Originaire de Pamandzi en Petite-Terre, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Un objectif qu’il a atteint en travaillant d’arrache-pied, faisant ainsi la fierté des siens mais aussi de tout Mayotte. L’embarquement est immédiat.
Du haut de ses 28 ans, Fernand Keisler comptabilise aujourd’hui 1500 heures de vol à son compteur. L’officier pilote de ligne (OPL) chez Ewa Air depuis deux ans, se délecte à survoler la région.Après son baccalauréat scientifique au lycée de Petite-Terre, Fernand Keisler s’envole pour l’Hexagone, où il entame une première année en faculté de physique chimie à Montpellier (34). L’année suivante, il réalise que ce cursus ne lui correspond pas. « C’était pas les études qui m’emmèneraient au métier de pilote de ligne », explique le passionné de l’aviation civile depuis son plus jeune âge. Plusieurs options s’offrent à lui dont l’intégration de l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), sise à Toulouse, mais son choix ne portera pas sur celle-ci. « J’aurais beau être très bon, elle ne me garantissait pas de finir aux commandes d’un avion ». Fernand Keisler se tourne alors vers une autre formation dans le domaine, à sa charge. Avec sa copine de l’époque, devenue aujourd’hui son épouse, ils entament la formation de stewart et d’hôtesse de l’air à Montpellier. « On a très vite compris qu’il fallait améliorer notre niveau d’anglais », confie-t-il. À deux, ils sillonnent l’Europe et privilégient les pays anglophones comme l’Angleterre.
En 2013, le couple rentre à Mayotte. Attentif à l’aviation civile du côté de son île, Fernand Keisler propose à son épouse de postuler chez Ewa Air qui a vu le jour la même année. De son côté, il opte pour la Slovénie afin d’effectuer une formation EASA qui délivre une licence de pilote de ligne reconnue en Europe. La formation se déroule au sein de la compagnie nationale slovène, Adria Airways. « Le sérieux de la compagnie m’a fait faire la formation chez eux », souligne Fernand Keisler. Outre la pratique de la langue anglaise, le théâtre d’opération sur place s’avère être « fabuleux » dixit l’officier pilote de ligne. En effet, le temps de vol entre les différentes destinations voisines et la capitale slovène, Ljubljana, est relativement court : dix minutes de survol de l’Autriche et de l’Italie. « Survoler Venise était le quotidien de l’ensemble des élèves pilotes », se souvient le jeune officier pilote.
Premier officier pilote de ligne mahorais. À tout juste 28 ans, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Après avoir silloné les quatre coins du monde, il prend désormais les commandes pour survoler son île.
« Mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air »
La formation obtenue en Slovénie délivre le titre de pilote de ligne – ATPL – mais ne qualifie pas le type d’avion. En effet, la formation comprend plusieurs licences à acquérir : la première licence de pilote de ligne permet un vol local autour de Mayotte, par exemple. « Pour partir plus loin, une validation en anglais est requise », souligne Fernand Keisler. Piloter un avion gros porteur requiert la licence multi-enging. Pour transporter des passagers, la licence des pilotes privés ATPL est nécessaire. « Chacune de ces formations sont indépendantes », indique-t-il avant d’ajouter : « Toutes les licences obtenues pour permettre de rejoindre l’aviation civile sont appelées Zéro to ATPL. Elles ne permettent pas de piloter tous les avions », met en garde l’officier pilote de ligne. Une qualification type est alors requise. Chose qu’il a effectué en sortant de l’école, se focalisant sur les avions ATR (Avions de Transport Régional). Un choix stratégique : « mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air qui disposait de cet appareil ». Fernand Keisler passera sa formation à Toulouse en 2016. Une formation réalisée dans des simulateurs de vol chez ATR, et qui est ensuite validée par des tours de piste avec l’avion réel, effectué cette fois à Copenhague. « Il faut comprendre qu’un pilote de Boeing 787 ne peut piloter un ATR à moins qu’il passe une qualification type et inversement », explique celui qui a regroupé tous les critères pour postuler chez Ewa Air.
Une chance pour le jeune officier pilote de ligne qui s’estime heureux d’être au service de son île et d’avoir atteint son objectif : intégrer la compagnie Ewa Air qui favorise un recrutement local.
« J’ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise »
Quid de la piste longue ?
Pour ou contre la piste longue ? L’avis d’un officier pilote de ligne intéresse davantage. « La piste n’est pas plus dangereuse qu’il y a dix ans », indique Fernand Keisler. « Il y a dix ans on accueillait des Boeing 777 qui sont beaucoup plus gros que les 787 ». La piste longue, oui il est pour. « Vous aurez beau avoir une piste de 5km de long, cela n’empêchera pas un avion d’interrompre son approche parce que la piste est mouillée par exemple. La piste longue serait intéressante à Mayotte pour que les avions puissent faire des vols directs. C’est une question de meilleure technologie ».
Une autre réalité de notre desserte aérienne est le « prix du pétrole très cher » explique Fernand Keisler qui fait parallèlement référence au directeur de la compagnie low cost French Bee, qui avait déclaré ne pas pouvoir rentabiliser ses vols avec son Airbus A330 à Mayotte. « Corsair a également abandonné », rappelle l’officier pilote de ligne. « La piste de Mayotte n’est pas dangereuse comme le laisse entendre beaucoup de gens. En revanche une piste plus longue permettrait d’arriver sur une piste plus confortable ». En effet, les pistes d’atterrissage sont classées par niveau de compétences de A à C, celle de Dzaoudzi est classée dans la catégorie B. Elle suscite une formation supplémentaire afin de pouvoir s’y poser.
Découvrir la région
Si tout au long de sa formation jusqu’à l’accession de son métier, Fernand Keisler a eu à sillonner les quatre coins du monde, il n’en demeure pas moins que Mayotte reste sa destination favorite. Dans la région il a déjà survolé les îles de La Réunion, la Grande Comore, Anjouan, Madagascar mais aussi les villes de Pemba, Dar es Salam et bien d’autres. Aucune ne remplace Dzaoudzi. « J’ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise », confie-t-il.
Actuellement en formation, à La Réunion, puis à Paris, Fernand Keisler sera bientôt de retour dans le ciel mahorais. De temps à autres, il aiguille la jeunesse quant à sa profession. « Ce que je leur explique avant tout, c’est que ce métier n’est pas inaccessible. Quand on veut on peut ».
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