À Kawéni, au siège social du syndicat mixte Les Eaux de Mayotte (Lema), les premiers actes de cession pour la future retenue collinaire d’Ourovéni ont été signés, ce mardi. Pas moins de onze propriétaires fonciers sont concernés. Avec la vente de terrains, la troisième retenue pourrait voir sa première pierre posée dès cette année.
« Les négociations se sont effectuées de manière cordiale, le projet de la retenue collinaire d’Ourovéni est d’utilité publique. Les propriétaires ont bien compris l’enjeu pour l’intérêt de la population de Mayotte », annonce Faharadine Bourhani Saïd, vice-président chargé du foncier auprès du syndicat mixte Les Eaux de Mayotte (Lema). Ce mardi 18 mars, une cérémonie officielle de signature des actes de cession de terrains a eu lieu au sein du siège du syndicat à Kawéni. Comme celles de Combani et Dzoumogné, cette retenue collinaire aura pour fonction d’alimenter l’archipel mahorais pendant la saison sèche, quand les forages et captages sont moins performants.
C’est en 2009 que le bureau de recherche géologique et minière (BRGM) repère le terrain sur un site d’une soixantaine d’hectares pour une capacité de stockage de trois millions de mètres-cube d’eau. Cette troisième retenue collinaire serait, en théorie, la plus grande de Mayotte, celle de Combani ne représentant que 25 hectares pour une production d’un million de mètres cubes. « Jusqu’alors, nous n’avions jamais réussi à avoir la maîtrise foncière. Tant qu’il n’y a pas de maîtrise foncière, il n’y a pas de projet », précise le vice-président. Et pour cause, pas moins de onze propriétaires sont titulaires de ce foncier réparti sur les communes de Tsingoni et Chiconi, dont la famille de Younoussa Bamana, l’ancien président du conseil général de Mayotte de 1977 à 2004.
Après de vaines tentatives, en 2020, l’Établissement public foncier et d’aménagement (Epfam) est conventionné par le syndicat pour tenter de négocier ces hectares nécessaires pour enrayer la crise actuelle de l’eau. « L’objectif a été de trouver un terrain d’entente avec les propriétaires. Ce n’est pas facile, les Mahorais ont un attachement avec leur foncier », explique Antoinette Kalisso, en charge de l’ingénierie de maîtrise foncière au sein de l’Epfam. Depuis plus de quatre ans, les différentes parties négocient. L’établissement public avait l’avantage de l’activation d’une déclaration d’utilité publique (DUP), un outil juridique qui permet l’expropriation légale pour un projet d’aménagement d’intérêt général, si aucun accord amiable n’était trouvé.
Une signature parfois amère
En présence d’un notaire, la signature des accords de cession sont restés confidentiels. La presse n’a pas été autorisée à assister aux discussions. À la sortie de cette signature, l’un des propriétaires a souhaité se confier de manière anonyme : « Ce n’est pas facile de céder son patrimoine, quand on a un terrain sur lequel on a passé son enfance, c’est une partie de notre identité que l’on cède ». Le propriétaire et sa fratrie possèdent une dizaine d’hectares sur ce site. Il craignait de se voir exproprier via le DUP. « La signature n’a pas été facile. J’ai beaucoup hésité. De même pour ce qui a été mis sur la table. À Mayotte, peu importe la classe sociale, c’est la coutume, chacun doit posséder un champ. Nous comprenons la nécessité de ce projet d’utilité publique, mais nous avons aussi signé pour éviter d’être démunis », raconte-t-il, la gorge nouée.
Tous les propriétaires fonciers devraient se succéder et signer les actes de cession jusqu’à la fin de l’année scolaire. Le syndicat des eau espère maintenant la première pierre de la retenue collinaire pour la rentrée 2025. Mais il faudra attendre un moment avant qu’elle alimente le réseau d’eau, les travaux devraient durer au minimum sept ans.
Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.