On la connaît pour ses prestations scéniques, notamment lors des élections de Miss Mayotte, pour son influence sur les réseaux sociaux et pour sa joie de vivre, Jane Rose May Jaquin, alias « Tatie Jane » comme on aime l’appeler, se livre dans Mayotte et moi et ses souvenirs ne manquent pas.
« C’est important pour moi de mettre mon nom en entier », indique Jane Rose May Jaquin. « Je m’appelle vraiment Jane Rose May et je suis très fière d’avoir le May de Mayotte dans mon prénom, preuve que je devais vraiment venir ici ». La jeune femme née à La Réunion est arrivée sur l’île aux parfums à l’âge de six ans. Elle y passera toute son enfance avant de quitter le territoire pour poursuivre ses études en métropole. Officiellement, Jane Rose May Jaquin est revenue vivre à Mayotte depuis un an. Mais en réalité, elle n’a jamais réellement quitté l’île, cette dernière effectuant fréquemment des allers-retours. « Un besoin de revenir » pour celle qui n’était pas épanouie à Paris. « Il me manquait quelque chose ». Un choix mûrement réfléchi afin d’être au service de son île, mais aussi une certaine manière de faire son deuil après le décès de sa mère qui avait tant chéri l’île aux parfums. « Tous mes repères, toutes mes références c’est Mayotte », confie la jeune femme.
Depuis le mois dernier la jeune femme est digital influencer à la tête de sa propre entreprise. Une structure éponyme qui propose une mission toute récente à Mayotte : la production de contenu numérique dans le but d’influencer les comportements. « Aujourd’hui je vis avec les réseaux sociaux », commente la chef d’entreprise qui reconnaît que sur le territoire, quelques rares agences procèdent au community management. À Mayotte, le réseau social numéro un reste Facebook pour la majorité de la population, suivi de près par Snapchat pour la jeunesse, puis Instagram. « Par exemple, pendant les grèves 2018, la page Facebook Infos Routes Mayotte (qui compte aujourd’hui plus de 41 000 abonnés, ndlr) était le premier site d’information ». L’impact des réseaux sociaux sur l’île aux parfums n’est pas à négliger. Un bon levier touristique également, souligne « Tatie Jane » qui doit son nom à sa communauté de followers. En effet, cette dernière déplore l’image trop négative assimilée à Mayotte. L’outrepasser au travers des réseaux sociaux et redorer le blason de l’île aux parfums fait partie des objectifs de la digital influencer. « Être présent sur les réseaux sociaux aujourd’hui à Mayotte c’est le moyen le plus efficace de vendre son île », souligne-t-elle. Un moyen qui permet de « vendre l’île comme on a envie qu’elle soit vendue ». Photos, vidéos, montages et la maîtrise de l’anglais sont un réel plus exhorte la digital influencer pour une ouverture à l’international.
Métissage et identité mahoraise
« On me demande souvent de quelles origines je suis et je ne réponds jamais à cette question », explique Jane Rose May Jaquin. « Je n’aime pas cette question, pour qui que ce soit. Elle nous catégorise et nous met tout de suite dans des cases ». Une stigmatisation sur des « origines non choisies », ajoute celle qui répond généralement qu’elle est « Française, née sur une île française, de parents français et qui habite aujourd’hui sur une île française ». « Être métis à Mayotte c’est poser les pieds dans le plat. Il faut déjà définir ce que c’est qu’être Mahorais », explique la jeune femme. « Ma mère était Mahoraise. Une mzungu, mais elle était Mahoraise », précise Jane Rose May Jaquin. « Tellement mahoraise qu’elle ne voulait pas laisser le shimaoré, langue orale, se perdre ». En effet, Martine Jaquin faisait partie des fondateurs de l’association culturelle Shimé. Une force pour sa fille qui prône le métissage en prenant pour exemple le 44ème président des États-Unis, Barack Obama qui a réussi « à rassembler autour de lui des noirs américains et des blancs américains ». Jane Rose May Jaquin reste persuadée que le métissage à Mayotte est « fédérateur et a de l’avenir ». Un message d’espoir pour tous les enfants métis de Mayotte et plus largement tous les ultramarins qu’elles considèrent également comme des métis de par leur double culture avec la France.
Mon endroit favori
« Mon endroit favori n’existe plus. C’était le carrefour de Dzoumogné. C’était notre terrain de jeu. Il n’avait rien à voir avec celui qui existe aujourd’hui. Avant il y avait un grand badamier sous lequel il y avait tout le monde : les joueurs de dominos, les gens du marché, les enfants, etc. On passait notre vie là. Une locomotive se trouvait devant et notre terrain de jeu c’était toute la zone du collège. C’est le plus emblématique pour moi avec la cheminée et les vestiges de l’ancienne usine ».
Mon meilleur souvenir à Mayotte
« À huit ans, ma mère ne voulait pas que je me fasse percer les oreilles, mais moi je voulais les avoir percées comme toutes mes copines. J’ai donc comploté avec ma maman de Dzoumogné, Chafanti. On s’est retrouvées chez la coco d’en face avec un fil, une aiguille et de l’alcool. Elle m’a percé les deux oreilles. Ça s’est plus tard infecté. C’était une autopunition, mais j’ai compris ma bêtise derrière. J’ai fini par avoir les oreilles percées pour mon anniversaire suivant ».
Ma photo marquante
« Nous cuisinions beaucoup avec Coco Maecha. C’est elle qui, avec ma maman, m’a donné le goût d’une cuisine familiale qui se partage. Je n’ai jamais su cuisiner pour une ou deux personnes et ça a été galère de m’adapter pendant mes années d’études ! Elle a toujours fêté le maoulida et choisir cette photo qui a été prise par ma maman sur le vif a été une évidence. C’est un moment unique de transmission intergénérationnel et culturel, j’espère que mes enfants aussi connaîtront ces échanges ».
Ma bonne idée pour Mayotte
« Qu’on arrête les beaux discours de solidarité, de cohésion et qu’on les mette vraiment en pratique dans notre quotidien, du lever au coucher. On manque de bienveillance envers soi et envers les autres, dans tous les domaines et pour tout le monde. C’est vrai que nous avons un contexte géopolitique compliqué, mais si on place l’humain au centre de tout, beaucoup de choses pourraient être mieux vécues ».
L’efficacité du corps médical à Mayotte
« Les médecins à Mayotte ne sont pas assez valorisés », déplore Jane Rose May Jaquin qui confie que sa mère a été soignée au CHM jusqu’à son dernier souffle. « Ayant vécu cette expérience malheureuse, je sais que le personnel du CHM, l’ARS et toutes les structures autour de la santé à Mayotte font un travail formidable », indique-t-elle avant de rajouter « qu’il ne faut pas oublier toutes ces personnes qui ont une vocation et qui exercent un métier humain ». « Mayotte est une île sur laquelle il fait bon vivre, au point que ma mère décide de venir se faire soigner ici et de terminer ses jours ici ».
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