04/12/2009 – Politique : Projet de loi de finances 2010 – Mission Outremer

Madame la Ministre,

malgré la crise qui risque de perdurer jusqu’en 2011, l’effort budgétaire et financier de l’Etat en direction des Outremers reste soutenu : pour 2010, l’ensemble des crédits dédiés représente 17,2 milliards d’euros, dont 3,6 milliards d’euros de dépenses fiscales, en augmentation de 4%. Au sein de cet ensemble, les crédits spécifiques de la mission Outremer que vous gérez, en hausse de 6,2% s’élèvent à 2 milliards d’euros, mais ne représentent que 12% de l’enveloppe globale. Toutefois, il convient de noter qu’elle constitue la deuxième mission budgétaire de l’Etat en faveur de l’Outremer avec 15,5% des crédits budgétaires.

Pour Mayotte, le budget 2010, qui s’élève à 560,9 millions d’euros, est un budget de transition entre deux statuts, que les Mahorais décodent à travers quatre préoccupations fortes : mener à terme le processus institutionnel en cours; améliorer la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales; soutenir la politique de rattrapage économique, social et culturel amorcée en 2008; renforcer le statut européen de Mayotte.

 

1) S’agissant du processus institutionnel en cours

On sait que la loi organique du 3 août 2009 a créé le département de Mayotte, qui deviendra effectif en avril 2011, à l’issue du renouvellement de son organe délibérant. En 2010, le Pacte prévoit l’adoption des lois ordinaires de départementalisation, loi électorale qui devra préciser la composition et le mode d’élection de la future assemblée du département, loi institutionnelle qui définira l’organisation administrative, les modalités de transfert des compétences et des ressources du département et des communes. On se réjouit, Madame la Ministre, de savoir que le Parlement sera saisi du projet de loi électoral avant mars 2010. Qu’en est-il des autres textes ?

 

2) S’agissant de la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales de Mayotte

La Chambre territoriale des comptes (CTC) de Mayotte qualifie cette situation de "très dégradée", eu égard aux nombreux déficits constatés, et en premier lieu, celui du conseil général évalué à 72,4 millions d’euros, puis réévalué à 92,4 millions d’euros. Le plan drastique de redressement préconisé sur 3 ans est certes salutaire, mais ne peut que conduire à la détérioration du climat social, préjudiciable à l’image du futur département de Mayotte. Les 75,3 millions d’euros de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" constitue une bouffée d’air, mais ne peuvent, à eux seuls, résorber les déficits. C’est pourquoi, il me paraît souhaitable d’accompagner l’effort de maîtrise de dépenses des collectivités, par l’octroi d’une subvention exceptionnelle, éventuellement complétée par des recours à l’emprunt.

Cette situation ne rend que plus urgente la nécessité de réaliser les travaux préalables à la mise en place de la fiscalité locale en 2014. Dans ce domaine en effet, s’il apparaît que les travaux d’adressage avancent, tant pour ce qui à trait au numérotage et à la dénomination des rues que pour l’état civil dont les moyens ont été accrus, il semble qu’il n’en va pas de même pour les travaux d’évaluation. A ce jour, nous n’avons aucune lisibilité sur le travail entamé, les crédits mobilisés et le calendrier d’achèvement des travaux d’évaluation de la valeur locative des logements et des parcelles.

 

3) S’agissant du soutien à la politique de rattrapage économique, social et culturel

Pour 2010, le Pacte prévoit la mise en œuvre d’un plan de revalorisation de l'allocation spéciale vieillesse (ASV) et de l’allocation pour adultes handicapés (AAH) à hauteur de 25% de leur montant national sur 5 ans. Or, les crédits correspondants ne sont pas inscrits dans ce PLF, ni dans le programme 157 "Handicap et dépendance" de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances". Je vous remercie, Madame la Ministre, d’éclairer les Mahorais sur ce point.

Par ailleurs, je me réjouis de constater que 40% du budget de Mayotte sont consacrés à l’enseignement scolaire. Toutefois, dans ce domaine, les crédits les plus significatifs sont ceux qui sont affectés aux constructions scolaires du 1er degré, en cohérence avec l’objectif d’accueillir en 2010-2011 tous les enfants de 3 ans en maternelle. Or, ces crédits, d’un montant de 5 millions d’euros ne permettent que d’absorber la poussée démographique sans résorber le déficit antérieur de salles de classe. De ce fait, les classes élémentaires et maternelles continueront d’alterner matin et après-midi.

