« Comment habiter le quartier de La Vigie avec nos arts ? »

Réputée insalubre et dangereuse, La Vigie passe pourtant de quartier à problèmes avec ses habitations informelles en un carrefour culturel. Depuis le 1er et jusqu’au 29 août, plusieurs artistes métamorphosent les lieux en terre des arts, de déambulation, de spectacles et de projets vivants bien qu’éphémères. 

En partenariat avec l’association le Royaume des fleurs de Labattoir, la compagnie Kazyadance tient depuis plusieurs semaines une résidence de scénos urbaines dans les hauteurs de Petite-Terre. Une première à Mayotte qui résulte d’un long travail de réflexion et de recherche sur l’éducation artistique démarré en 2016. Formé de ses deux versants à Labattoir et Pamandzi, le quartier de La Vigie est au centre d’un projet de rénovation urbaine (Anru) conduit par l’intercommunalité de Petite-Terre. Un projet qui doit permettre à ces lieux de changer radicalement de physionomie dans un avenir proche. C’est en accompagnement de cette démarche ambitieuse que le groupe d’artistes inscrit son action. L’année dernière, Kazyadance a fait venir sur place une douzaine d’étudiants de l’école des beaux-arts de Strasbourg et quatre jeunes réunionnais pour réfléchir un mois durant sur le type d’actions pouvant être menées dans ce quartier. Une réflexion également élargie à l’école des beaux-arts de Rennes en Bretagne. « Il s’agissait pour nous de répondre à une question primordiale, comment habiter ce quartier de La Vigie avec nos arts alors que nous ne parlions pas un seul mot de shimaoré ? », se rappelle Djodjo Kazadi, le directeur artistique du groupe. Au terme de la réflexion, il avait été décidé de recruter des jeunes Mahorais aptes à faciliter la communication avec les habitants de La Vigie. Des jeunes aux profils divers et variés dont les parcours reflètent grandement ceux que l’on rencontre très souvent sur les hauteurs et que Kazyadance accompagne encore aujourd’hui avec le soutien de la communauté des communes de Petite-Terre, les services municipaux, la préfecture de Mayotte, la Dac de Mayotte et la Drajes Mayotte.

Des messages qui traverseront le temps

Finalement, la réflexion a débouché sur un constat, il fallait se garder de l’idée reçue selon laquelle il était possible de mener un projet artistique à La Vigie sans faire appel à une partie de ses habitants. « Il a été décidé un parcours d’éducation artistique et de méditation culturelle à impact social, qui accompagne une dynamique d’écriture de mémoire collective au sein d’une population en plein mouvement », explique Djodjo Kazadi. Autrement dit, dans la mesure où tous les habitants ont pris conscience que leur quartier ne serait plus le même au terme de l’opération Anru, ils ont tous voulu laisser une trace de sa forme actuelle à travers différentes actions pouvant servir de revue de mémoire de ce qui se fait sur les lieux aujourd’hui et dont les urbanistes pourraient s’inspirer demain. Certains riverains ont demandé par exemple que des messages qui traverseront le temps soient dessinés sur les murs de leurs habitations. D’autres ont souhaité que leurs histoires soient consignées par écrit pour rester dans la mémoire collective. Ainsi, des artistes opérant dans différentes disciplines interviennent actuellement pour matérialiser les souhaits exprimés par les habitants de la Vigie. Dans l’esprit de rendre positive l’image peu attrayante des lieux, un artiste mozambicain a entrepris d’installer des stations tout le long du futur boulevard de la reconquête urbaine. Ces stations constituent des spectacles réalisés à l’aide d’objets de récupération en plastique ou en métal, une manière de nettoyer le quartier de ses montagnes de déchets pour en faire des lieux de vie. Le parcours se termine sur un mur dressé à l’aide d’épaves de frigos qui servira de font à un podium.

L’opération foisonne de projets remarquables conduits par de artistes locaux comme Djodjo Kazadi, Jeff Ridjali, Nathalie Muchamad, et Viviane Bellais ainsi que d’autres venus de l’extérieur, Magali Grodin, Yohann Guëland de SaintPern, deux plasticiens de La Réunion, et Idio Chichava, un danseur chorégraphe, performeur du Mozambique.

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Mayotte Hebdo n°1112

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