Conseil départemental | Le rapport édifiant de la Cour des comptes

« Les métiers et compétences des agents ne correspondent pas aux besoins du département », regrette la Cour des comptes dans un rapport rendu public vendredi. L’institution pointe du doigt le « détournement des procédures de nomination des directeurs » et autres privilèges douteux. Revue de détail.

Un pavé dans la mare. La Cour des comptes a rendu public vendredi son rapport d’observations définitives sur la gestion des ressources humaines au Conseil départemental depuis 2012. L’institution pointe du doigt de sérieux manquements.

A commencer par la nomination par intérim de directeurs généraux adjoints en 2016. Elle est « par définition de courte durée [et] suppose que la collectivité n’a pas trouvé en interne les candidats correspondants et qu’elle va élargir sa recherche en externe. Plus d’un an après [ces nominations], le département n’avait pas entamé de procédure de recrutement externe », déplore la Cour des comptes. Il s’agit d’un « détournement des procédures de nomination des directeurs », selon l’institution. Autre irrégularité : le cabinet du Conseil départemental ne doit pas employer plus de cinq agents collaborateurs. Ils sont 14 à occuper un tel poste, selon la Cour des comptes.

La situation est préoccupante aussi du côté des horaires de travail. « Bien que les dispositions ne soient pas prévues au règlement intérieur, le département aménage les horaires pendant la période du ramadan, soit environ quatre semaines pendant lesquelles la durée de travail hebdomadaire est réduite à 32 heures », note le rapport de la Cour des comptes. Plus globalement, divers aménagements font que la durée effective du travail est « d’un peu plus de 33 heures par semaine » en moyenne du côté du Conseil départemental.

Plus employés mais rémunérés

« Le département accorde en outre des autorisations d’absence pour événements familiaux. Elles correspondent à celles retenues dans la fonction publique d’État à l’exception du congé pour maladie grave du conjoint à savoir 5 jours au lieu de 3, du congé pour garde d’un enfant malade soit 12 jours au lieu de 6 et du congé pour circoncision de 5 jours. » Si le Département se conformait à la réglementation en vigueur sur le temps de travail, il « disposerait d’une force de travail de près de 100 agents [supplémentaires] et améliorerait sa productivité ».

De plus, « aucune procédure de suivi des absences n’a été instaurée visant à transmettre l’information à la direction des ressources humaines. Quand ces données existent, elles ne sont pas harmonisées entre les services. À partir des informations collectées pour 62 agents au service en charge du parc de véhicules, soit 2% des agents du Département, il peut être estimé à environ 1 000 par an le nombre d’absences injustifiées ou sans motif valable. En comparaison, les retenues sur salaire sont très limitées », affirme la Cour des comptes. « Le défaut de suivi de la situation individuelle des agents par la direction des ressources humaines a aussi conduit au versement à un agent parti à la retraite en octobre 2015 de son traitement intégral jusqu’en mars 2017. Un autre agent, absent depuis juillet 2016 et recruté par le centre hospitalier de Mayotte, a continué à être rémunéré par le département jusqu’en juin 2017. »

En parallèle, la Cour des comptes estime que « les moyens humains disponibles ne sont pas adaptés aux compétences et enjeux du Département : les assistants sociaux-éducatifs au nombre de 41 agents sont trois fois moins nombreux que les agents d’accueil (134), et en deçà du nombre de jardiniers (54) ou d’agents de sécurité (52). Malgré un effectif de 219 gardiens, le département a eu recours à des prestations extérieures de gardiennage pour 75 000 euros en 2016. L’évolution de l’activité n’est ni anticipée, ni prise en compte dans les affectations des agents (…) Au service des ressources forestières qui compte 61 agents, les outillages de la scierie sont en grande partie hors d’usage. Lors d’un contrôle sur place, la grande majorité des agents étaient absents », poursuit la Cour des comptes.

