La Meiitod d’Adrien

À Mayotte, presque tout le monde sait qui il est et ce qu’il chante. Il faut dire qu’aucun autre artiste mahorais ne peut se targuer d’avoir le succès que Meiitod connaît aujourd’hui. Pour la sortie de son premier EP Silence, Adrien a tenu à venir faire une tournée à domicile, pour retrouver le public face auquel il a fait ses premiers pas sur scène, dix ans plus tôt.

Au bar où il vient de commander son café, les serveuses le reconnaissent immédiatement. Derrière le comptoir, les jeunes femmes rient, s’esclaffent, trépignent. Finalement, le pas hésitant et l’air timide, l’une d’entre elles s’avance vers Adrien. « Meiitod, je peux prendre une photo avec toi ? », interroge-t-elle, la voix chevrotante, le regard ému. Presque fier.

Ici, sur l’île où il a grandi, Meiitod n’est pas « que » le jeune chanteur a succès dont les derniers clips culminent à plusieurs millions de vues sur YouTube en seulement quelques mois. Ici, Meiitod est d’abord Adrien. Celui qui une dizaine d’années plutôt bidouillait le micro des écouteurs de son téléphone pour pouvoir enregistrer ses premiers morceaux, dans une case en tôle érigée sur les hauteurs de Bandrélé, avec sa bande de copains. Ceux-là qui dès le collège, lui ont donné le surnom dont il a fait son nom de scène. Depuis, sa carrière a connu une ascension fulgurante, sur le continent et en Afrique notamment, bien au-delà des frontières qu’impose l’océan à Mayotte. Son « petit bout de terre » dont il est devenu la fierté, l’ambassadeur. Le porte-voix.

« Ça fait du bien de pouvoir revenir ici, de profiter des retombées à la maison », glisse t-il derrière les lunettes fumées qui le quittent rarement. Arrivé sur l’île il y a quelques jours, Adrien est venu y donner une série de concerts pour la promotion de son premier EP, Silence, sorti en janvier dernier. « L’ambiance ici m’avait manqué. C’est avec le public mahorais que j’ai fait mes premières armes, et je dis souvent qu’il est plus difficile à conquérir ! »

« J’ai le sentiment de représenter Mayotte »

Petit à petit, Adrien se remémore ses débuts dans la musique, ses premières. « Quand j’étais plus jeune, il n’y a encore pas si longtemps, la musique était mal vue à Mayotte, en dehors des mariages, des événements traditionnelles ou religieux, elle a parfois même été diabolisée. » Il sourit en avalant une gorgée de café. « J’ai des souvenirs, quand j’étais petit, où quand des grands artistes venaient de métropole, les gens restaient assis devant la scène, les bras croisés, comme s’ils observaient, mais ça voulait pas dire qu’ils aiment pas, attention, ils n’avaient juste pas le réflexe de danser, d’applaudir. La culture du spectacle n’est pas très ancienne ici… »

Ici, cette île qu’il a quittée en 2014, à sa majorité, pour s’envoler poursuivre ses études à Montpellier où il vit encore aujourd’hui. Pour autant, son petit bout de terre n’est jamais loin, et il n’y a qu’à écouter ses paroles pour voir qu’Adrien porte la marque de Mayotte en son cœur. « Quand je chante en mahorais, je vois les gens sur YouTube demander ce que veulent dire telles ou telles phrases, quelle est la langue, d’où ça vient et des Mahorais leur répondent ! » Car plus Meiitod est sous le feu des projecteurs, plus l’île rayonne avec lui. « D’une certaine manière, et même si je ne le voulais pas, j’ai le sentiment de représenter Mayotte sur scène. Il y a des choses qui font partie de moi que j’ai acquises ici. Mayotte m’a construit, elle me suit », reconnaît Adrien sous le durag noir qui dissimule ses cheveux.

« Sur le plan musical, ça m’a malgré tout énormément aider de partir de Mayotte », concède t-il, le regard tourné vers son manager, Faz, qu’il a rencontré ici alors qu’ils étaient tout petits. « Au départ, je ne chantais quasiment qu’en mahorais et quand je suis arrivée en métropole, ça faisait déjà trois ans que je faisais des scènes activement à Mayotte. Alors j’ai voulu fermer ce projet pour en commencer un nouveau, pour essayer de transposer ça ailleurs. En commençant à chanter en français, j’ai réussi à franchir certaines barrières. » Puis, en 2019, un « déclic » opère, avec la sortie de son single Arrêt de bus : « J’ai fini par prendre conscience que je pouvais allier mon amour pour la musique et mon amour pour l’écriture. Avant, je dissociais beaucoup les deux, je faisais de la musique et j’écrivais à côté. Mais avec ce morceau j’ai commencé à avoir une approche plus littéraire. » Une révélation. À ce jour, le clip sorti il y a moins de deux ans affiche 3,6 millions de vues au compteur. Depuis, Adrien a signé avec le label de Maître Gims.

Et alors que sa carrière est en plein essor, Meiitod continue de voir toujours plus loin. « Maintenant, je vais pouvoir travailler avec de nouvelles personnes, et surtout, composer et écrire pour d’autres gens, c’est quelque chose que j’aime beaucoup faire », projette celui qui se décrit comme un grand fan de Jean-Jacques Goldman. « J’ai toujours admiré sa façon de se déguiser en quelque sorte, en écrivant pour d’autres artistes. C’est se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre, jouer le marionnettiste, j’aimerais vraiment pouvoir faire ça, pour plein de personnes et dans plein de genres différents. » En attendant, dans un avenir plus proche, le jeune artiste planche déjà sur la sortie de son prochain album, prévue pour début 2022, voire fin 2021. Un nouveau chapitre qu’il écrira en gardant Mayotte au cœur, où il a profité de son séjour pour tourner plusieurs clips.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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