va-et-vient des autorités sanitaires. « Un chercheur a réalisé une étude durant la période de la léproserie, mais il n’a pas trouvé de photos. »

En effet, le premier cliché aérien de l’îlot remonte à 1949 lors des premières couvertures de l’Institut géographique national (IGN). Sur cette image se dévoile une agriculture abondante, des pentes de 40 à 50 degrés et des reliques de boisement. Trois villages font aussi leur apparition autour de la communauté. « Les Mahorais se trouvaient derrière, sous les arbres, les Grands Comoriens à l’ouest et les Anjouanais à l’Est. Ces derniers avaient construit une trentaine de bangas, pour une population estimée à une quarantaine de personnes. Mais nous n’avons aucune information sur eux, nous ne savons quand ils sont apparus. »

Une vingtaine de familles de Passamaïnty

Le départ des quinze derniers lépreux, en 1955, sonne comme une trêve. Jusqu’en 1968, lorsqu’une vingtaine de familles venues de Passamaïnty décide de s’implanter. « Le grand plateau au pied des montagnes a des terres très fertiles, donc il y avait un réel intérêt agricole. » L’île se reboise alors très rapidement, grâce à l’aide de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) qui plante des bois noirs. « À un moment, nous avions tendance à privilégier les espèces exotiques alors qu’aujourd’hui, ce sont davantage des espèces indigènes pour limiter l’érosion. »

Le conte de fée prend fin en 1992 au terme d’une évacuation manu militari. En effet, la propriété de la terre est revendiquée afin d’y exploiter une grande carrière. « Il y a eu un certain nombre d’écrits dans les journaux et un procès. » Une bataille juridique s’engage alors, au terme de laquelle la revendication de propriété pour usage commercial est jugée illégale en 1997.  L’association Terre d’asile y prend alors ses quartiers, occupant trois hectares du territoire. Elle  y implante alors des makis, dont le nombre atteint 750 individus en 2010. Mais cette initiative n’a pas que des effets positifs puisque « leurs placettes de nourrissage surélevées ont eu comme conséquence la présence de 20.000 rats sur l’île. »

Depuis son passage au statut de réserve naturelle, seuls des braconniers osent encore s’y aventurer, paradoxalement. « L’accès n’est pas interdit mais il est compliqué« , explique Michel Charpentier, le président de l’association Les Naturalistes de Mayotte. Il n’existe en effet aucun sentier praticable, excepté la baie des makis, et la surface des plages est réduite. Parmi les restrictions prévues dans le cadre du statut protecteur, il n’est pas possible de jeter l’ancre ou encore de pêcher dans la zone marine qui entoure l’îlot, sauf en pirogues. Les bivouacs et les feux y sont naturellement prohibés, tout comme le portage de produits végétaux, animaux ou minéraux.

Un choix tout à fait compréhensible puisque l’histoire humaine atypique et le passé agricole de Mbouzi ont ravagé entre 95 et 98 % de ses terres au cours de toutes ces années d’exploitation. Avant que l’environnement, doté d’une très grande richesse et diversité, ne reprenne finalement ses droits naturels. Intitulé « L’îlot Mbouzi, un destin de nature unique aux Comores« , le prochain café Naturaliste animé par Vincent Boullet risque bien de vous laisser sans voix… Rendez-vous ce lundi 8 avril, à 18h, au restaurant La Croisette.

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