240 agents d’entretien de trop

« Les 279 agents d’entretien ont la charge de 28 000 m² soit un ratio d’un agent pour 100 m². Sur la base d’un ratio de 140 m² de l’heure, 40 agents dont une dizaine pour les remplacements seraient suffisants pour un entretien quotidien. Le surcoût pour les finances départementales de 240 agents d’entretien représente  6,7 millions d’euros par an », déclare la Cour des comptes.

Autre anomalie selon la Cour des comptes : un effectif bien trop conséquent pour la gestion du parc automobile. « Plus de 50 agents sont affectés au garage. Un agent est responsable en moyenne de trois véhicules. Par comparaison, la moyenne du nombre d’agents affectés à un parc automobile dans les collectivités est de 28 véhicules par agent et les préconisations de gestion au regard d’études réalisées dans des parcs automobiles privés sont d’une cinquantaine de véhicules par agent. Les effectifs du garage sont nombreux et sous-employés. Ce constat est connu du département puisque signalé par des rapports internes en 2012 et 2017 sans qu’aucune mesure n’a été prise pour en réduire le nombre. Les compétences des agents sont très insuffisantes. Seuls deux ont la qualification de mécanicien ; les autres agents n’ont pas de qualification technique. Les outillages sont limités ou en panne », décrit la Cour des comptes.

Le recrutement de Contrats emploi d’avenir (CEA) semble également confus. « Alors même que les dossiers n’avaient pas été validés par les services de l’État, le département a recruté des jeunes en CEA (…) La perte financière pour le département due à l’absence de prise en charge de 150 CEA s’élève pour une année à 1,6 millions d’euros. »

Indemnité d’astreinte sans astreinte

C’est dans ce contexte que « le coût de la rémunération des agents titulaires a (…) progressé de 62,3%, soit plus de 29,2 millions d’euros entre 2012 et 2016. La décision d’octroyer une majoration de traitement obère les marges de manœuvre du département. Elle a été aggravée par les titularisations d’agents contractuels afin qu’ils puissent en bénéficier ». Entre 2012 et 2016, plus de 600 agents ont été titularisés. 206 autres agents doivent être concernés entre 2017 et 2018.

Par ailleurs, « au département de Mayotte, la totalité des avancements d’échelon sont effectués à la durée minimale d’ancienneté chaque année. Le département ne respecte pas les dispositions législatives en vigueur sur la période en ne procédant à aucune sélection selon la valeur professionnelle des agents. »

A noter que « 68 agents en charge des transports scolaires ont (…) bénéficié d’une indemnité d’astreinte tout au long de l’année 2016 à raison de 149,50 euros par mois pour une semaine complète d’astreinte, soit un surcoût annuel de plus de 120 000 euros. L’indemnité d’astreinte (…) a été versée alors même que le service de transport scolaire n’est pas en activité durant les vacances scolaires et que les horaires des trajets sont réguliers. Son attribution n’apparaît pas justifiée ; elle doit être réservée aux seuls agents sur qui s’imposent des contraintes individuelles réelles d’organisation et de disponibilité. »

Le bilan n’est guère plus positif du côté des frais de déplacement des agents et des élus. « Dans son rapport de janvier 2012, la chambre avait soulevé l’irrégularité de la délibération du 2 février 2009 qui détermine les taux de remboursement des frais de déplacement des agents et des élus, à la fois pour leurs missions et pour leurs formations. Le département a laissé perdurer cette situation irrégulière. Il a maintenu un forfait couvrant les frais de repas et d’hébergement de 200 euros par jour dans la limite de 21 jours de mission pour les élus et de 150 euros pour les agents. Les montants retenus par le département entraînent des surcoûts (…) Le non-respect de la réglementation en matière de frais de mission et de déplacement coûte [200 000 euros] par an. »

« Plusieurs logements du département ont été ou sont occupés sans arrêté attributif », relève également la Cour des comptes. En avril 2017, le Département ne disposait toujours pas de plan de formation, regrette également l’institution, qui évoque une présentation imminente d’un tel dispositif.

 

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