L’évènement avait pourtant bien commencé. 13 crews (équipes), venus des 4 coins de l’île, étaient en lice pour tenter de remporter le titre de champion de Mayotte et partir pour Montpellier participer aux BOTY France. Sur les 13 crews, le jury en avait sélectionné 6 pour s’affronter en battle. Malheureusement, alors que les deux derniers crews sélectionnés par le jury, Lil Stilz et Power crew, s’apprêtaient à s’affronter en finale, la police a demandé aux organisateurs d’interrompre l’évènement à cause de violentes échauffourées qu’elle n’était plus en mesure de contenir.
Les débordements ont commencé aux alentours de 22h par des bagarres dans la foule. Celle-ci devait atteindre environ les 3 000 personnes. La police, extrêmement mobilisée sur l’évènement, a réussi dans un premier temps à contenir les échauffourées. Le spectacle a donc continué envers et contre tout. Cependant, devant la violence des bagarres, et leur prolifération au-delà de la Place de la République, elle a fini par être totalement débordée. Il y avait pourtant 38 policiers et gendarmes dédiés à la surveillance de l’évènement.
De multiples dégradations et des blessés légers
Selon la police et les témoins présents sur place, l’atmosphère était tendue tout au long du spectacle. Des délinquants ont jeté plusieurs fois des gaz lacrymogènes au milieu de la foule qui comprenait pourtant de jeunes enfants. Les choses ont véritablement commencé à dégénérer lorsqu’un individu a jeté une bouteille en verre au visage d’un policier. Le délinquant n’a malheureusement pas pu être retrouvé et interpelé. Suite à l’arrêt du spectacle, la foule s’est éparpillée rapidement. Les jeunes, excités, ont toutefois continué à se battre et à défier la police aux abords de Mamoudzou. Plusieurs barrages sauvages ont été dressés, notamment à Kaweni, M’tsapéré et Tsoundzou. Des jets de pierre sur des véhicules et sur quelques vitrines du centre ville, sont également à déplorer. Le bilan de l’évènement comprend des dégradations et des blessés légers.
Des jeunes qui commettent un « suicide social »
Chaque année, l’évènement Battle of the year génère des bagarres entre bandes rivales. Ces débordements ont toutefois toujours pu être maîtrisés par les forces de l’ordre jusqu’à présent. En 6 ans d’existence de ce spectacle, c’est la première fois que la police a été contrainte de l’interrompre avant la fin. L’ironie de la chose est que cet évènement a justement été créé pour tenter de canaliser l’énergie des jeunes et leur montrer que l’on peut s’affronter par la danse plutôt que par les poings…Malheureusement, un certain nombre d’entre eux ne semblent pas avoir saisi la subtilité du propos, au grand dam des membres de l’association Hip-hop Evolution qui affichaient tous une mine totalement déconfite à l’annonce de l’arrêt du spectacle. « C’est terriblement dommage », s’exclame Sophie Huvet, administratrice de l’association, « d’autant plus que les fauteurs de troubles devaient être une 30aine tout au plus sur les 3000 personnes que contenait la foule ! C’est dramatique de devoir interrompre un évènement de cette ampleur à cause d’une poignée de délinquants », poursuit-elle, dépitée par la tournure qu’ont prise les évènements.
Hip-Hop Evolution œuvre en effet depuis onze ans en faveur des jeunes de Mayotte en organisant des évènements autour de la danse un peu partout sur l’île. L’association cherche à mettre en valeur le potentiel artistique des jeunes Mahorais afin de leur permettre de s’en sortir par la danse. On peut donc parler d’une forme de « suicide social » de la part de certains jeunes de l’île qui se livrent à un travail de sape des évènements organisés en leur faveur.
Une formule non-adaptée au contexte violent de l’île
« La formule du spectacle gratuit sur la place de la République n’est malheureusement plus adaptée au contexte violent de l’île », affirme une source policière. Cette opinion est d’ailleurs partagée par les membres de Hip-hop Evolution eux-mêmes, à leur grand regret toutefois. « Le principe des battles de hip-hop est d’être un évènement gratuit et populaire. Mais, au vu des débordements qui s’amplifient d’année en année, nous ne pouvons que nous résoudre à l’idée de les organiser dorénavant dans un lieu fermé et payant », affirme Sophie Huvet avec amertume. Lorsqu’on lui soumet l’idée d’organiser le spectacle ailleurs qu’à Mamoudzou, elle s’exclame : « Mais c’est pareil sur toute l’île ! Même en Petite-Terre, il y a des affrontements entre les jeunes de Labattoir et ceux de Pamandzi ! »
Une finale à huis-clos remportée par Lil Stylz
Et le show dans tout cela? Les événements malheureux de samedi dernier ont eu tendance à faire oublier l’essentiel à savoir la compétition en elle-même. « Malgré ce qu’il s’est passé, un crew ira néanmoins défendre les couleurs de Mayotte au BOTY France », affirmaient les membres de Hip-hop Evolution qui, après le fiasco de ce samedi, ont décidé de départager Lil Stylz de Power crew en organisant une finale à huis-clos qui s’est tenue hier à la MJC de Sada. La rencontre a vu la victoire de Lil Stylz. Ainsi, Hip-hop Evolution était décidée à aller jusqu’au bout et à ne pas laisser une poignée de délinquants saper les évènements et les actions qu’ils organisent en faveur des jeunes danseurs mahorais. Il est néanmoins presque certain que la formule des BOTY sera différente dans les années à venir…
Nora Godeau
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