Depuis la parution de l’appel d’offres relatif au chantier scolaire, les producteurs de brique de terre mahoraise se sentent laissés sur le carreau. En cause, la mise en commun de la production et de la pose du matériau local, empêchant certains artisans de prendre part au projet, dont ils devaient occuper une place centrale.
Un pavé dans la marre. Ou plutôt, une brique… Depuis la publication de l’appel d’offres du rectorat concernant la création du lycée des métiers du bâtiment à Longoni, la jeune coopérative de brique de terre mahoraise voit rouge. Alors que le groupement d’une dizaine d’artisans estime avoir “pleinement contribué aux travaux en amont”, il s’estime aujourd’hui écarté in extremis du projet de construction.
“Nous sommes tombés des nues, car la fourniture de briques de terre compressée (BTC) n’a pas été isolée ou séparée de sa mise en œuvre comme nous l’avions tant réclamé lors de nos entretiens mais noyée dans les gros œuvres.” Autrement dit, plus question de séparer la production et la pose des briques, alors que tous les producteurs de la coopérative ne peuvent pas assurer eux-mêmes cette dernière. Pour eux, “tel qu’il est rédigé, cet appel d’offre exclut de facto la totalité des producteurs de briques de terre mahoraise”.
“On ne veut pas que le marché soit arrêté ou annulé, mais juste qu’ils modifient deux lignes”, défend Amboudi Madi, secrétaire général de la coopérative. “Comme ça, les maçons pourront venir poser les briques que nous auront produites, comme envisagé dès le départ avec les architectes.” D’autant plus que des fonds conséquents ont déjà été engagés, notamment par l’envoi de briques en métropole afin d’analyser leur résistance en tant que matériau de construction ou encore via des animations organisées sur le site.
« On est prêt à se lancer ! »
“Les équipes autour de ce projet nous ont assuré que ce projet nous offrira l’opportunité de nous relancer, d’où l’accompagnement que le conseil départemental a décidé de mettre en place pour nous, dans cet objectif, pour contribuer à la structuration de notre filière.” L’accompagnement en question ? Une enveloppe de 200 à 300.000 euros dédiés à la brique mahoraise. “S’ils investissent pour la relance, mais que derrière on n’a pas de travail, à quoi bon ?”, interroge Amboudi Madi. “On a toute la matière première, toutes les machines et on est capable de produire le nombre de briques nécessaires [à la construction du futur lycée de Longoni, ndlr], on est prêt à se lancer !”
À travers l’écriture de l’appel d’offres, la coopérative artisanale craint que le rectorat n’essaie de privilégier une société en particulier. Interrogé à ce sujet, le recteur Gilles Halbout semble surpris de la polémique, au regard des efforts faits dans ce dossier pour encourager l’artisanat local. “D’habitude, nous demandons que le chiffre d’affaires des sociétés candidates soit deux fois supérieurs au montant de l’appel d’offres auquel elles répondent. Là nous sommes descendus à la moitié, voire au tiers pour certains lots afin que chacun puisse répondre à son activité, d’autant plus qu’il y aura encore plusieurs dizaines d’autres gros projets de constructions, qui sont autant d’opportunité pour nos producteurs”, commente le chef de l’académie, particulièrement soucieux de permettre au savoir-faire local d’être intégré à ce chantier d’ampleur. “Les artisans peuvent toujours répondre à l’appel d’offres en association avec un poseur”, précise à son tour Fahad Mestour, responsable des constructions scolaires. “Mais il va falloir qu’on leur apporte cette garantie-là !”
La brique en terre locale, véritable pépite mahoraise
La brique en terre compressée occupait autrefois à Mayotte une place de choix dans le monde de la construction. Il faut dire que nombreux sont ses avantages : économique et écologique, puisque recyclable à l’infini et faite d’une matière première locale, parfois issue de travaux de terrassement notamment. Sa solidité et sa robustesse sont d’autres atouts majeurs, alors même que la brique permet une isolation thermique particulièrement adaptée au climat de l’île. Pourtant, dans les années 80, le recours à l’utilisation massive et quasi systématique du béton a largement mis à mal la filière, dont il ne reste aujourd’hui plus qu’une dizaine d’aficionados.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.