Je note avec satisfaction que, suite aux mesures annoncées par le Président de la République le 6 novembre dernier, la dotation spéciale de construction sera renforcée par la création, dès 2010, d’un Fonds d’aide à l’équipement communal. Cependant je voudrais, Madame la Ministre, préciser que l’objectif de Mayotte est double : d’une part il s’agit de compléter le financement en travaux des chantiers en cours pour la prochaine rentrée 2010-2011, et d’autre part préparer l’avenir, en disposant de ressources suffisantes et pérennes pour financer un plan de construction scolaire étalé sur plusieurs années, capable à la fois de résorber le déficit antérieur et d’absorber la poussée démographique, de manière à parvenir à une situation normale où chaque maître accueillera ses élèves dans sa propre classe.

Je me réjouis également de constater que l’exécution du Contrat de projets 2008-2014 s’améliore en 2009, après un démarrage laborieux en 2008 où le taux d’exécution n’était que de 11,3%. Ainsi, les crédits prévus pour 2010, de 82 millions d’euros, permettront notamment de lancer les travaux de pose de câbles sous-marins de communication pour l’accès au haut-débit vers 2011, en même temps que l’arrivée que la TNT. Parallèlement, le choix des candidatures pour la mise en concession de l’aéroport de Pamandzi est arrêté, ce qui autorise à penser que les délais de livraison de l’aérogare en 2012 et de la piste longue en 2015 pourront être respectés.

Je déplore que pour l’application de la Lodeom, l’absence de mesures réglementaires bloque l’aide au fret, le projet initiative-jeune et l’extension du champ de compétence de l’Anah à Mayotte. En revanche, je salue la décision de compléter par une circulaire le décret en Conseil d’Etat portant réglementation des prix des produits de première nécessité Outremer.

En outre, je vous remercie d’indiquer aux Mahorais où en sont les ordonnances relatives à l’action sociale et à la constitution de droits réels sur le domaine public de l’Etat visés à l’article 72-I-1 de la Lodeom. En sus, pour examiner les conditions et les modalités d’application des deux décrets relatifs à la ZPG du 9 septembre 2009, je propose l’envoi d’une mission de l’IGA (Inspection générale d’administration) à Mayotte, comme ce fut le cas aux Antilles pour la loi de 1996. Par ailleurs, il est urgent de mettre en place les PPR (Plan de prévention des risques naturels) en lieu et place de l’actuel Atlas du BRGM, mieux à même de préciser, in fine, les zones à risques de glissement de terrains et de chutes de blocs, et d’inscrire les crédits correspondants sur le programme 181 de la mission "Ecologie, développement et aménagement durables".

 

4) S’agissant enfin du renforcement du statut européen de Mayotte

Madame la Ministre, les Mahorais vous sont reconnaissants pour votre forte mobilisation sur ce dossier, et notamment lors de la XVe Conférence des présidents des Rup. Le principe de transformation du statut européen de Mayotte, de PTOM en Rup, semble acquis sous réserve de l’évolution du droit interne de notre île. Un des signes forts de cette évolution réside dans la parution avant la réunion du 5 mai 2010, de l’ordonnance visée à l’article 72-I-1 de la Lodeom, relative à la suppression de la justice cadiale et de la tutelle matrimoniale, au relèvement de l’âge du mariage des filles, et à l’égalité de l’homme et de la femme devant la succession.

Ainsi, Mayotte, figurant en bonne place dans le document conjoint des Etats ayant des Rup, sera au rendez-vous du débat sur le devenir de l’octroi de mer, et des négociations sur la prochaine programmation des fonds structurels européens, avec le nouveau Pôle Outremer au sein de la représentation permanente de la France à Bruxelles.

 

Pour conclure, je rappelle que le Pacte propose aux Mahorais de construire la première étape de la départementalisation de Mayotte sur 25 ans, avec pour objectifs l’égalisation progressive des droits sociaux, le rattrapage progressif des standards métropolitains en matière d’infrastructures et d’équipements collectifs, d’améliorer les conditions de vie, de santé et d’éducation de la population.

Dans cette perspective, on le voit, ce n’est pas uniquement le PLF 2010 mission Outremer qui doit préparer cette départementalisation de Mayotte, mais l’ensemble des instruments financiers déjà mobilisés et ceux appelés à l’être pour la période, à savoir le FEI créé par la Lodeom, le Fonds de développement économique, social et culturel prévu par le Pacte pour 2011, la dotation spéciale de construction scolaire renforcée par la création, dès 2010, du Fonds d’aide à l’équipement communal issu des EGOM, la part du Grand emprunt national qui pourrait être affectée au soutien aux collectivités territoriales Outremer, et enfin les Fonds européens.

Pour accompagner Mayotte, et les autres collectivités d’Outremer, dans la voie que les unes et les autres ont choisie au sein de la France, je sais pouvoir compter sur vous. C’est pourquoi je voterai votre budget.

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