Logement : faut-il un deuxième opérateur en plus de la SIM à Mayotte ?

Une table ronde a réuni ce jeudi plusieurs acteurs clés du logement dans le 101ème département, confronté à de lourds défis en la matière. Alors que les besoins se chiffrent à plus de 80.000 habitats supplémentaires à l’horizon 2050, un deuxième bailleur pourrait apporter sa pierre. Une solution qui ne doit pas cacher les autres problèmes de la filière, juge la Société immobilière de Mayotte.

Une nouvelle tête à côté de la Société Immobilière de Mayotte ? La question n’est pas nouvelle, certes. Mais elle a à nouveau animé le débat lors d’une table ronde du Sénat ce jeudi. Dans le cadre de l’étude sur le logement dans les Outre-mer, les rapporteurs Guillaume Gontard (sénateur d’Isère), Micheline Jacques (Saint-Barthélémy) et Victorin Lurel (Guadeloupe) étaient amenés à poser leurs questions à plusieurs acteurs du logement et représentants politiques de Mayotte.

Parmi les VIP du jour, pour parler du cas du 101ème département, les sénateurs, Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani, la vice-présidente du conseil départemental en charge de l’aménagement et du développement durable, Raissa Andhum, le directeur général de la SIM, Ali Mondroha, ou encore des représentants de la Cadema, de l’Epfam, de la DEAL ou d’Action logement.

 

“Il ne faut pas créer une coquille vide”

 

Est-ce qu’il nous faut un autre bailleur ? Oui, bien sûr, car nous n’arrivons pas à répondre aux besoins de la population mahoraise”, a tranché la vice-présidente du Département, Raissa Andhum, à cette question presque rhétorique. Déjà, en 2019, le Plan Logement Outre-mer pour la période 2019-2022, préconisait dans ses mesures de “favoriser l’arrivée d’un deuxième opérateur”. Mais là où le PLOM misait sur une “stimulation de la concurrence et une montée en puissance du nombre d’opérations conduites”, les discussions de cette table ronde ont plutôt fait émerger le besoin d’un opérateur complémentaire, pas nécessairement axé sur le logement social.

Il ne faut pas juste créer une coquille vide, il faut préciser l’objet social de cet opérateur qui pourrait être de favoriser l’accession sociale à la propriété”, a signalé Nizar Assani Hanaffi, président du comité territorial d’Action Logement, en invitant à mieux définir la cible du nouvel entrant. Comme par exemple les jeunes actifs qui souhaitent devenir propriétaires.

 

Une solution qui ne lève pas tous les freins

 

Un deuxième opérateur, certes, mais si nous ne réglons pas les problèmes en amont, cela ne règlera pas le problème”, a rétorqué le directeur général de la SIM, Ahmed Ali Mondroha. À savoir, le frein des ressources humaines d’une part – il ne faudrait pas que le nouvel arrivant sur le marché vienne “débaucher” les profils chassés avec pugnacité par son aîné ; et d’autre part, le manque d’entreprises structurées dans la filière BTP pour mener les plus gros chantiers.

Sans parler des coûts des construction, entre 10 et 20% plus élevés que ceux constatés à La Réunion, voire 30% pour la métropole… La relance de la filière de la brique de terre compressée, BTC, sur laquelle la SIM avait “définitivement levé le pied” depuis 2012 car aucun assureur sur place n’acceptait d’assurer ce produit, pourrait à ce propos apporter une première pierre à l’édifice.

 

80.000 logements supplémentaires au minimum d’ici 2050

 

logement-faut-il-deuxieme-operateur-sim-mayotteDe quoi se passer de la concurrence ? Pas sûr. Car il faut dire que les missions qui incombent à la seule Société immobilière de Mayotte sont de taille : alors que la croissance des bidonvilles ne faiblit pas – les cases en tôle représentent toujours quatre habitats sur dix -, la demande pourrait exploser dans les années à venir. À l’horizon 2050, ces besoins devraient atteindre 80.000 logements supplémentaires “auxquels il faut rajouter la résorption de l’habitat insalubre, 25.000 cases en tôles et 13.000 logements insalubres que nous avons pu recenser grâce à notre questionnaire”, a rappelé le directeur général de l’Epfam, Yves-Michel Daunar.

Et la politique dynamique de destruction de cases en tôle, menée par la préfecture sous l’impulsion volontariste de l’État, ne risque pas de faire baisser la jauge… Une actualité qui a d’ailleurs fait réagir la rapporteure Micheline Jacques. “Les solutions sont-elles satisfaisantes dans le cas des destructions, et au-delà de l’urgence, quelles solutions pérennes peuvent être trouvées ?”, a-t-elle interrogé sans parvenir à obtenir une réponse claire dans les trois heures de temps dédiées à cette réunion. Un constat toutefois : certaines familles pourraient rentrer dans du logement social classique, selon Ali Mondroha. “Mais le gros du contingent, la plupart de ceux qui sortent de ces opérations de décasement, sont soit des clandestins soit ceux qui ont des titres de séjours qui ne permettent pas de rentrer dans les dispositifs qui existent actuellement”, a-t-il admis.

Quoi qu’il en soit, la réponse ne pourra pas venir du seul planning de construction de la SIM, qui a d’ailleurs accusé une baisse dans ses livraisons en 2019. “Comment remédier à cette baisse préoccupante alors que les besoins sont estimés à 1.200 logements sociaux par an ?”, a demandé le co-rapporteur Victorin Lurel. L’objectif du premier bailleur de l’île de livrer 500 logements par an dès l’année prochaine peut être une première réponse… Mais qui reste ténue au vu des projections pour 2050 !

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