Il n’est pas rare à Mayotte de tomber sur des artisans de rue. Vendeurs bien sûr, mais aussi coiffeurs, couturiers ou même garagistes. Ils sont l’exemple même d’une économie informelle très présente sur l’île mais font aussi partie de la société mahoraise. Nassim, coiffeur, est l’un d’eux.
13h. Comme tous les jours, Nassim* rejoint le bord de la nationale et installe son salon. Il aligne ses rasoirs, ses sabots et ses peignes, prêt à s’occuper de tout type de cheveux. En général, il voit entre trois et cinq clients dans la journée. « Quand c’est plus, je coupe des cheveux même quand il fait nuit. Après, je suis mort je vais direct me coucher », débite-t-il avec un grand sourire accroché aux lèvres. S’il a su se créér une clientèle fidèle, de nouveaux curieux viennent à sa rencontre quotidiennement. « Quand les gens sont dans les bouchons, ils me voient couper des cheveux et certains s’arrêtent pour me demander mon numéro ou pour savoir s’ils peuvent passer. » Selon lui, sa plus grande force est sa position. En plus d’être visible aux yeux de tous, les clients potentiels peuvent voir en amont la qualité de son travail et lui confier leurs têtes sans problème.
Si le jeune homme de 21 ans n’est pas un grand fan de l’école, sa passion pour la coiffure lui a ouvert les portes d’une formation cette année. « J’aimerais apprendre de nouvelles techniques, par exemple les tresses. » En effet, pour le moment, Nassim ne coupe que des hommes. En plus de ne pas avoir toute la maîtrise pour s’occuper des filles, il appréhende surtout leurs réactions. Elles seraient, selon lui, plus attachées à leur chevelure. « J’aime faire de belles coupes, je m’en voudrais trop si elle n’aime pas », dit-il les yeux brillants. Il garde toutefois l’idée en tête, car mine de rien, coiffer ce public serait aussi bénéfique pour ses finances. Si une coupe classique lui permet actuellement de gagner cinq euros, celle pour les demoiselles lui apporterait minimum quatre fois plus. Cela nécessite toutefois l’achat de matériel, ce dont Nassim ne peut pas se permettre pour le moment…
Une routine qui tend à changer
15h30, son premier client arrive ! « Je veux garder la longueur sur le dessus et refaire le dégradé », mentionne-t-il à Nassim, en soulevant son kofia. Ni une ni deux, l’homme se retrouve assis sur une chaise à roulettes au milieu du trottoir et se regarde dans un miroir, posé dehors par le coiffeur de rue. Nassim ne perd pas une minute et attrape la tondeuse dont il a besoin. Concentré, il effectue les gestes qu’il reproduit chaque jour, presque mécaniquement, comme si la machine n’était que la contunuité de sa main. Nassim ne dit pas un mot, aspiré par sa tâche. Pourtant, la musique diffusée sur son enceinte couvre à peine le bruit des voitures qui circulent à quelques mètres. Difficile de se concentrer dans un tel vacarme. Il ne remarque même pas son ami, qui lui fait un signe de main en passant. Après une vingtaine de minutes, il s’attaque aux derniers détails. Quelque peu perfectionniste, Nassim préfère prendre son temps sur une tête plutôt que d’enchaîner.
Peu après le départ de son premier protégé du jour, son téléphone sonne. « Un client veut que j’aille le coiffer, lui et son fils ! » De plus en plus d’individus prennent son numéro et lui demande de venir à domicile. Pratique dans le sens où il n’a pas à transporter l’intégralité de son matériel… Toutefois, cette méthode de travail peut lui donner du fil à retordre ! Comme rater le passage d’un ou plusieurs habitués. « Le soir quand ils me croisent, ils me disent qu’ils sont allés ailleurs », soupire-t-il. Alors il tente de privilégier les rendez-vous, pour éviter ce genre de déconvenues. « J’ai même pris une puce spécialement pour la coiffure », précise-t-il, au moment de sortir un deuxième mobile de sa poche. Mais certains, particulièrement les plus agés, n’ont pas encore pris le pli. Alors demain, Nassim sera de retour à son poste. Passant le balai dans son salon en plein air, attendant patiemment les clients.
* le prénom a été modifié