Sonia Perez, la dame du sable

C’est l’histoire d’une passion muée en artisanat. Sonia Perez, aéronophile, scrute et utilise le sable de Mayotte pour les incorporer dans ses bijoux. Une aventure débutée il y a environ deux ans qui prend son essor grâce au bouche-à-oreille.

« Ça, ça vient de la plage de Sazilé. Ça, des trois Baobabs. Et ça, de La Réunion. Il est vert grâce à l’olivine. C’est trop classe », désigne Sonia Perez, en maniant précieusement ses bijoux fabriqués chez elle, en Petite-Terre, avec du sable provenant essentiellement de Mayotte. C’est-à-dire de l’une de ses « 208 plages ». Dont sa préférée, celle de Longoni, pour la couleur ocre « insolite » de son sable, comparée à toute la palette de marrons découvertes sur l’archipel.

Cette artisane de 51 ans dit en être à sa « quatrième vie en attendant ce que réserve la cinquième » : il y a eu sa vie d’étudiante jusqu’à décrocher sa maîtrise de biologie avec option géologie et de professeure de sciences et vie de la Terre en métropole. Puis celles à Mayotte, d’abord en tant que professeure il y a douze ans, et depuis tout récemment, en tant que créatrice de bijoux. Mais le sable, sa grande passion, a toujours été présent chez cette « aéronophile », pour collectionneuse de sable.

« Ça a commencé quand j’avais 15, 16 ans. Je suis allée en Thaïlande et le sable était incroyable. J’en ai ramené dans mes poches. Et je n’ai pas arrêté d’en ramener de partout », s’amuse cette passionnée. Pas pour en faire de la décoration non. Elle le met dans une boîte à chaussures pour le regarder, le photographier et l’étudier, jusqu’à le faire proprement pendant ses études « afin de voir ce qu’il y avait dedans ».

« Tu n’as qu’à te le mette au cou ! »

Une partie de sa collection se trouve chez sa mère, dans sa cave. L’autre partie, bien fournie, est ici à Mayotte. « En 2021, quand j’ai arrêté l’enseignement, on s’est posé la question avec mon mari si on allait partir de l’île. Il m’avait dit que si on partait, la condition était de ne pas ramener mon sable », raconte-t-elle, bien décidée à le garder. Quand arrive une engueulade : « Tu n’as qu’à te le mette au cou ! », rapporte-t-elle. « Et là on s’est regardé. Et je me suis dit bah oui, c’est ça qu’il faut faire. » En 2021, démarrent les prototypes et le bouche-à-oreille fait son œuvre. En 2022, son entreprise Perles halidales officialise ce travail à plein temps.

« Ce n’est pas le sable que je vends, c’est beaucoup trop précieux. Je vends un bijou avec un petit peu de grains dedans [parfois une poignée ou quelques grammes], et le sable c’est comme un cadeau », détaille celle qui achète ses matériaux en métropole : acier inoxydé et perles qu’elle utilise pour faire des moules, verser le sable à l’intérieur avec de la résine pour coller le sable et « remplir » ses bijoux, à une vingtaine voire une trentaine d’euros la pièce unique. Le tout, bien étiqueté avec la provenance, « c’est mon côté psychorigide de professeure ».

Le sable utilisé est « aéroporté » : ramassé sur les parkings, prélevé aux abords des plages, directement par les personnes qui souhaitent passer commande, « et garder avec soi un bout de Mayotte ». Une façon de contourner aussi le Code de l’environnement qui stipule que prendre du sable directement sur la plage est interdit afin de préserver les littoraux.

« Je ne pensais pas qu’on avait autant d’artisans incroyables »

« Je ne pensais pas connaître un essor aussi rapide », confie celle qui a été nominée aux Trophées du tourisme, a pu intégrer le marché de Coconi et a commencé à ouvrir ses points de vente, en plus de son site internet, à l’aéroport et la maison artisanale de Mayotte, à Mamoudzou. « Mais ça reste encore discret. C’est une grande souffrance à Mayotte, tout est confidentiel. Avant d’entrer dans ce milieu, je ne pensais pas qu’on avait autant d’artisans incroyables à Mayotte », regrette-t-elle. « La Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam) fait partir des agriculteurs au salon de l’Agriculture et c’est formidable. Le salon de la Plongée fait découvrir aux gens l’un des plus beaux endroits du monde. Et nous, les artisans, on nous amène à Coconi, où tout le monde ne peut pas exposer », relève l’entrepreneuse, qui espère la mise en place d’une maison de l’artisanat étatique et pourquoi pas, la création d’un label « made in Mayotte ».

En attendant, c’est le made in France qu’elle va essayer de mettre en valeur en juin. Convaincue par une amie artisane, Sonia Perez est en train de s’inscrire au salon du Fabriqué en France qui se déroulera à Paris. « Au début, je me disais que j’étais trop petite pour ça. Mais elle, elle a exposé ses produits à Miami. Moi, j’irai à l’Élysée », dit-elle en souriant. Plus que « 4.000 euros » au moins à trouver, rien que pour pouvoir payer sa place…

L’asso pour se donner confiance

Sonia Perez est membre de la plateforme mondiale des femmes entreprenantes (Plamfe), représentée à Mayotte. « C’est un réseau d’entraide pour se motiver, se soutenir », explique l’artisane. « Une femme de façon générale va moins partir à l’aventure en se disant « je n’ai pas les compétences, mais ce n’est pas grave, on verra » », détaille-t-elle. « Une femme envisagera de se lancer dans sa propre entreprise seulement si elle sait faire. Il y a plus d’étapes de mises en actions que chez les hommes », pointe celle qui relève un syndrome de l’imposteur, de questionnements autour de la légitimité.

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