Trois grossistes en fruits et légumes étaient jugés, mercredi matin, par le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour avoir employé des travailleurs étrangers en situation irrégulière, essentiellement de pays africains, pour le tri, la vente et le transport d’oignons. Le 9 octobre 2018, à Kawéni, un contrôle de la brigade mobile de recherches (BMR) a mis au jour les petites combines des trois négociants.
Ce jour-là, les policiers tombent sur deux personnes sortant d’une parcelle avec un véhicule utilitaire. L’un est un réfugié, tandis que l’autre a vu son statut de demandeur d’asile expirer. Ils indiquent travailler pour le propriétaire, un grossiste rwandais de 34 ans. Plus loin, la BMR tombe sur deux autres personnes, un Burundais et un Zaïrois, chargées de faire le tri des oignons dans un entrepôt. Eux aussi n’ont plus de papiers valides et disent travailler pour le négociant, absent de l’audience ce mercredi.
Les policiers se rendent compte que dans les parcelles voisines, c’est une constante. L’un dit travailler pour un Comorien, tandis qu’un autre affirme être engagé par un grossiste rwandais. Les deux commerçants se retrouvent donc à devoir expliquer comment ils procèdent. Venus d’Inde et Madagascar, les tonnes d’oignons achetées des centaines d’euros sans qu’ils existent parfois les factures arrivent à Kawéni. Contre une dizaine d’euros, des salariés souvent sans papiers et sans contrat de travail procèdent au tri, puis au transport. L’un d’eux, le seul avec un contrat, a précisé aux enquêteurs « travailler beaucoup », alors que son temps de travail ne doit théoriquement pas dépasser la vingtaine d’heures.
Au tribunal, les grossistes préfèrent ne pas trop s’étendre sur les activités. Aux policiers, le troisième, un Rwandais de 39 ans, a expliqué : « Tout ce qu’on fait en arrivant ici, on le fait pour survivre ». Un avis que ne partage pas la substitute du procureur, Sarah Mbuta. « Vous portez préjudice au secteur économique de Mayotte. Les gens sont exploités et forcés à devoir travailler pour quelques dizaines d’euros par jour. » Alors qu’elle demande 5.000 euros d’amende pour chaque, le tribunal choisit de les différencier. Le grossiste comorien est finalement relaxé, le Rwandais absent ce jour-là est condamné à payer 3.000 euros, tandis que celui de 39 ans doit s’acquitter de 500 euros. Impliqué dans une autre affaire de travail dissimulé jugé le même jour, ce dernier s’est vu condamner à une autre amende de 5.000 euros.
…et jusque dans les cuisines d’un brochetti de Chirongui
« C’est le paradoxe mahorais. On y va tous, on le sait tous, mais on ferme les yeux », explique maître Nadjim Ahamada, au sujet d’une autre affaire de travail illégal. Sa cliente, une femme de 44 ans d’origine malgache, est bien connue à Chirongui où elle dirige un brochetti. Un lieu de passage où les cinq ou six salariés changent au jour le jour. « Les gens viennent quand ils veulent. On peut difficilement caractériser un lien de subordination », continue l’avocat, pour justifier la difficulté de sa cliente à maintenir tout le monde en règle. Déjà dans le collimateur de la justice, la gérante du brochetti a déjà été lourdement condamné pour les conditions insalubres dans lesquelles travaillent ses employés. « Pour rembourser les 75.000 euros qu’elle doit payer, il va falloir en faire des mabawas », ironise son avocat. Le tribunal correctionnel l’a finalement condamné à une amende de 1.000 euros avec sursis.
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