La politique maternelle et infantile (PMI) à Mayotte étudiée par la chambre régionale des comptes

La chambre régionale des comptes de Mayotte a procédé au contrôle de la protection maternelle et infantile (PMI) du Département de Mayotte. Le contrôle a été ouvert en avril 2022 et les observations définitives ont été arrêtées par la juridiction en mars 2023. Au terme des délais prévus par le code des juridictions financières, la chambre peut désormais publier ses observations assorties de huit recommandations, qu’elle diffuse au travers d’un communiqué de presse : « La PMI constitue une compétence obligatoire des départements. Elle recouvre la prise en charge de la prévention en santé pour les femmes et les jeunes enfants, notamment à travers le suivi des grossesses des premières et la vaccination des seconds de zéro à six ans. Le Département de Mayotte s’est vu transférer cette compétence au 1er janvier 2006, sans qu’elle ne donne lieu à compensation budgétaire. L’État a corrigé cette omission en 2018 en lui attribuant une compensation rétroactive de 105,7 M€ au titre de la période 2009-2017, ainsi qu’une dotation annuelle de 14,5 M€ à compter de 2018. Une enveloppe spécifique de 20 M€ a en outre été octroyée pour le financement du programme de construction et de rénovation des centres d’accueil. Depuis, le Département n’affecte à l’exercice de cette compétence que les compensations versées par l’État.

Ces différentes compensations ont été comptabilisées dans un budget annexe dédié au pôle santé, famille, enfance (SFE), qui a en charge la mise en œuvre des compétences départementales en matière de PMI et d’aide sociale à l’enfance (ASE). La gestion des dotations relatives à ces deux compétences au sein de ce même budget annexe a entrainé de facto une confusion des crédits, laquelle s’est opérée, faute d’arbitrage et de pilotage, au détriment de la PMI.

Le service de la PMI pâtit depuis sa création de l’absence d’un schéma directeur dont l’élaboration tarde à aboutir. Ce service est amené à jouer un rôle de premier plan en matière d’accès aux soins et d’offre de premier recours, aux côtés du centre hospitalier de Mayotte (CHM) et d’un secteur libéral émergent, face à d’immenses défis : natalité galopante, immigration incontrôlée, faible densité médicale, etc.

La réalisation du programme de construction et de rénovation des centres d’accueil a non seulement pris du retard, imputable en grande partie à la collectivité territoriale, mais également abouti, en l’absence de formalisation préalable d’un schéma stratégique directeur des travaux, à des implantations déconnectées des besoins et souvent sans corrélation avec l’offre existante, comme les dispensaires du CHM. Cette situation prive les populations de l’accès à un service indispensable alors même que l’offre de prestations de la PMI est loin des standards nationaux : trois consultations de grossesse au lieu de six, dépistage insuffisant des handicaps et de la malnutrition, traitement des maladies sexuellement transmissibles (MST) non proposé, etc. L’activité de la PMI reste toutefois difficile à objectiver tant en termes quantitatifs que qualitatifs faute d’outils statistiques. Par suite le pilotage opérationnel du service manque de réactivité et d’efficience.

Les résultats médiocres s’expliquent principalement par les difficultés que le pôle SFE rencontre en matière de coordination avec les autres directions administratives et logistiques du Département, chargées de l’appuyer dans l’exercice de ses missions, qui retardent les projets : déploiement du système d’information, facturation des prestations à l’assurance maladie, mise en place des interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses, réalisation effective du programme immobilier et enfin démarrage des consultations itinérantes pour « aller vers » les populations.

La collectivité n’est pas en mesure de relever seule les défis qui se posent à elle dans ce domaine. Elle considère qu’un accompagnement de l’État est nécessaire, faisant valoir qu’elle n’a aucune maîtrise sur les flux migratoires et que l’absence d’aide médicale d’État (AME) la pénalise. Si tel était le cas, cet accompagnement devrait être conditionné selon la chambre par l’amélioration de sa gestion. Il ne dispenserait pas le Département de clarifier sa politique en matière de PMI, en adoptant un schéma directeur, en développant le dialogue entre ses services opérationnels et d’appui et en affectant les moyens nécessaires pour un exercice plein et entier de sa compétence.

Après le contrôle de la maison départementale des personnes handicapées de Mayotte, dont le rapport a été rendu public le 3 juin, la chambre régionale poursuit ses contrôles dans le champ social. La juridiction délibère le 20 juin sur l’aide sociale à l’enfance (ASE) ».

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