Depuis le début de la crise sanitaire, le milieu culturel et artistique apparaît comme l’un des plus touché. Mais à Mayotte, du fait de l’application encore partielle du droit commun, les artistes et intermittents apparaissent souvent comme invisibles aux yeux de Paris et de ses décisionnaires. Alors, le collectif des Arts Confondus vient d’enclencher la première étape d’une enquête d’ampleur, visant à recenser les acteurs du secteur, leurs revenus et leurs besoins.
À travers l’île aux parfums, le recensement est souvent une question épineuse. Et le milieu artistique n’y déroge pas. Ainsi, le collectif des Arts Confondus, formés par plusieurs structures culturelles, vient de lancer le premier volet d’une étude inédite, visant à compter tous les pratiquants des arts dits vivants à Mayotte.
« Nous travaillons sur cette reconnaissance depuis 2018 », souligne Sophie Huvet, porte-parole du collectif et directrice de l’association Hip-Hop Évolution. « Lorsque nous voulions engager des démarches avec le ministère de la culture à Paris, nous nous sommes rendus compte que les institutions nationales se demandaient s’il y avait réellement des artistes à Mayotte… » Et pour cause : sans observatoire et sans reconnaissance du statut d’intermittent sur l’île, difficile pour le 101ème département de rendre visibles ses artistes et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer sur le territoire, où le droit commun ne leur permet pas encore de jouir des mêmes avantages que leurs homologues métropolitains. D’abord programmée pour le début d’année dernière, l’enquête a dû être repoussée face à la dégradation de la situation sanitaire. « Comme nous étions tous occupés à essayer de sauver nos structures et réorganiser nos activités, la mise en place a été plus longue que prévu. Et puis n’oublions pas que plus de 50% des gens qui travaillent dans les structures culturelles sont des bénévoles, donc ils ont aussi une activité à assumer à côté… », décrit encore Sophie Huvet.
Une enquête en trois temps
Mais désormais, la machine est bel et bien en marche. Jusqu’à la fin du mois, le premier formulaire (disponible sur la page Facebook « Les Arts Confondus Mayotte ») permettra ainsi aux jeunes pratiquants amateurs de se signaler, afin notamment d’estimer les besoins en formation professionnalisantes. Puis, viendra le tour des acteurs culturels et artistes, pour étudier leurs revenus et moyens. Enfin, la troisième étape concernera les lieux qui peuvent accueillir des actions d’éducation artistique, et avec elles, un public, du moins lorsque le contexte le permet. « Tout cela va nous permettre de préparer l’avenir de la culture à Mayotte », espère Sophie Huvet. Une stratégie d’autant plus nécessaire en période de crise sanitaire, le nombre d’adhésion aux associations culturelles ayant chuté d’au moins 30% à la rentrée 2020.
Lors du premier confinement, le ministère de la culture avait débloqué 15.000 euros, principalement à destination des techniciens du spectacles mahorais. « Du fait de l’arrêt de la diffusion des spectacles, ils n’avaient plus aucun revenu », précise la porte-parole du collectif des Arts Confondus. « Mais pour les artistes en tant que tels, il ne s’est pas passé grand chose, si ce n’est qu’ils ont pu reprendre un temps les ateliers artistiques en milieu scolaire. On sait que l’on va pouvoir compter sur les aides du Département et de l’État et nous avons finalement réussi à obtenir le chômage partiel à Mayotte pour le secteur culturel, mais les perspectives d’avenir sont encore très fragiles. »
Crédit photos @chababi project
Intermittents mahorais et métropolitains : un même métier, mais des applications différentes
En métropole, tout artiste ou technicien des arts de la scène peut prétendre au statut d’intermittent du spectacle et par conséquent, accéder à des droits et des régimes sociaux conçus selon les spécificités du métier. Un dispositif qui encadre également l’accès à la formation ou à des congés spécifiques selon une convention nationale, décidée avant que l’île ne bascule sous le régime de la départementalisation. Depuis plusieurs années, les professionnels des arts vivants à Mayotte militent pour qu’enfin, le territoire soit intégré dans ces textes. Problème : « Pour ça, il faut rouvrir des négociations avec les syndicats nationaux », résumait déjà Sophie Huvet l’année dernière. Une démarche qui pourrait potentiellement permettre au ministère de se rétracter concernant certains acquis. « Nous, ce qu’on propose, c’est de simplement rajouter Mayotte sans nouvelle négociation, mais même si on le faisait, notre accès à la Sécurité sociale ou à Pôle Emploi ne serait pas le même », du fait de l’arrivée progressive du droit commun sur le territoire.