Après 28 ans à Mayotte, Marcel Séjour s’en va pour de nouveaux horizons

Peintre autodidacte, devenu mahorais au fil des années, Marcel Séjour quitte Mayotte après 28 ans passés dans cette île où il a tant appris. Mais avant de plier bagage, il se met au service des Mahorais une dernière fois à travers une exposition qui a lieu du 13 au 25 septembre sur le parking du cinéma Alpajoe. Un dernier travail demandé par le conseil départemental.

Entouré d’enfants à la curiosité débordante, Marcel Séjour n’est pas dans son élément. Lui le peintre solitaire préfère passer des heures, enfermé dans son atelier à dessiner et peindre. Mais il sait qu’il a une mission à accomplir auprès de ces jeunes venus le voir à son exposition. « Les interventions avec les enfants se passent plutôt bien. Je pensais avoir à faire à des ados mous ou surexcités, mais ce n’est pas le cas », assure-t-il tout sourire. Rassuré, Marcel Séjour leur révèle ses secrets, ses astuces qui font de lui un artiste peintre unique en son genre.

Les adolescents boivent ses paroles, les yeux rêveurs, certains imaginant être à leur tour des peintres de renoms. « J’aime dessiner et peindre et il m’a inspirée, j’ai envie de continuer pour être meilleure que lui », lance Mamouna, une collégienne de 14 ans visiblement très ambitieuse. Et Mayotte aura besoin de jeunes engagés dans l’art pictural comme elle, puisque désormais Marcel Séjour transporte son atelier dans sa région natale en Vendée. Il quitte cette île pour laquelle il a tant donné et qui le lui a bien rendu. L’artiste part le cœur serré, mais ce départ est nécessaire. « J’ai envie d’avoir envie. Cela fait 28 ans que je suis là, j’en ai un peu ras-le-bol. La première année où je suis arrivé, je voyais de la tôle, des feuilles de cocotiers, un rayon de soleil dessus et je m’émerveillais. Maintenant, quand je vois de la tôle, c’est de la tôle », résume-t-il. Marcel Séjour prend donc ses distances pour avoir à nouveau envie, mais Mayotte restera toujours dans son cœur et son esprit. Il prépare déjà la suite puisque l’exposition actuelle n’est certainement pas la dernière qu’il fera pour l’île aux parfums. Une autre est prévue en 2025 à la maison de Mayotte à Paris, et si le peintre préfère partir c’est également pour mieux la préparer.

En attendant, il se focalise sur l’actuelle exposition demandée par le conseil départemental. Ses tableaux mettent en scène des moments de vie quotidienne en rapport avec le vieux Mayotte puisque « le moderne ne m’intéresse pas », indique Marcel Séjour. La collectivité a commandé 26 portraits d’anciens présidents, et le musée de Mayotte, le Muma, un tableau historique du territoire. Le peintre a immédiatement pensé au serment de Sada. « Ce tableau est celui dans lequel je me suis le plus investi du point de vue affectif, il m’a révélé des choses. En faisant ce tableau, j’ai compris ce qui a uni ces gens-là à ce moment-là », déroule l’artiste. Une manière aussi de remonter le temps et d’avoir l’impression d’assister à cette partie de l’histoire.

Mayotte, comme une évidence

Autrefois professeur, Marcel Séjour avait le choix de se rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte. « Je ne savais pas où était Mayotte, j’ai donc dû chercher et quand j’ai su où c’était, je me suis dit que ça ne sera certainement pas à Saint-Pierre-et-Miquelon ! » De là nait une véritable histoire d’amour qui deviendra plus forte avec le temps. Lui qui était censé rester quatre ans sur l’île, y passe presque 30 ans. Et un principal élément a été le facteur déterminant de sa décision. « La toute première chose qui m’a fasciné et qui me fascine encore, c’est la combinaison des peaux noires, de la lumière et de la couleur. Ce mélange des trois me fascine. Avec les peaux blanches, je m’ennuie très vite. Des peaux blanches habillées en noir, c’est pire », avoue le peintre sans langue de bois. Mais la vie d’artiste peintre n’est pas tout rose à Mayotte, et Marcel Séjour a dû faire quelques sacrifices pour poursuivre sa passion. « Avant d’arriver ici, j’adorais peindre à l’extérieur. Mais les conditions de luminosité sont différentes sur cette île. Ici, la lumière est bien entre 6h et 7h30 le matin et entre 15h30 et 17h. Cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour travailler, alors je ne fais pratiquement que du travail de studio. Ce n’est pas plus mal puisque je me sens moins en sécurité en pleine nature ici. »

Il lui a aussi été difficile de vivre uniquement de ses tableaux pendant de longues années. Cela n’est possible pour lui que depuis sept ou huit ans. De retour dans sa Vendée d’ici quelques semaines, Marcel Séjour pourra à nouveau peindre à l’extérieur. Alors il photographie avec ses yeux et préserve dans sa mémoire les paysages ensoleillés et colorés de l’île aux parfums pour ensuite les peindre sur un tableau lorsque la chaleur de Mayotte lui manquera.

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