Un vote « au forceps » selon certains élus. Dans la nuit de dimanche à lundi, le Parlement a adopté le projet de loi concernant l’extension du pass sanitaire, comprenant plus de 200 mesures. Reste encore l’approbation du Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre, afin de mettre le texte en application dès le mois prochain. Enfin, pas dans tous les département d’outre-mer…
« Pitié, cinq minutes ! » Il est 22h09 ce dimanche 25 juillet au soir lorsque le vice-président du Sénat, Roger Karoutchi, demande une brève suspension de la séance publique afin de statuer sur le dernier amendement du projet de loi sur le pass sanitaire. Au total, le texte en compte plus de 260. Mais à la dernière minute, le gouvernement, à travers Olivier Véran, décide d’en déposer un nouveau, qui sera adopté dix minutes plus tard. Ainsi, les préfets pourront désormais décider de mettre en place le pass sanitaire à l’entrée des « grands centres commerciaux, si les conditions l’exigent, en garantissant l’accès aux services essentiels ». Mais a priori, la mesure sera inapplicable à Mayotte, puisque le texte ne concerne que les centres de plus de 20 000 mètres carrés, alors que l’île n’en compte pas un seul du genre sur son sol. A titre de comparaison, l’hypermarché du Baobab affiche une superficie de 3 000 mètres carrés, et 1 400 mètres carrés de galerie marchande. Très loin du compte, donc.
Et la mesure n’est pas la seule à laquelle échappera le 101ème département. En effet, les parlementaires ont finalement décidé que la situation sanitaire de Mayotte ne nécessitait pas d’y déclarer l’état d’urgence sanitaire, du moins pour l’instant. Car au milieu du projet de loi, une petite phrase discrète est sans appel : « « Par dérogation (…) si l’état d’urgence sanitaire est déclaré sur le territoire de Mayotte avant le 30 août 2021, cet état d’urgence est applicable jusqu’au 30 septembre 2021 inclus », à l’instar de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe. Une précision qui permet de retarder la mise en place du dispositif sur le territoire, mais n’empêchera pas de l’y déployer rapidement si le contexte se dégrade. Alors autant savoir tout de suite à quoi pourraient s’attendre les Mahorais dans les prochaines semaines si le gouvernement décide de faire machine arrière.
D’abord, l’attestation vaccinale pourra être demandée dans les bars, les restaurants, les cafés, les foires ou salons professionnels, dans certains transports en commun, comme l’avion, le train ou encore les cars long trajet, ainsi que dans les établissements médicaux hors urgence. Pour mémoire, jusqu’à présent, et ce depuis le 21 juillet, le pass sanitaire ne pouvait être exigé que dans les lieux de loisirs et de culture rassemblant plus de 50 personnes (cinéma, festivals, salles de concert, de conférence, de spectacles, de jeux, événements sportifs, etc.). Selon l’accord trouvé entre les parlementaires, les 12-17 ans sont exempts de pass sanitaire jusqu’au 30 septembre.
Licenciement, contrôle, amende, isolement…
Si le texte fraîchement adopté maintient l’obligation vaccinale pour certaines professions, le licenciement ne sera plus de mise chez les soignants, sapeurs-pompiers et certains militaires non vaccinés, comme le prévoyait le projet de loi initial. En revanche, ceux-ci verront leur contrat et leur rémunération suspendus s’ils ne sont pas vaccinés à partir du 30 août. Si la situation perdure au-delà de trois jours, les salariés concernés seront convoqués pour un entretien afin d’être réaffecté à un poste où le pass vaccinal n’est pas obligatoire. Une subtilité de langage, en somme.
