Après trois semaines de résidence, l’association Sadaka expose à Paris les œuvres de trois artistes réalisées avec et pour les jeunes Mahorais. L’objectif : changer le regard sur « ces jeunesses trop souvent montrées dans leurs déshérences ».
La jeunesse en décrochage, celle déscolarisée, celle invisible ou isolée… Ce sont ces jeunesses mahoraises que l’exposition « Mémoire des formes » de l’association Sadaka, entend retracer. Après trois semaines de résidence auprès des jeunes Mahorais, Julia Daka, créatrice de l’association, et les trois artistes l’ayant accompagnée, exposent leurs œuvres jusqu’à ce jeudi au 3537, à Paris.
« Souligner le fait qu’ils ne sont ni vus, ni entendus »
Julia Daka, architecte, designer, et mannequin, est mahoraise et a créé l’association Sadaka en 2019. « Je voulais raconter l’histoire de mon enfance », précise-t-elle. « Partager les émotions des jeunes et souligner le fait qu’ils ne sont ni vus, ni entendus. » L’artiste, ayant quitté Mayotte à l’âge de 5 ans, pour aller vivre dans un bidonville à La Réunion, est restée proche de l’île aux parfums où vivent encore sa mère et une partie de sa famille. « Plus j’y retournais, plus je voyais l’état de la jeunesse se dégrader », confie-t-elle. « Je me suis toujours dit qu’un jour je ferai un projet autour des jeunes. » Si elle est devenue architecte, c’est d’ailleurs grâce à une professeure, rencontrée à La Réunion lorsqu’elle était enfant. « Elle s’est rendue compte que cette main tendue lui a permis de s’extraire de son milieu et d’évoluer professionnellement. L’idée de son association était donc de pouvoir créer aussi ce déclic chez certains jeunes mahorais et à son tour, de leur tendre la main », souligne Marvin Bonheur, un des photographes ayant participé à la résidence.
A ses côtés, un autre photographe et un designer-architecte sont allés à la rencontre d’environ 120 jeunes Mahorais, âgés de 6 à 21 ans, pour les sensibiliser à l’art et changer leur regard sur leurs personnes et leur environnement. Comme les autres artistes, Marvin Bonheur, issu des quartiers populaires et originaire de la Martinique, n’avait pas de lien avec Mayotte. Pendant trois semaines, ils ont organisé des ateliers avec les enfants mahorais. « L’idée était de leur montrer qu’il n’y avait pas que l’agriculture et qu’il était possible d’exercer d’autres métiers. Mais aussi de les valoriser et de sublimer leur environnement. On leur a donc demandé de trouver de beaux endroits pour prendre des photos », raconte le photographe. Valoriser les jeunes, c’est aussi ce sur quoi s’est concentré Emile Kirsh, artiste photographe. A la suite d’une série de portraits, il a proposé aux adolescents de transformer leurs images avec des craies et des pastels colorés. Le but était de faire une « mosaïque de profils. Avec aussi bien les enfants des rues, ceux de l’équipe de foot féminine de Ouangani, ou encore ceux accompagnés par l’association Mlezi Maoré… »
« Trop souvent montrées dans leurs déshérences »
Pour l’association Sadaka, l’enjeu, via cette résidence, était en effet de « montrer un autre visage des jeunes Mahorais ». Les images exposées documentent donc ces jeunesses plurielles « trop souvent montrées dans leurs déshérences et sans perspectives réelles », souligne Julia Daka. Avec cette exposition, l’idée est également de « questionner les notions d’identité, d’émancipation, de mémoire intime et collective sur le territoire français ».
Jusqu’au 12 janvier, exposition « Mémoire des formes », au 3537, 35, rue des Francs Bourgeois, 75004 Paris.