Pour la journée internationale des langues maternelles, la mairie de Ouangani réunissait habitants et élus pour un maoulida shengué. L’occasion de rappeler l’importance des langues locales et d’aborder la question de leur enseignement à l’école.
« Un homme qui ne maîtrise pas sa langue maternelle et sa culture est comme une maison dont la fondation est assise sur du sable. À tout moment, il peut s’écrouler. » Pour Zouhourya Mouayad Ben, vice-présidente du Conseil départemental (CD) chargée de la culture, la journée internationale des langues maternelles était l’occasion de montrer l’importance des langues locales à Mayotte. Ce mardi 21 février, elle était présente à la mairie de Ouangani, pour un maoulida shengué aux côtés du maire, de la représentante du rectorat mais également d’autres élus et habitants. L’occasion également d’aborder la question de l’enseignement du shimaore et du kibushi à l’école. Selon la vice-présidente du conseil départemental chargée de la culture, « la préservation de la diversité linguistique de Mayotte est une priorité. Et le meilleur moyen de préserver cette diversité est d’enseigner nos langues. »
« La loi ouvre la voie à leur enseignement dans les écoles »
Une campagne de collecte de données pour créer des outils pédagogiques a ainsi été lancée au Conseil départemental via la direction de la culture et du patrimoine. Des alphabets du shimaore et du kibushi ont par ailleurs été adoptés en 2020 et une convention-cadre a été signée le 8 juin 2021, par le CD, le rectorat, le CUFR et l’association de promotion et d’enseignement des langues de Mayotte, Shime. Ce document vise à encadrer la formation, l’enseignement, l’apprentissage et la diffusion des langues mahoraises. « Les enseignants qui le souhaitent peuvent depuis enseigner dans leur langue natale », souligne la vice-présidente.
Dans le cadre de cette convention de trois ans, la collectivité s’est par ailleurs engagée à soutenir l’Éducation nationale et les acteurs associatifs pour la formation des enseignants, la production d’outils pédagogiques et l’édition de dictionnaires bilingues ou de lexiques spécialisés. « Suite à la promulgation de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, les langues mahoraises sont désormais reconnues comme langues régionales de France. La loi ouvre donc la voie à leur enseignement dans les écoles », complète Zouhourya Mouayad Ben.
Fixer l’orthographe et la grammaire de ces langues
Pour autant, il reste des enjeux forts sur ces langues. Avec notamment la fixation de l’orthographe et de la grammaire. Pour réaliser ce travail, le Conseil départemental a validé la création d’un institut des langues et des civilisations de Mayotte, en mai 2021.
Pour le rectorat, il est en effet nécessaire d’établir un cadre afin de pouvoir enseigner ces langues. « Nous avons détachée une institutrice de Tsingoni à 50 % pour qu’elle puisse mettre en place des outils d’apprentissage des langues maternelles et une expérimentation est menée dans sa classe », précise Soumaïla Soirifa-Moinaïdi, inspectrice de l’Éducation nationale et représentante du Rectorat. Mais tant que ces langues ne seront pas formalisées, « il sera difficile d’aller plus loin. » D’autant que l’Éducation nationale met avant tout « l’accent sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux » et notamment des mathématiques et du français. « Des matières dans lesquelles le niveau des élèves est insuffisant », souligne l’inspectrice.
Selon Zouhourya Mouayad Ben, toutefois, l’apprentissage des langues locales pourrait permettre aux élèves de progresser dans les autres domaines. « Cela leur permettrait d’être performants dans la langue qu’ils comprennent déjà puis d’utiliser leurs compétences pour apprendre la langue française et ainsi d’être meilleurs dans les autres matières », assure-t-elle.