Gérante de l’hôtel La Résidence à Kawéni depuis 18 ans, Sophie Bond s’en prend à l’immobilisme ambiant et aux manquements des autorités. En raison des fortes pluies des derniers jours, la route pour accéder à son établissement s’est transformée en piscine. Un ras-le-bol qui dure depuis 5 ans à la suite de la construction du lycée des Lumières. Mais aujourd’hui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
C’est la voix à la fois attristée et remontée que Sophie Bond décroche son téléphone. « Cela fait 18 ans que je suis à Mayotte, je n’ai jamais eu affaire aux journalistes », glisse timidement la gérante de l’hôtel de 13 logements La Résidence à Kawéni, presque mal à l’aise d’avoir recours à la presse. La raison de cet appel et surtout de ce cri de détresse ? L’état catastrophique de la route qui mène à son établissement. « Encore ce matin, j’ai dû porter ma fille de la voiture à l’entrée. C’est tellement dangereux à cause de la boue… » Un phénomène qui se répète inlassablement à chaque saison des pluies depuis la construction du lycée des Lumières en 2016. Cette année-là, c’est celle de tous les malheurs pour la propriétaire : les travaux avaient alors mis à sac les caniveaux pourtant fraîchement apparus lors de la réfection de la rue en 2007.
« Ce problème n’est pas pris à bras le corps », regrette-t-elle, complètement déboussolée. Et toutes les autorités, sans exception aucune, prennent pour leur grade, entre l’absence de moyens des services techniques de la mairie et le silence radio de la préfecture ! « On souffre de l’inaction de toutes les administrations possibles et inimaginables qui ne répondent jamais à nos cris de détresse si on ne connaît pas quelqu’un. Il existe des carences tellement importantes qu’on ne peut plus travailler. On peut faire des efforts et pallier certains manquements, mais avec le Covid, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. » Malgré le déplacement sur site d’agents de la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou et d’un bureau d’étude il y a trois semaines, rien ne bouge. Si ce n’est rajouter de la terre dans les trous et curer les conduits par-ci par-là. De temps en temps…
400 litres de déchets ramassés
Conséquence : Sophie Bond doit envoyer, presque quotidiennement, ses 6 salariés au casse-pipe pour nettoyer les dégâts. Et le bilan de la matinée fait bondir, avec pas moins de 400 litres de déchets ramassés. Des pneus, des sièges auto, des bidons en veux-tu en voilà, et même un dessus de gazinière. « Je dois payer des heures supplémentaires à mes employés pour enlever les poubelles… Non seulement ce n’est pas leur job, mais en plus, ils risquent de se blesser. Ils ont dû utiliser des brouettes pour dégager tout ça », s’emporte-t-elle. D’autant plus que cet immobilisme ambiant l’empêche de s’agrandir et même de rouvrir le restaurant qu’elle louait avant sa fermeture en août 2016. Sans parler de son espace de parking raviné.
Mais surtout, la gérante de l’hôtel La Résidence s’insurge contre l’image renvoyée à ses clients métropolitains, « des cadres » qui « n’ont pas à s’adapter ». « Aujourd’hui, j’ai dû prêter une brosse à l’un d’eux pour qu’il nettoie ses bottes, vous imaginez », se désole-t-elle. « Ils sont obligés d’attendre 20 minutes que l’eau s’en aille. » Des conditions qui la font sortir de ses gonds, auxquelles s’ajoute un arrêt forcé de mars à mi-septembre, en raison de la crise sanitaire. Pourtant, ce ne sont pas les sollicitations qui manquent. « Samedi prochain, j’accueille 10 personnes de la réserve sanitaire. Ils viennent nous sauver la vie et on les reçoit dans la m….. C’est une honte ! » Et pour Sophie Bond, toutes ces raisons expliquent que les entrepreneurs « baissent les bras et s’en vont ». « C’est une catastrophe économique, écologique et sociale. Et nous, on est au milieu, on a beau essayer de convaincre… » Rien n’y fait !