Le film “Tropique de la violence” a été présenté en avant-première, les jeudi 3 et vendredi 4 février, au pôle culturel de Chirongui, avec la présence d’une dizaine de jeunes acteurs locaux jeudi soir. Cette projection est “un miracle” selon le réalisateur Manuel Schapira.
Flash Infos : Quelle est l’importance de cette avant-première ?
Manuel Schapira : Quand on vient de terminer le montage, on a vu beaucoup de fois le film. C’est le moment maintenant de prendre beaucoup de recul. C’est pour ça que c’est important de le découvrir avec du monde, d’autant plus ici avec un public qui connaît Mayotte.
FI : Quel regard portez-vous sur votre travail ici ?
M. S. : Le contexte y est particulier. Il y a des questions d’identité. Vu de France, c’est un territoire qu’on ne connaît pas très bien. Quand nous sommes arrivés, plein de gens nous ont dit que tout était compliqué. Qu’il y a des embouteillages, des problèmes d’insécurité… C’est vrai qu’il n’y a pas de matériel de cinéma, il faut tout faire venir de métropole. Mais on est venu ici parce que c’était nécessaire.
FI : Est-ce votre plus grand défi en tant que réalisateur ?
M. S. : C’était un film compliqué ! Heureusement, il y a toujours eu des gens pour trouver des solutions. Le financement n’a pas été simple [le conseil départemental a refusé d’aider le film, ndlr.], il y a eu beaucoup de critiques. C’est un miracle de le projeter ici. Mais ça montre qu’il n’y a pas de sujets tabous. C’est aussi le rôle de la fiction de montrer la réalité, elle peut servir de catharsis.
FI : À quel point le film ressemble-t-il au livre ?
M. S. : On a décidé de garder le même titre. Il correspond à une réalité. L’auteure, Natacha Appanah, a vu le film. Elle en a été très émue. Elle a hâte qu’il soit montré pour avoir d’autres retours.
FI : Était-ce primordial de faire appel à des acteurs locaux ?
M. S. : En regardant le montage, j’ai toujours eu autant de plaisir à regarder les jeunes jouer. Je suis toujours épaté par leur talent. Pour la plupart, ils ont des histoires assez chargées. Mais raconter cette histoire de jeunes en la tournant ailleurs, ça n’avait pas de sens. Quand on vient d’une île où il y a peu de cinéma, c’est un peu la découverte. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’enthousiasme.
FI : Parmi eux, qui vous a le plus marqué ?
M. S. : Je me souviens quand j’ai rencontré Fazal [Bacar-Moilim, qui interprète Bruce, ndlr.], il m’a pris pour un flic. Je trouvais qu’il avait un visage, mais il était timide. On a réuni tout le monde dans un amphithéâtre du lycée des Lumières le week-end. Et dès qu’il est monté sur la scène pour des exercices, il a pris une autre dimension. Les autres l’ont regardé différemment. En le ramenant en voiture, je lui ai proposé le rôle. Il m’a dit oui si ça lui permettait d’apprendre à lire. Ce qu’il a fait.
FI : Est-ce que ça vous a donné envie de tourner de nouveau avec les jeunes d’ici ?
M. S. : J’adorerais ! On verra quelles seront les occasions.
FI : Le rôle de Moïse n’a pas été donné à un local, pourquoi ?
M. S. : On a fait le choix de faire venir un garçon de métropole, ça collait mieux au personnage. Comme lui, l’acteur arrivait dans un monde qu’il ne connaît pas [le quartier de Gaza à Kawéni, ndlr.].
FI : Vous allez présenter ce film dans les écoles, qu’est-ce que vous en attendez ?
M. S. : Le rectorat nous a beaucoup aidé. Grâce à lui, on a décidé de faire le tour de l’île. Je suis très curieux des questions qui vont être posées. il y en aura peut-être sur le cinéma. Comment on fait telle chose par exemple ? Ou si on a fait appel à de vrais acteurs. J’ai hâte !
La sortie nationale de “Tropique de la violence”, par Manuel Schapira, est prévue le 23 mars.