L’audiovisuel et le numérique pour préserver la culture mahoraise

Des masterclass locales et itinérantes ont été mises en place pour initier des étudiants mahorais à la découverte de leur propre culture et à s’intéresser à celle de leurs voisins proches. Le dispositif mis en place depuis 2019 par le pôle culture du centre universitaire de Dembéni a pour but de préserver le patrimoine immatériel au moyen d’une chaîne de production audiovisuelle, d’écriture et d’édition numérique.

Les voyages forment la jeunesse. L’année 2022 fût riche en découvertes pour une poignée d’étudiants mahorais du centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR) avec des voyages, découvertes, expériences partagées, le tout dans les pays limitrophes, mais aussi dans l’Hexagone et les Outre-mer français. Ils font partie d’une masterclass destinée à promouvoir le patrimoine immatériel de notre île (danses et chants traditionnels, techniques de pêche, etc….), afin de le rendre disponible au plus grand nombre, et surtout, le transmettre aux générations futures. Pour se faire, rien de mieux que des séjours en immersion (Maurice, La Réunion, les Comores, Madagascar, Zanzibar, Mozambique) pour s’approprier toutes les techniques, mais aussi pour capter les gestes et se les approprier avec du matériel audiovisuel et numérique, dans le but de réaliser des webdocumentaires.

Vice-directeur formation et vie étudiante, Jean-Michel est responsable du pôle culture au centre universitaire de Dembéni. Il est à l’initiative de ces masterclass qui, selon lui, vise à explorer (par les étudiants) des territoires proches ou lointains, dans la certitude que le multimédia n’est pas qu’une technologie mais un lien entre les hommes, une culture partagée. « Nous travaillons au rythme et au diapason d’une réflexion qui ne sépare pas objectifs artistiques et manière de vivre. Ce qui est important, c’est que ces projets ne soient pas figés à ce que l’on imaginait avant de partir car le déplacement, les découvertes et les rencontres les nourrissent ». Ainsi, cette pédagogie des masterclass se résume à initier les étudiants aux aspects artistiques et techniques du mode de création multimédia tels que défini par une structure dénommée « Sisysgambis », se déclinant sur divers supports qui laissent à chaque media sa pertinence et sa sensibilité. Pour faire court, le public saisit le webdocumentaire et les expositions photos correspondantes dans une relation de proximité, une relation intime propice au partage et à la stimulation de tous les sens.

Un travail de renommée internationale

Ces masterclass bénéficient d’un soutien exceptionnel de renommée internationale, celui de Christine Coulange. Originaire de Marseille, cette musicienne reconnue (qui a déjà été en résidence au musée de Mayotte durant trois ans), et réalisatrice collabore avec les plus grands musées français et mondiaux ainsi qu’avec des institutions internationales telles que le Louvre à Paris, l’Institut du monde arabe, le Mucem à Marseille, le Louvre d’Abu Dhabi, les grandes universités françaises et bien d’autres à travers le monde. C’est à l’occasion de sa résidence à Mayotte que cette artiste a développé un projet de préservation de la culture locale en collaboration avec le musée de Mayotte. Ce dernier portait sur la musique traditionnelle et les luthiers mahorais. Dans sa jeunesse elle aurait réalisé avec son compagnon un périple qui l’a conduit jusqu’en Chine. De ce voyage en a résulté un travail formidable qu’elle a décidé de rendre accessible au monde entier, via des supports numériques et visuels.  Des pièces audiovisuelles qu’elle utilise pour traiter différents aspects du patrimoine immatériel des pays qu’elle traverse. Il y a quelques années, dans le département voisin de La Réunion, elle a obtenu le prestigieux prix Moebius, un prix de renommée nationale. Sa collaboration avec l’université de Dembéni remonte à 2019 avec la mise en place d’un projet commun baptisé « Traversées », à la fois scientifique et artistique ayant pour objet le développement d’un webdocumentaire « Les routes de la transe » auxquels les étudiants apportent leur contribution sous différentes formes. Il en ressort un maillage, un réseau de long terme, une conscience à transmettre. « Il s’inscrit dans la continuité d’un autre webdocumentaire intitulé les ports, de la Méditerranée à l’Océan Indien coproduit par Sisysgambis, les Sept Portes et l’Institut du monde arabe. Il s’agit d’un voyage immersif fait d’images musicales et documentaires où se mêlent les temps, les cultures et les langues à travers une vision respectueuse des peuples, de leurs racines et de leur présent », souligne Jean-Michel Rose. En tout, ce sont dix séjours qui ont été réalisés dans différents pays de notre zone géographique, qui vont constituer une banque de médias à mettre à la disposition des musiciens mahorais et d’ailleurs, en lien avec ceux des pays traversés.

Grâce aux travaux de ces étudiants, Mayotte se dotera d’ici la fin de cette année, d’une bande tactile permettant aux élèves et au public de naviguer de contenu en contenu sur l’ensemble des pays traversés dans le cadre de ces masterclass. Un travail à la valeur artistique et scientifique qui sera reconnu dans le monde entier grâce à la renommée de Christine Coulange. Le centre universitaire de Mayotte envisage, dans un avenir proche, d’ouvrir ces activités à des jeunes Mahorais non inscrits dans l’établissement pour leur permettre de s’approprier les techniques audiovisuelles et numériques afin de faciliter le développement d’autres ateliers sur le territoire. Ce qui permettra une plus grande collecte de données à sauvegarder sur d’autres aspects de l’identité locale.

Deux prochaines masterclass en février et mai

Les dates des prochaines masterclass : le 25 février – Collecte d’images et interview à Moroni (Comores) et le 22 mai – Tuléar dans le sud malgache. Mayotte sera également un terrain de travail pour les étudiants au cours de l’année. En raison de leurs coûts élevés, les masterclass ne sont constituées que de modules de cinq élèves, l’université peinant à trouver des partenaires financiers locaux. Pour l’heure ,elle a pu bénéficier du soutien du ministère de l’éducation et de la recherche, du dispositif Direct jeunes de la préfecture de Mayotte et du Feder (Interreg 5). Les masterclass se sont révélées être de véritables indicateurs pour les jeunes qui n’hésitent pas à changer de projets d’études universitaires.

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