Contrairement à ce qu’envisageait initialement le gouvernement, les contrôles concernant l’isolement obligatoire (en cas de contamination ou de contact à risque) ne seront pas réalisés par la police mais par l’assurance-maladie. Ainsi, les établissements qui n’effectueront pas le contrôle des pass sanitaire de leur clientèle s’exposeront à une fermeture administrative de sept jours maximum, mais plus à la prison avec sursis ou à l’amende de 45 000 euros, annoncée plus tôt. En cas de manquement à plus de trois reprises sur 45 jours, le gestionnaire encourra toutefois un an de prison et 9 000 euros d’amende. Même sanction pour les transporteurs en cas de plus de trois défaut de contrôle sur 30 jours – qui s’exposent, eux, à une amende de 1 500 euros dès la première absence de contrôle.
Toute utilisation de pass frauduleux sera sanctionnée par une amende de 135 euros, et jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende en cas de trois infractions en 30 jours. Salariés et agents publics bénéficieront d’une autorisation d’absence afin de se rendre à leurs rendez-vous médicaux si ceux-ci sont liés à la vaccination.
Enfin, dernière mesure phare du projet de loi, l’isolement strict et total sur une durée non renouvelable de 10 jours est de mise pour toutes les personnes dépistées positives au Covid-19. Cette durée pourra être écourtée en cas de présentation d’un nouveau test négatif. Un recours sera possible devant le juge des libertés et de la détention. Les sorties resteront envisageables entre 10h et midi uniquement en cas d’urgence. Le non-respect de cet isolement sera puni d’une amende de 1 500 euros.
L’ensemble de ces mesures ne pourra être applicables que jusqu’au 15 novembre, avant d’être soumises à un nouveau votes des parlementaires. Si le projet de loi a été adopté dans la nuit de samedi à dimanche, le Premier ministre Jean Castex a assuré soumettre le texte au Conseil constitutionnel, dont le feu vert est attendu d’ici au 5 août, afin d’accélérer son entrée en vigueur. Pour le cas de Mayotte, le retour des vacances sera assurément un élément déterminant.
En marge des débats, la protestation anti pass sanitaire prend de l’ampleur
Alors que l’ensemble de ces mesures est supposée, selon le gouvernement, permettre d’endiguer la quatrième vague épidémique que connaît actuellement la métropole, la colère gronde partout à travers le pays contre ce que certains jugent être une forme d’obligation vaccinale. Dimanche, après un week-end de manifestations rassemblant quelque 161 000 participants, dont 11 000 à Paris, le syndicat Sud-Rail a appelé les cheminots à ne réaliser aucun contrôle sur les pass sanitaires. La semaine dernière, le Premier ministre avait annoncé l’ouverture de cinq millions de créneaux de vaccination supplémentaire sous 15 jours. « Le fameux variant Delta est là, majoritaire. Il est plus contagieux que les autres. Nous avons enregistré une hausse de 140% des cas positifs en une semaine, et plus de 18.000 hier. Un autre chiffre caractérise cette situation : 96% de ces 18.000 cas n’étaient pas des gens vaccinés », avait défendu Jean Castex sur le plateau du 13 heures de TF1.
Où en est l’épidémie à Mayotte ?
Contrairement à la métropole, où sous l’effet du variant Delta, l’épidémie repart en flèche, Mayotte connaît une accalmie depuis plusieurs semaines. Alors que la dernière hospitalisation liée au Covid-19 remonte à la fin du mois de juin, seuls 12 nouveaux cas ont été recensés entre le 13 et le 19 juillet selon l’ARS. Sur la même période, le taux d’incidence (nombre de cas pour 100 000 habitants est de 4,3, pour 0,3% de taux de positivé, ce qui peut se traduire par une perte de vitesse des contaminations, mais aussi un plus faible nombre de tests réalisés, notamment sous l’effet des vacances. Le retour des personnes ayant voyagé en dehors de l’île, courant août, pourrait d’ailleurs marquer une recrudescence du nombre de cas. Depuis le début de l’épidémie, il y a un an et demi, Mayotte enregistre 19 465 cas confirmés, pour 30 535 personnes vaccinées, soit 11,3% de la population, contre près de 50% en France métropolitaine.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.