Près de 80 personnes ont participé mercredi matin à la conférence débat sur les enjeux de la protection sociale à Mayotte, co-organisée par le Centre national de la fonction publique territoriale et le Conseil départemental à Mamoudzou. Il y a notamment été question des mineurs isolés. Et les propos vont parfois à l’encontre des idées reçues.
850 jeunes ont été pris en charge l’an passé par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Les chiffres sont en hausse, reconnaît la directrice territoriale, Liliane Vallois, mais restent faibles au regard de la démographie mahoraise. « La société arrive à gérer ses enfants contrairement à ce que l’on peut penser », livre-t-elle mercredi matin, dans l’hémicycle Bamana du Conseil départemental où une conférence débat sur les enjeux de la protection sociale est organisée. Prémices des rencontres territoriales de la protection de l’enfance en novembre, cet événement – articulé autour de trois tables rondes – a rassemblé près de 80 professionnels et élus, à l’initiative du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et du Département.
Des préjugés contestés
Il y a notamment été question d’un nouvel « outil indispensable » sur lequel pourra compter la PJJ prochainement : le centre éducatif renforcé. « Une vingtaine de jeunes y passeront par an » et pour quelques mois, anticipe la directrice de la structure. La responsable assure que, parmi les jeunes pris en charge par la PJJ, « la délinquance de subsistance n’est plus majoritaire (…) Les 3 000 mineurs non accompagnés ne sont pas ceux qui vont forcément venir gonfler les rangs de la délinquance (…) Je regrette le parallèle entre mineurs non accompagnés et délinquance. Parmi les jeunes que nous avons en charge, nous n’avons que très peu de mineurs non accompagnés. On ne va pas traiter la question des mineurs non accompagnés parce qu’on va traiter celle de la délinquance », poursuit Liliane Vallois, alors que le parallèle entre immigration clandestine et délinquance a le vent en poupe, parmi les manifestants du mouvement social contre l’insécurité.
Et la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse d’ajouter : « Les mineurs non accompagnés viennent en général des îles voisines avec leurs parents ou ils ont des adultes désignés parents [à Mayotte]. Ici, il y a une proximité géographique avec la famille ». Une répartition géographique, comme en métropole, où les jeunes peuvent être envoyés dans un autre département qui fait face à une pression migratoire plus faible, « n’est pas pensable ». S’ils se trouvent dans la Creuse, ils seront « durablement seuls », souligne Liliane Vallois.
Dans l’assistance, une intervenante, de l’Observatoire des mineurs isolés, précise que le chiffre de 3 000 mineurs isolés à Mayotte provient d’un « croisement de données » de la police aux frontières, de l’Insee, ou encore du vice-rectorat. Le rapport est en cours d’actualisation et un nouveau nombre sera présenté en mai par le préfet, affirme-t-elle. Sur les 3 000 jeunes recensés, « 500 mineurs sont complètement livrés à eux-mêmes », quantifie-t-elle.
« Ce phénomène de mineurs non accompagnés se concentre dans certains quartiers avec des habitations sauvages », estime de son côté Chaharoumani Chamassi, fondateur de l’école du civisme Frédéric d’Achery mais aussi capitaine de police nationale et chargé de mission auprès du préfet. « Ces quartiers constituent la nuit des terrains où les conditions d’intervention sont très difficiles. »
1 800 enfants délaissés en 2017 ?
L’association Mlezi Maore était aussi représentée à cette conférence débat. Elle est chargée de l’accompagnement des mineurs isolés via son service d’accompagnement des mineurs en isolement familial. Des actions sont notamment menées au centre de rétention administrative où près de 800 parents en passe d’être reconduits à la frontière ont déclaré l’an dernier « délaisser leurs enfants à Mayotte, soit environ 1 800 mineurs (…) On est sur du déclaratif. Il y a de fausses déclarations », précise Philippe Souffois, le directeur du pôle Jeunesse. Beaucoup de ces parents reviennent dans le 101ème département dans les semaines qui suivent et confient dans ce laps de temps à des proches leurs enfants. Parfois, après plusieurs interpellations, ils abandonnent et ne retentent plus la traversée en kwassa, laissant leurs enfants aux mains de proches ou de voisins, estimant qu’ils auront une vie meilleure à Mayotte, résume en substance Philippe Souffois. L’association accompagne 300 à 400 mineurs à l’année à Mayotte, ainsi que ces personnes qui les recueillent. « Il n’y a pas beaucoup [de jeunes] en situation d’errance et de délinquance », précise une salariée de Mlezi Maore.
En France, les mineurs isolés bénéficient de la protection de l’enfance en France depuis 2007. Ladite protection de l’enfance est assurée depuis 2004 à Mayotte. Obligatoire depuis 2009, elle est menée par le Conseil départemental, qui dispose d’une compensation annuelle de 9,6 millions d’euros de la part de l’État pour la mettre en œuvre.
En 2009, il a fallu recruter des assistantes familiales pour le renforcement du dispositif de protection de l’enfance. « Des bonnes mères de famille » ont été embauchées « alors que c’est tout un métier », reconnaît le directeur de la protection de l’enfance. « Elles ont eu le mérite d’avoir été là. Aujourd’hui, nous avons entamé un travail de rattrapage de formation », détaille-t-il. Elles ont reçu une formation de 60 heures qui doit être complétée par un enseignement plus conséquent. 17 assistantes familiales ont pu suivre cet enseignement. Il est prérequis que les autres maîtrisent davantage le français, avant qu’il ne leur soit dispensé.
Des aides méconnues ?
« Les enfants doivent être suivis par des éducateurs. Nous n’en avions pas tant que ça. Nous sommes en train de recruter », ajoute le directeur de la protection de l’enfance, à destination de l’assistance. Il souligne par ailleurs que dans les lois sur la protection de l’enfance, il y a « une définition assez occidentale du danger. C’est certain que nous mettrions en placement peut-être la moitié des enfants de Mayotte » si on appliquait les textes à la lettre. Pour lui, le danger à Mayotte est surtout représenté par les mineurs en errance. « Vous avez des parents qui ont des enfants mais ne les voient pas », assure-t-il.
Il faut dire que, selon la conseillère principale d’éducation du collège de Doujani, qui prend la parole à l’occasion des tables rondes, « beaucoup de parents (…) ne savent pas toujours ce qui existe : actions éducatives en milieu ouvert, AED (actions éducatives à domicile). La population mahoraise n’est pas informée. Beaucoup de parents viennent prendre des conseils » au collège. « Quand on [y] accueille des assistants sociaux, ils ont 40 ou 50 familles en portefeuille, ça ne doit pas être évident » pour eux.
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