La place de France change de place. Le monument aux morts de Mayotte pour la France est désormais dans le jardin du bicentenaire de la Révolution française. Réaménagé depuis peu, ce lieu de mémoire a officiellement été inauguré, ce mardi, par Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir.
Plus qu’un simple symbole républicain, c’est un lieu hautement chargé d’histoire qui accueille désormais le premier monument aux morts érigé à Mayotte. En effet, pour des raisons de sécurité et de circulation routière, l’ancienne place de France sur le Rocher de Dzaoudzi quitte le rond-point du Détachement de la Légion étrangère de Mayotte (DLEM), pour un emplacement plus adéquat juste à côté, le jardin du bicentenaire de la Révolution française, jadis aménagé par le préfet Daniel Limodin. Pour marquer cet autre événement historique, ce petit parc situé entre l’ancienne résidence des gouverneurs et le non moins historique hôpital de Dzaoudzi (un des premiers édifices construits au début de la colonisation française de Mayotte) avait été aménagé sous la gouverne de Madame Limodin, laquelle avait choisi d’y faire planter 17 arbres représentant chacun une des communes de l’île. Au gré du temps et des évènements qui ont marqué notre histoire récente, le lieu était peu à peu tombé dans l’oubli, particulièrement au lendemain de la décentralisation en 2004, à l’instar du parc voisin entourant l’ancienne préfecture de Mayotte. Le voilà donc qui renaît à nouveau de ses cendres sous de nouveaux atours, au milieu des 17 espèces locales qui ont bien grandi. « Cette place va retrouver un nouveau visage, plus moderne et plus adapté aux besoins actuels des usagers mais tout en conservant les traces de son histoire », souligne le maire de Dzaoudzi au début de son discours.
Entre tradition et modernité
L’endroit est incontestablement l’un des plus emblématiques du Rocher de Dzaoudzi puisqu’il s’agit de l’ancienne place forte des Ahmad Ibn Ahmad, la dernière dynastie des sultans « Mawana » (prédécesseurs d’Andrianatsoly), baptisée du nom de leur mère Halima Combo dite Moimdzaoudzé (d’où est tiré le nom de Ndzaoudzé prononcé Dzaoudzi par les premiers colons). Tout comme Saïd Omar Oili, qui a observé l’aspect fonctionnel et adapté de ce nouvel emplacement du monument aux morts, le conseiller départemental Ali Omar fait remarquer que cette nouvelle place de France aurait fait l’objet de nombreuses fouilles et recherches archéologiques préalablement aux travaux de réaménagement conduits par le bureau d’études CET plusieurs mois durant. « Elles ont certes retardé la mise en œuvre du projet, mais elles ont permis de mettre en exergue des vestiges d’époque probablement médiévale et des traces d’occupation plus moderne », argue le vice-président du Département. La véracité de son passé historique y est notamment attestée par la présence d’un puits référencé comme étant celui de la première mosquée de la forteresse des « Mawana ». Il convient de faire remarquer que la mémoire collective mahoraise y a toujours vu en ce lieu l’emplacement (probable) de l’habitation de la mère de cette dynastie. En accord avec l’architecte des bâtiments de France, la direction des affaires culturelles de Mayotte aurait préconisé de ne pas mettre en péril la sauvegarde des vestiges découvertes, au moyen d’un rehaussement de l’élément central de cette nouvelle place de France. Les différentes entreprises qui ont été appelées à intervenir sur ce site ont été fortement sensibilisées pour mener leurs travaux en conséquence.
Le maire de Dzaoudzi-Labattoir a invité les habitants de Petite-Terre et de Mayotte a faire de cet endroit un lieu leur appartenant et à le respecter. Il a promis un maoulida shengué (alliance de danse et de chants religieux d’inspiration islamique) plus conséquent que celui qui a rythmé l’ouverture de la manifestation pour « marier tradition et modernité ».
Valoriser un endroit emblématique
Des panneaux informatifs et une frise historique seront prochainement installés sur un mur prévu à cet effet en aval du site, aux abords du puits de l’ancienne mosquée des « Mawana ». Ils ont vocation à sensibiliser les gens de passage et les générations futures sur les traces historiques qui subsistent sous leurs pieds en ce lieu qui se veut emblématique et stratégique de Petite-Terre. Ces travaux conduits par le bureau d’études CET ont coûté 771.066 euros et ont donné lieu à des contributions financières de l’État (150.000 euros), le Département (265.438 euros), du FCTVA (126 486 euros) et de Dzaoudzi-Labattoir (229 144 euros).