Alors que deux opérations loi Élan aux quartiers Cétam et la Vigie se heurtent au refus de propriétaires privés, la présidente du collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’est rendue en Petite-Terre pour obtenir des garanties de la mairie de Dzaoudzi-Labattoir. Une mobilisation qui illustre le ras-le-bol d’une partie de la population, prête à “prendre son destin en main”.
Le collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’est rendu ce vendredi en Petite-Terre, direction l’hôtel de ville de Dzaoudzi-Labattoir. Objectif : obtenir des réponses de la mairie au sujet des deux opérations de destructions de cases en tôle qui doivent se tenir dans un peu plus de deux semaines, à Cétam et à la Vigie. “Ce sont deux quartiers sensibles, informels, il n’y a pas eu une journée sans violences depuis plusieurs mois et au moment de passer aux démolitions, il y a un couac !”, s’agace Safina Soula Abdallah, la présidente du collectif.
Tristement célèbres depuis les violents affrontements de janvier dernier, qui avaient provoqué la mort de trois personnes, ces deux quartiers étaient visés par des arrêtés loi Élan en date respectivement des 3 et 19 février 2021. Seulement voilà : les périmètres définis pour ces deux opérations ont visiblement été tracés un peu à la hâte… et ont intégré quelques parcelles privées, à côté de celles appartenant à l’État ou au conseil départemental. Or dans les deux cas, les propriétaires ont refusé la destruction des cases bâties sur leurs terrains. Ce qui a conduit, pour l’opération Cétam, à établir un nouveau périmètre, rempli de trous, par un nouvel arrêté en date du 19 mars 2021. Quant à celle de la Vigie, elle est tout bonnement annulée.
Le rôle de la mairie en question
“Ils se sont rendus compte qu’il y avait aussi des propriétaires fantômes, mais ces gens-là ne sont même pas sur le territoire, ce sont des marchands de sommeil qui se permettent d’envoyer un courrier pour empêcher la procédure de démolition !”, dénonce encore Safina Soula Abdallah. Pour tenter de faire bouger les lignes, la présidente du collectif a donc sollicité une entrevue avec le maire de Dzaoudzi-Labattoir, car “nous pensions qu’il était derrière tout cela, qu’il manipulait ces mêmes personnes (les propriétaires, ndlr) à des fins électorales.” Le principal concerné étant absent du territoire, c’est finalement avec son premier adjoint que les membres du collectif 2018 ont pu s’entretenir.
“Ils avaient vraisemblablement eu des informations d’un autre collectif de Labattoir, comme quoi nous aurions incité certains propriétaires à refuser de voir les habitations détruites, ce qui n’est pas vrai”, confirme Mikidache Houmadi, contacté par Flash Infos. “Nous avons longuement échangé et je leur ai surtout expliqué que nous intervenions en tant que médiateurs et accompagnateurs des services de l’État sur ces opérations. Mais en aucun cas nous ne sommes acteurs”, développe le premier adjoint à la mairie de Dzaoudzi. En effet, les terrains concernés n’appartiennent pas à la mairie, même si ses services sont présents aux réunions préparatoires. “Il y a un autre élément que j’ai porté à la connaissance des gens du collectif, c’est le chiffre de 800 personnes à reloger avec ces opérations loi Elan”, chiffre qui a notamment été évoqué pendant l’une de ces réunions, explique-t-il. Dans les deux arrêtés préfectoraux des 3 et 19 février, les enquêtes recensaient à l’époque 258 personnes pour le quartier Cetam, et 285 personnes pour la Vigie. “Nous n’avons pas ces logements en Petite-Terre”, pointe du doigt Mikidache Houmadi. “Chacun doit prendre ses responsabilités, mais nous n’allons pas nous substituer aux obligations de l’État.”
Les menaces fusent
De son côté, le préfet de Mayotte Jean-François Colombet avait bien tenté de convaincre les propriétaires récalcitrants, assurant qu’il “ne manquerait pas de communiquer leurs noms prénoms et adresse à Monsieur le directeur régional des Finances publiques pour qu’il s’intéresse aux revenus qui viennent de ces parcelles.” Une menace à peine dissimulée qui n’aura donc pas porté ses fruits, au grand dam d’une partie de la population. “Nous demandons à la préfecture, aux services de la gendarmerie ou de la police de mener l’enquête pour identifier réellement qui sont ces marchands de sommeil”, réitère Safina Soula Abdallah. Qui n’hésite pas à faire un parallèle avec d’autres événements récents, comme cette manifestation à Tsimkoura contre la présence d’étrangers en situation irrégulière, ou encore cette affiche des habitants de Bouéni, menaçant ces mêmes ESI d’une expulsion, le 9 avril prochain. “La population a pris en main son destin”, avertit-elle.