Le sort de l’unique cinéma de Mayotte désormais entre les mains du maire de Chirongui

Le dernier conseil municipal de Chirongui qui s’est tenu le 12 décembre a été quelque peu mouvementé. La majorité a voté pour la résiliation du contrat qui déléguait la gestion du cinéma à l’association Ciné Musafiri pour cause de manquement. Une version contestée par les responsables de l’association qui comptent saisir les juges. En attendant, à partir de janvier 2022, le cinéma sera directement géré par la commune.

« Ils nous ont virés. » C’est à travers ces mots, le visage dépité, que le directeur de l’association Ciné Musafiri annonce la nouvelle à ses employés. Tous se sont rendus à l’hôtel de ville de Chirongui où s’est tenu le conseil municipal qui a statué sur leur sort. Habituellement ouvert au public, les représentants de la municipalité n’ont pas autorisé la dizaine de personnes à entrer dans les locaux de la mairie pour cause de restriction sanitaire. Seuls le directeur et le président de l’association on pu assister à la séance et plaider leur cause, mais cela n’a pas été suffisant. Après des échanges animés entre le maire, sa directrice du pôle culturel d’un côté, l’opposition et les représentants de l’association de l’autre, la majorité de l’équipe municipale a voté en faveur de la résiliation du contrat de délégation de service public qui liait Ciné Musafiri et la ville de Chirongui et qui a été établi sous la mandature de l’ancienne maire Roukia Lahadji. « Ce qu’ils ont voté est plutôt une déchéance abusive qui s’appuie sur des faits inexacts et qui semble avoir été préparée d’avance. On est stupéfaits mais on l’avait vu venir depuis quelques semaines. L’idée est de nous remplacer tout simplement en s’appuyant sur des bases fausses », assène Anthony Boché, le directeur de l’association Ciné Musafiri. Faux ! Conteste l’autre partie. Selon le maire Andhanouni Saïd et son équipe, des manquements graves ont été relevés et c’est ce qui les a poussés à prendre cette décision. « Ils ont confondu deux choses, les comptes comptables en matière de bilan et le compte de gestion d’exploitation. Ils devaient présenter le dernier, mais ils se sont trompés. De plus, ils ont communiqué le bilan des comptes tardivement, au lieu que ça soit au mois de mars ça a été fait en novembre », explique Mouhamadi Toumbou-Dani, directeur de la communication de la mairie de Chirongui. Ciné Musafiri conteste vivement cette version. Selon le directeur, il n’a jamais été question du mois de mars, mais bien de novembre. « Ils nous ont dit que la date limite était le 20 novembre, on a déposé les résultats des comptes le 16 novembre », répond Anthony Boché, preuve à l’appui.

Prochaine séquence, les tribunaux

Malgré l’argumentaire de l’association, le maire campe sur ses positions et tous ses adjoints ont voté en faveur de la résiliation du contrat de 5 ans alors qu’il reste encore trois ans à effectuer. Cependant, la bataille ne s’arrête pas là puisque Anthonyé Boché a d’ores et déjà annoncé qu’ils porteront l’affaire en justice. « Ils ont pris une décision abusive et illégale. On va porter plainte sur le fait que la déchéance est basée sur des faits inexacts. On peut aussi s’appuyer sur le fait que pendant deux ans des réunions auraient dû avoir lieu contractuellement, ce qui n’a pas été le cas pourtant ce n’est pas faute de les avoir réclamées. On a un tas d’arguments, ce n’est pas très compliqué. » Et c’est ce que redoute l’opposition de la municipalité de Chirongui qui a voté contre la résiliation du contrat, mais leurs voix n’ont pas suffit. « Il s’agit de rompre un contrat de délégation de service public, on a vu par expérience qu’à chaque fois que le délégataire attaque en justice ça coûte très cher à la collectivité. Pourquoi ne pas se mettre autour de la table pour discuter et trouver une solution ? », S’interroge Ismaila Mderemane Saheva, élu de l’opposition. Il pense que l’association a été lésée et il affirme ne pas avoir été convaincu par les arguments du maire qu’il juge « trop légers ».

La mairie de Chirongui dans les métiers du cinéma ?

Le choix de la conciliation n’est pas une option pour Andhanouni Saïd puisqu’il souhaite que sa municipalité gère directement le cinéma. « C’est une décision politique, maintenant il y a le temps de sa mise en place. Tout est prévu pour reprendre la nouvelle politique culturelle de notre commune le plus rapidement possible. Les démarches ont été entamées en amont pour que la population ne soit pas lésée », assure le directeur de communication de la ville. Problème, gérer un cinéma est un métier à part entière qui ne s’improvise pas et pour l’instant la mairie n’a pas les professionnels requis pour cela. « N’avez-vous pas retenu la leçon avec le conseil départemental qui a voulu gérer le cinéma Alpajoe à Mamoudzou ? Regardez où on en est maintenant ! » S’indigne l’élu de l’opposition. Mais la commune se veut rassurante, elle assure que la programmation ne sera pas perturbée. Arrivera-t-elle à respecter sa promesse ? Pourra-t-elle suivre la cadence établie depuis deux ans ? Réponse en janvier 2022.

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