Le Festival des Arts Traditionnels de Mayotte s’est tenu ce week-end sur le parking du cinéma Alpa Joe à Mamoudzou. Cette 17ème édition a mis à l’honneur 4 pratiques immatérielles mahoraises tout en commémorant l’abolition de l’esclavage.
Malgré une année fortement perturbée par les conséquences du passage du cyclone Chido, le conseil départemental a tenu à ce que la 17ème édition du Festival des Arts Traditionnels de Mayotte (FATMA) se tienne malgré tout. Réduite à 2 jours au lieu des 4 habituels et se déroulant au moment de la date anniversaire de l’abolition de l’esclavage à Mayotte (le 27 avril), il avait donc cette année pour thème « Mémoire, résilience et identité ».
Fruit d’un travail commun entre l’Office Culturel Départemental, le Muma (musée de Mayotte) et la DCP (Direction de la Culture et du Patrimoine), cette édition s’est construite autour de 3 axes principaux : l’abolition de l’esclavage, l’identité de Mayotte et la célébration des pratiques mahoraises inscrites en 2024 et 2025 au Patrimoine Culturel Immatériel National (PCIN). Des spectacles de debaa, de mbiwi, des ateliers d’initiation à la poterie traditionnelle et des échanges avec les « mamas shingo » (les femmes fabriquant le sel de Bandrélé) ont ainsi été organisés ces samedi et dimanche pour le public.
Court-métrage et théâtre pour conserver la mémoire de l’esclavage
Lors de la matinée du dimanche 27 avril, Inssa de Nguizijou, chargé de communication des Archives Départementales de Mayotte et historien spécialiste de l’île et de sa région, a présenté une capsule vidéo de 8 minutes sur le mrenge. Ce court-métrage documentaire a rappelé les perspectives artistiques, culturelles et historiques de cet art martial traditionnel mahorais mêlant chant, danse et combat. Diffusé à travers les îles de l’océan Indien par la traite négrière, le mrenge rappelle la capoeira brésilienne par son dynamisme et sa dimension culturelle. Cet art est encore largement pratiqué sur l’île, même si ses codes traditionnels ont tendance à se perdre.
Dans une perspective plus « universelle » de l’esclavage, la troupe bordelaise « Le dernier strapontin » a joué un spectacle conçu à partir des textes des Archives Départementales de la Gironde. Les deux comédiens de la troupe, Rahim Nourmamode et Julien Rivera, ont joué tour à tour divers acteurs de la traite négrière (commerçants, colons ou agents de l’Etat) en utilisant leur correspondance épistolaire historique. « Nous ne voulions aborder ce thème ni à travers la figure de l’abolitionniste, ni à travers celle de l’esclave », ont-ils précisé. La troupe s’est par ailleurs également rendue dans les collèges et lycées de l’île au cours de la semaine dernière pour y jouer leur spectacle.
Debba, mbiwi, poterie traditionnelle et sel de Bandrélé mis à l’honneur
Cette 17ème édition du FATMA était également l’occasion de mettre à l’honneur les pratiques mahoraises récemment inscrites au Patrimoine Culturel Immatériel National, « une avancée historique » pour les acteurs culturels institutionnels. Divers spectacles de debaa et de mbiwi (danses traditionnelles mahoraises exclusivement féminines) ont ainsi été organisés les samedi et dimanche après-midi tandis que des ateliers d’initiation à la poterie et des échanges avec les « mama shingo » se tenaient en parallèle.
Une table ronde pour réfléchir à la manière dont les institutions pourraient soutenir plus efficacement les détenteurs de ces savoir-faire traditionnels a permis de lancer quelques idées prometteuses. « L’association Wenka culture contribue beaucoup à la préservation de l’art de la poterie traditionnelle en tentant notamment de professionnaliser les artisans », explique Abdoul Karim Ben Saïd, le directeur du Muma. « Pour la fabrication du sel de Bandrélé, c’est plus délicat. Les mamas shingo vieillissent et ne trouvent pas de relève au sein des jeunes générations. Je ne sais pas si d’ici 5-10 ans cette pratique existera encore sur l’île », a-t-il déploré.
Autre sujet de déception de la part des organisateurs du festival : le peu de public présent. « Nous nous posons des questions : est-ce du fait d’une communication trop tardive ? Du fait que ce soit à Mamoudzou ? Des conséquences de Chido ou tout simplement des vacances scolaires ? », s’est interrogé Abdoul Karim Ben Saïd. « Nous allons en tout cas mener une réflexion poussée avec les Archives Départementales afin de trouver la manière de faire venir un plus large public à ce type d’événement mettant les pratiques ancestrales en lumière », a-t-il conclu.
Nora Godeau est journaliste indépendante à Mayotte. Elle couvre les enjeux sociaux, culturels et environnementaux du territoire, avec une attention particulière portée aux voix locales et aux initiatives de terrain.