“Si j’avais le film sur mon téléphone, je voudrais le revoir tous les jours”

Tourné à Mayotte, “Tropique de la violence” est arrivé sur les écrans de métropole, la semaine dernière. Un événement important pour Fazal Bacar-Moilim à qui le réalisateur Manuel Shapira a confié le rôle important de Bruce, le caïd. Rencontre avec le jeune homme de 20 ans, aujourd’hui au régiment du service militaire adapté (RSMA) à Combani.

À travers l’écran, il joue Bruce, un garçon plein d’assurance, autoritaire et manipulateur. Un méchant qui prend un malin plaisir à entraîner Moïse, le personnage principal de “Tropique de la violence”, dans le milieu difficile des bandes de Kawéni. Dans la vraie vie, Fazal Bacar-Moilim est davantage un jeune timide de 20 ans, encore hésitant face aux questions. “C’est un faux timide, prévient toutefois Chakri, son ami, lui aussi acteur dans l’adaptation du livre de Natacha Appanah, projetée dorénavant en métropole. Il n’a pas l’habitude de parler avec des étrangers. Il ne se comporte pas comme ça avec ses copains. Il est même plutôt rigolo.”

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L’acteur joue Bruce, le caïd qui accueille le jeune Moïse dans sa bande de Kawéni.

Confirmant l’analyse de son copain, Fazal a beau répondre “rien du tout” quand on lui demande ce qui a changé dans sa vie avec ce film, il ne cesse d’esquisser un sourire quand on en parle. Faire un film, il ne l’avait jamais imaginé avant de rencontrer le réalisateur Manuel Shapira alors qu’il traînait à Kawéni, là où il vit toujours avec sa mère. “Je me suis dit que ça serait bien de le faire. C’est quand même le premier film fait à Mayotte”, se souvient-il. Épaté par la façon dont il a joué pendant les essais au lycée des Lumières, Manuel Shapira lui a confié le rôle du chef de bande. Le comédien Dali Benssalah, qui sortait pourtant du tournage du dernier James Bond, s’est dit aussi “bluffé” par le garçon. Un compliment qui arrache à nouveau un sourire à ce dernier.

“Ça me rappelle quand on faisait du business”

Avec sa voix grave, son vécu, son accent marqué et hésitant, Fazal s’est approprié facilement son personnage. La drogue, les vols, les bandes, il a connu ça lui-même. “Il y a des scènes qui me rappellent quand on faisait du business”, admet-il. Le tournage à Mayotte et à La Réunion n’a pas été pourtant une colonie de vacances avec ses copains. Il a dû apprendre son texte, des répliques souvent beaucoup plus longues eu égard de l’importance de son personnage. Une vraie difficulté pour celui qui a arrêté l’école en cinquième sans savoir lire et écrire. Alors que le réalisateur lui a proposé le rôle de Bruce, le garçon avait alors demandé à pouvoir apprendre le temps du tournage.

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Fazal partage l’affiche avec Dali Benssalah, l’un des méchants du dernier James Bond.

Pudique, cette aventure l’a beaucoup marquée. Il voit d’ailleurs ou discute souvent avec les autres acteurs du film. “On est resté amis. Ça m’a permis de connaître de nouvelles personnes, les producteurs, les acteurs, des gens de métropole, de La Réunion”, fait-il remarquer. Le résultat de son travail aussi, il en est très fier. Même après avoir vu plusieurs avant-premières, il ne s’est pas lassé et attend la première occasion pour se le repasser. “Si j’avais le film sur mon téléphone, je le regarderais tous les jours’, explique-t-il.

Un nouveau statut dans son quartier

Et chez lui, à Kawéni, il a vu la différence avec le regard que lui portent les autres. En effet, l’équipe du film avait organisé une séance en plein air dans son village, le vendredi 4 février. Sa famille, ses amis ont pu voir ce dont il parlait depuis un an et demi. “Depuis, les gens me demandent des photos”, raconte-il, sourire aux lèvres. “Dès qu’on me reconnaît dans la rue, on me dit : “ça va la star ?””

Aujourd’hui au régiment du service militaire du service adapté (RSMA) de Combani, le jeune homme vient de commencer une formation de maçon-carreleur, qu’il doit terminer en fin d’année. Une autre vie bien cadrée et loin de la rue, mais aussi loin des plateaux de cinéma. Pourtant, si on lui proposait, “j’en referais”, assure-t-il, avant de reprendre le chemin de la caserne.

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