Les forces de l’ordre comoriennes sont intervenues lundi matin en ouvrant le feu dans la capitale de l’île d’Anjouan, Mutsamudu, pour démanteler des barricades érigées dans plusieurs rues et aux portes de la ville, a-t-on appris auprès de témoins.
» Ça a commencé vers 4h00 du matin et ça a duré pendant près de trois heures, on a entendu des tirs, des tirs… », a déclaré un habitant de la ville sous couvert de l’anonymat. Le gouverneur de l’île Abdou Salami Abdou, membre du parti Juwa d’opposition au régime, a confirmé ces incidents. « Oui, on vit ça depuis ce matin, ça tire un peu partout », a-t-il déclaré au téléphone. Aucune victime n’avait été signalée en milieu de journée. La situation politique est très tendue depuis plusieurs mois aux Comores, où le président Azali Assoumani a fait interpeller récemment des dizaines de membres de l’opposition ainsi que des personnalités de la société civile. Parmi eux figurent l’ancien président de l’Union, Ahmed Abdallah Sambi, inculpé dans une affaire de corruption présumée sur l’affaire de la citoyenneté économique. Chef du parti Juwa, M. Sambi est originaire de l’île d’Anjouan. L’écrivain Said Ahmed Said Tourqui (SAST) auteur de « Djins et sultans », soupçonné d’être impliqué dans une tentative de coup d’Etat est également incarcéré depuis bientôt deux mois dans des conditions « inhumaines », selon une source moronienne. Les barricades, faites d’arbres abattus, avaient été dressées à plusieurs endroits de la ville (Habomo, Fortaleza, Mroni, quartier du marché, Pajé, Mirontsi, Bandrani etc…) et la plupart des routes menant à la capitale bloquées, selon ses habitants. Aucune information n’était disponible sur l’identité des manifestants. « Les militaires ont commencé à dégager les barricades », a indiqué l’un d’eux sous couvert d’anonymat. « La situation pourrait se dégrader cette nuit car les manifestants dont certains sont lourdement armés ont décidé de ne pas baisser les bras », rapporte un restaurateur. En juillet dernier, le chef de l’État a vu ses pouvoirs renforcés lors d’un référendum aux allures de plébiscite (92,74% de « oui ») boycotté par l’opposition. Ce changement autorise Azali Assoumani, un ancien putschiste élu en 2016, à accomplir deux mandats successifs au lieu d’un. Il a annoncé son intention d’organiser un scrutin présidentiel anticipé au premier semestre 2019, qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l’archipel, en cas de victoire, jusqu’en 2029. Ses adversaires dénoncent depuis des mois sa dérive autoritaire.
Un couvre feu de six jours
Dans une déclaration envoyée à la presse hier, l’Union de l’opposition a tenu à préciser que « le sentiment général qui prévaut dans tout le pays est que ça suffit, trop c’est trop ! La loi de l’histoire générale des pays, des nations et des peuples selon laquelle la dictature appelle la résistance trouve ici sa meilleure traduction ». L’Union de l’opposition déclare également « exprimer son soutien total à la population anjouannaise dans ce soulèvement spontané pour manifester son refus des emprisonnements arbitraires, du musellement de la presse, de la confiscation de toutes les libertés, de l’instrumentalisation de la justice, du bafouement de l’autonomie des îles, du piétinement de toutes les institutions de la république ». Le ministère de l’Intérieur de l’Union des Comores a tenu à rassurer la population à travers un communiqué, « d’avoir pris des mesures d’urgence afin de préserver la sécurité de la population et garantir l’ordre public » : – Un couvre feu est proclamé par la préfecture de Mutsamudu de 20h00 à 6h00 du matin durant six jours à compter du lundi 15 octobre. – La surveillance des frontières comoriennes et les contrôles d’identité seront renforcés. Hier au moment où nous bouclions cette édition, on apprenait que des coups de feux sporadiques résonnaient aux abords de la Médina alors que l’armée s’était repliée à Hombo, quartier situé sur les hauteurs de Mutsamudu. Vingt ans après la crise séparatiste qui avait secoué l’archipel en 1998, l’histoire se répète.
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