Des debaa projetés sur les murs dans les villages mahorais

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La première projection de ce « Mapping debaa » aura lieu, ce jeudi, à M’tsangamouji, avant une représentation le 18 juillet à Pamandzi.

Après plusieurs travaux consacrés au patrimoine mahorais, l’anthropologue et chorégraphe Elena Bertuzzi a cette fois conçu un mapping de debaa, à savoir des projections murales de ce chant traditionnel interprété par des femmes mahoraises à la Réunion. Il sera présenté dans plusieurs villages de Mayotte. La première représentation a lieu, ce jeudi soir, 19h15, à M’tsangamouji.

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Ce mapping présente des images de deeba chantés par les femmes mahoraises vivant à La Réunion. A travers leur art, elles sont « engagées dans une pratique pour préserver leur culture vivante », analyse Elena Bertuzzi.

Dans les prochaines semaines, les villages de Mayotte vont s’animer au rythme des debaa. L’anthropologue et chorégraphe Elena Bertuzzi lance un nouveau projet, le « Mapping debaa ». « L’idée est de projeter sur les façades des maisons, sur les murs des stades, ou d’autres bâtiments des images des anciens deeba chantés par les femmes mahoraises vivant à La Réunion », relate-t-elle. Les images ont été filmées lors d’un voyage à La Réunion avec la réalisatrice Laure Chatrefou. La première projection se fera à M’tsangamouji, ce jeudi 11 juillet, à 19h15.

Depuis dix ans, Elena Bertuzzi étudie le patrimoine immatériel de Mayotte et en particulier la pratique du debaa, ce mélange de danse, musique et chant traditionnel. Elle y a consacré une thèse soutenue en 2021 : « S’imposer en dansant : créativité et prestige des femmes de Mayotte ». La chercheuse a étudié comment cet art créé à partir de poèmes mystiques soufi « a évolué de manière autonome ». Dans les années 1960, le debaa alors enseigné seulement dans les écoles coraniques devient pratiquer par des femmes à l’extérieur. Il se transforme de fait en « activité ludique, collective pratiquée entre femmes de plusieurs générations d’une même famille, la famille est un terme à prendre ici au sens large », analyse l’anthropologue italienne. C’est à partir de cette période que cet art devient « un étendard de la culture mahoraise face à l’identité comorienne ou française », précise-t-elle.

« Préserver une culture vivante »

Pour ce « Mapping debaa », le choix a été fait de projeter des debaa chantés à La Réunion. « Là-bas, les enjeux par rapport au debaa sont différents de ceux de Mayotte, la communauté mahoraise y subit des discriminations. L’objectif est donc de montrer comment les femmes mahoraises qui sont hors du territoire sont également engagées dans une pratique pour préserver leur culture vivante afin qu’elles puissent la transmettre aux jeunes générations, génération qui peut avoir moins de relations avec Mayotte », souligne la chercheuse.

En 2015, Elena Bertuzzi avait déjà réalisé une installation multimédia intitulée « Au cœur du debaa » sur la place de la République à Mamoudzou. « A l’époque, nous voulions déplacer l’installation dans les villages, mais cela n’a pas été possible pour des raisons logistiques ». En revanche, cette fois, « Mapping debaa » sera bien en itinérance à travers Mayotte. « L’idée est aussi de réinvestir les villages, avant on trouvait des espaces au sein des villages où il y avait de la mise en scène, de la poésie et du chant. » Des espaces souvent disparus aujourd’hui selon l’anthropologue. « Avec la départementalisation, tout est devenu plus centralisé et organisé », estime-t-elle. Avec ce projet, elle souhaitait donc « retourner au cœur des villages pour recréer cet espace créatif et culturel au sein même des habitats des gens ».

Le « Mapping debaa » a été retenu dans le cadre des olympiades des Outre-Mer, qui vise à « faire connaitre d’autres pratiques en plus de celles présentées aux Jeux olympiques, mais qui portent les mêmes valeurs », indique Elena Bertuzzi.