Eau, sécurité, constructions, projet académique, le rectorat à l’heure des grands défis

Avec la moitié de la population ayant en-dessous de 18 ans, la présentation du projet académique du rectorat de Mayotte, jeudi 13 juillet, était particulièrement attendue. Pour son premier exercice en tant que recteur, Jacques Mikulovic (il est arrivé en janvier 2023) n’a éludé aucun sujet, dans l’amphithéâtre du CUFR de Dembéni.

« Le maximum pour que l’école soit maintenue »

A l’heure où les coupures d’eau s’accentuent, l’Éducation nationale (qui est le plus grand consommateur de cette ressource sur l’île) se prépare depuis des mois à faire face à une sécheresse plus importante à la rentrée. « J’espère bien qu’on aura de l’eau. Le préfet de Mayotte met tout en œuvre pour qu’il n’y ait pas de coupures dans la journée. Ce n’est pas ma responsabilité d’alimenter tous les établissements en eau, même si on a tout mis en œuvre pour que tous les établissements du second degré [N.D.L.R. ceux du premier degré dépendent des communes] soient équipés d’une cuve-tampon, ne serait-ce que pour les sanitaires », indique Jacques Mikulovic, le recteur de Mayotte, ce jeudi 13 juillet. « On fera le maximum pour que l’école puisse être maintenue. Chaque jour d’école manqué, c’est une chance en moins pour nos élèves. »

Les problématiques de l’île pouvant décourager de potentiels candidats, le recteur ne s’est pas étendu outre mesure sur le sujet. « Aujourd’hui, les recrutements pour les enseignants du second degré sont en cours. Nous avons une session de rattrapage pour les non-lauréats du concours de professeur des écoles. J’espère que le 18 août, nous aurons résolu notre problème et atteint notre quota de postes à pourvoir pour le premier degré. »

Dans l’amphithéâtre du CUFR de Dembéni, le jeudi 13 juillet, une centaine de personnes étaient présentes à la présentation du projet académique 2023-2027 du rectorat de Mayotte.

Des établissements devenus des « citadelles »

Difficile de ne pas évoquer l’insécurité quand on évoque les établissements scolaires. Beaucoup de conflits ont encore eu lieu, cette année, notamment sous la forme de caillassages. Outre les rixes aux abords du lycée de Dzoumogné, l’attaque du bus scolaire à Majicavo-Koropa le 16 novembre 2022 et celle à l’intérieur même du lycée du Nord, à M’tsangadoua, le 4 avril 2023, ont particulièrement choqué. Le recteur a remercié les représentants des forces de l’ordre pour leur présence récurrente à proximité des collèges et lycées. Il regrette cependant que « les établissements soient construits comme des citadelles », lui qui aimerait qu’ils soient plus ouverts vers l’extérieur, notamment pour les associations sportives et culturelles. Citant en exemple le collège de Kwalé qui a signé plusieurs conventions, il note « qu’il y a moins d’effractions » quand ces lieux accueillent un public extérieur.

Les savoirs fondamentaux à la fin du collège

Le recteur ne s’en cache pas. Avec son projet académique 2023-2027, au stade de « document de travail » selon lui, il fixe comme objectif : « 100% de réussite du cycle 3 à la fin du cycle 4 ». En clair, tous les élèves devront avoir au minimum le niveau attendu en sixième à la fin de leurs années de collège. Pour arriver à l’acquisition des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter), le rectorat souhaite « expérimenter » et compte sur un retour à « des groupes de besoins ou de niveaux ». L’enjeu est important, à Mayotte, 74,4% des jeunes de nationalité française rencontrent des difficultés de lecture à la journée Défense et Citoyenneté.

Le projet, dont le maître-mot est « Respect », comporte sept principes d’engagement : renforcer l’école, encourager le promotion des personnes, sécuriser les parcours, participer à l’élaboration des projets de vie, coopérer en mobilisant toutes les ressources, travailler en partenariat et donc expérimenter structurellement les parcours en cycles adaptés dès le collège.

Étoffer la formation professionnelle

« La formation professionnelle n’est pas une voie en déclin, mais d’avenir. Il faut l’étoffer », souhaite le recteur. Il prend en exemple le baccalauréat STMG (Sciences et technologies du management et de la gestion) dans lequel beaucoup d’élèves sont envoyés. « On fait du volume à moindre coût », admet-il, mettant en exergue la formation STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) « pas saturée » et qui pourrait permettre davantage de débouchés. A Mayotte, l’offre devrait également se faire plus varier avec le futur lycée des métiers du bâtiment de Longoni, le pôle des métiers de l’aérien en Petite-Terre et le lycée des métiers de la mer et du littoral (également en Petite-Terre).

Pour le post-bac, l’une des grandes avancées prévues en 2024 est le passage du CUFR (centre universitaire de formation et de recherche) de Dembéni en une université de plein exercice.

Dominique Gratianette, le secrétaire général du rectorat de Mayotte, dévoile ici le futur collège de Vahibé (900 élèves) dont la première rentrée est prévue dans trois ans.

Les constructions continuent

Depuis le collège de Bouéni, ouvert en 2019, aucun autre établissement du secondaire n’a été inauguré. Une anomalie sur un territoire qui ne cesse de voir ses effectifs progresser et dont l’année 2026 semble déjà charnière pour les collèges (au vu du nombre d’élèves enregistrés en primaire). Le rectorat de Mayotte a donc décidé de lancer plusieurs chantiers en même temps. Le 8 décembre 2022, le lycée des métiers du bâtiment de Longoni (LMBL, 1.800 élèves), prévu à la rentrée 2025, a vu sa première brique posée. Selon Dominique Gratianette, secrétaire général du rectorat, d’autres devraient suivre. C’est le cas des collèges de Bandraboua (aussi en 2025) et Cavani, des enceintes moins grandes que d’habitude avec quelques centaines d’élèves. « Des établissements à taille humaine pour Mayotte », confirme le secrétaire général. En 2026, ce sera au tour du collège de Longoni (600 élèves) d’intégrer ce qui deviendra alors une cité scolaire avec le LMBL. La même année, Vahibé (900 élèves) devrait avoir aussi son collège, tout comme Tsararano ou Tsimkoura l’année suivante. Côté lycées, M’tsangamouji (en 2028, avec une capacité de 2.600 élèves) et Chirongui (en 2027) sont les prochains sur la liste, tandis que le projet de celui de Mamoudzou sud « doit être revu », prévient Dominique Gratianette.

Et les langues régionales ?

Dans nos colonnes, le 13 juillet, Rastami Spelo souhaitait que « le rectorat ouvre les portes de l’école à nos langues régionales ». Le président de l’association Shimé demandait « une continuité » par rapport à l’action de l’ex-recteur Gilles Halbout, parti fin décembre 2022. Le message n’est pas passé inaperçu, semble-t-il. Jacques Mikulovic n’a pas fermé la porte à l’apprentissage du shimaoré et du kibushi, même s’il préfère que les élèves maîtrisent le français en priorité. « Ça ne veut pas dire qu’on s’oppose aux langues régionales », rappelle-t-il, espérant d’ailleurs mettre en place un conseil dédié à ces langues locales afin « de statuer sur ce qu’on peut mettre en place ».

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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