Le moyen de transport privilégié sur Mayotte est le scooter. Pratique pour échapper aux bouchons et se rendre rapidement d’un bout à l’autre de la capitale, nombreux sont ses adeptes. Comme tout véhicule, les deux roues ont besoin d’être révisés. Plusieurs garages informels se sont donc montés sur l’île, dont un au cœur de M’gombani.
À première vue, tout le bâtiment ressemble à une banale maison. Une porte ouverte sur un rideau, une petite terrasse donnant sur la route et des amis installés devant pour discuter. Mais très souvent, deux, trois voire quatre scooters se garent devant l’entrée. Certains sans carrosserie, d’autres sur une seule roue… Des indices qui jour après jour ne trompent pas. « Hé baco, le bruit là, il est pas normal », lance Andjib* à un scooteriste dans la rue. Le jeune homme ralentit et soulève sa visière. « Sérieux ? », lâche-t-il d’un air étonné, avant de s’arrêter totalement. Le premier véhicule d’une longue série. Un problème d’accélérateur, un feu défaillant, une suspension à resserrer… Les deux roues défilent entre les mains des mécaniciens.
Pendant que l’un d’entre eux s’occupe de souder, deux autres retournent un bolide pour trouver le problème. « Attrape la clé et mets là ici s’il te plaît », dit Ayoub en désignant un boulon avec son doigt. Après moult tentatives, ils finissent par dénicher la bonne. Pile au moment où un morceau du scooter tombe… « Parfait, je le ressoude et c’est bon. Attention aux yeux ! » Un masque ou une paire de lunettes de soleil sur le nez en guise de protection, Andjib s’emploie avec son fer à souder. Une fois la pièce remise en place, le moment tant attendu arrivé : s’assurer que l’ensemble tienne la route. Fraîchement désigné, Baoudji* enfile fièrement son casque et démarre la bête comme sur des roulettes.
Une organisation au jour le jour
Si ce jour-là, le travail ne s’arrête pas, ce n’est pas toujours le cas. L’occasion rêvée pour Andjib de s’atteler à des réparations plus longues. Et ce n’est pas ce qui manque au vu des carcasses qui traînent à droite à gauche. « Ça ça roule pas encore, mais bientôt », annonce-t-il tout sourire, telle une promesse, alors que le scooter ne ressemble plus qu’un amas de ferrailles et de câbles. Dring… Dring ! Son téléphone sonne pour la troisième fois en seulement quelques minutes. « Passe dans une heure, par contre tu vas me payer ! », prévient le mécano, face à la malhonnêteté de certains de ses clients. Une habitude prise par les membres de sa famille, mais aussi par quelques habitants du quartier, qui le connaissent bien. « En général, les gens me font la blague, mais il y a toujours un espoir que je dise oui. »
La journée de travail commence plutôt tard en général. Durant l’après-midi plus exactement, quand le soleil ne tape plus sur la terrasse. Les gens s’arrêtent à la sortie du travail et discutent le temps que les révisions soient effectuées. À la nuit tombée, plusieurs deux roues attendent encore d’être réparés. Chacun des garçons en sélectionne un et se penche alors dessus. Les langues se délient, les cigarettes s’enchaînent, les passant les saluent. Et si le bruit continue peut paraître fatigant, ils sont maintenant habitués à ces aller-retour incessants, à ces moteurs vrombissants et à ces éclats de rire.
* Les prénoms ont été modifiés